Guy Labertit : Gbagbo est majoritaire dans Abidjan et dans quatorze des dix neuf régions du pays.

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Guy Labertit est un proche de Laurent Gbagbo. Délégué Afrique du Parti socialiste français pendant treize ans (1993-2006), il a rencontré le Président sortant de Côte d’Ivoire alors qu’il était réfugié à Paris, voici une trentaine d’années.

Qu’est-ce que l’arrestation de Laurent Gbagbo vous inspire?

Guy Labertit : Une profonde honte par ce qui a été fait par l’État français. C’est une intervention militaire qui nous ramène soixante ans en arrière, avant même les indépendances africaines. La France a totalement outrepassé le mandat qu’elle était censée avoir. M. Gbagbo a pu être livré à M. Ouattara grâce à l’intervention militaire de la France. A mes yeux c’est une violation flagrante du droit international. Et une tache indélébile dans les rapports entre la France et le continent africain.

D’un point de vue tactique, cette intervention était-elle un bon calcul de la part de la France?

Je pense que la politique de Nicolas Sarkozy ouvre le golfe de Guinée aux Etats-Unis. Le président Obama a tenu les mêmes positions que M. Sarkozy, mais lui a laissé faire le sale travail…

Les pays d’Afrique de l’Ouest ont pensé intervenir eux-mêmes en Côte d’Ivoire…

Je pense qu’après un certain temps, il y aura une profonde honte chez les chefs d’Etat africains d’avoir laissé un de leurs pairs entre les mains de l’ancienne puissance coloniale.

L’arrestationde Laurent Gbagbo annonce-t-elle la fin du conflit entre les deux clans ivoiriens?

Pas du tout. Je pense au contraire que la Côte d’Ivoire ne peut se réconcilier qu’avec Laurent Gbagbo vivant et libre. Les gens à qui il a été livré sont ceux-là mêmes qui ont tenté de le renverser par un coup d’État en 2002 alors qu’ils étaient associés au gouvernement. L’objectif est clair: depuis dix ans, il s’agissait d’écarter Laurent Gbagbo.

Pourquoi Gbagbo est-il selon vous indispensable à la réconciliationdes Ivoiriens?

Un Ivoirien sur deux a voté pour lui… Il est majoritaire dans Abidjan et dans quatorze des dix neuf régions du pays.

Pour vous, Paris n’est pas intervenu pour la démocratie…

M. Ouattara est l’homme qui a fait arrêter M. Gbagbo en 1992 alors qu’il était Premier ministre. C’est l’homme qui a promulgué la loi anti-casseurs, qui a imposé les cartes de séjour. M. Gbagbo est celui qui a supprimé les cartes de séjour, qui a fait adopter la loi pour l’assurance-maladie universelle, qui a créé la décentralisation et qui a promulgué l’enseignement primaire gratuit…

Comment expliquez-vous l’unanimité de la communauté internationale?

Cette affaire a été très bien préparée. Comme M. Gbagbo était le fils des élections, il fallait le contourner par des élections. Le pays comporte 19 régions. Sur 14 régions qui représentent 83 %de l’électorat, M. Gbagbo avait 7 points d’avance. C’est sur les 17 % des cinq régions du nord, où le scrutin a été faussé parce que la rébellion n’avait pas désarmé, que M. Ouattara a inversé le résultat. M. Gbagbo n’a donc pas perdu le scrutin du 28 novembre.

Propos recueillis par Frédéric Rohart

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