Nous avons encore suivi avec intérêt les débats et positions dans les médias togolais sur les problèmes de l’après-élection au cours de cette semaine du 12 au 18 août 2013. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas été, comme la grande masse des opposants, très tendres pour « l’opposition », en réalité pour les partis d’opposition qui ont participé au scrutin du 25 juillet. Cette remarque est valable, tant pour la presse écrite que pour la presse télévisée et les radios, notamment Radio Victoire dans ses émissions journalières de 7-8 heures et Kanal FM dans son « Club de la presse » quotidien de 11H.00 à 12 H 30.
Dans ces débats et par ces prises de position, les médias de l’intérieur rejoignent les positions exprimées sur les sites par la diaspora togolaise, surtout la diaspora togolaise en Suisse et en Allemagne. Cela se comprend, et ce retard n’a pas d’importance. Le plus important, c’est que les réactions et les positions sont globalement les mêmes de part et d’autre, et qu’elles méritent par conséquent d’être prises en compte dans toute démarche tendant à conférer plus d’efficacité à l’opposition togolaise dans son ensemble.
Le moins qu’on puisse dire est que les médias aussi n’ont pas été tendres pour les partis qui sont allés aux urnes dans les conditions que nous connaissons tous, et pour les dissensions surgies au grand jour après les élections au sein des partis du CST, comme entre le CST et la Coalition ARC-EN-CIEL.
Les médias de l’intérieur ont dénoncé avec sévérité les querelles postélectorales. Ils ont fustigé les tendances hégémoniques des responsables de l’ANC, et les calculs politiques portés par ces tendances. Ils ont vivement critiqué le refus de l’ANC de déposer un recours auprès de la Cour constitutionnelle, certains journalistes insinuant par ailleurs que ce refus traduirait en fait une absence de preuves. D’autres s’en sont pris à Agbeyome, voyant dans sa volonté de déposer, lui tout seul, un recours envers et contre la position adoptée sur la question par ses amis du CST ; ils ont vu dans son geste un acte d’indiscipline qui révèle le manque de cohésion et de solidité d’une organisation politique.
Les tirs semblent bien plus orientés sur l’ANC que sur les partis de la Coalition ARC-EN-CIEL. Dans l’ensemble, les médias paraissent avoir porté un certain intérêt à la proposition de la direction de la Coalition, qui appelle à l’organisation des « Etats généraux de l’opposition », faisant ainsi penser à « l’opération catharsis » que nous avions tenté d’organiser dans le temps au Foyer PIE XII sur proposition de partis comme le PDU. Opération qui, bien entendu, n’avait rien donné, les problèmes de l’opposition togolaise étant bien plus profonds qu’on ne le pense.
Enfin, les médias ont été unanimes à reconnaître que l’opposition parlementaire issue des élections du 25 juillet est fragile et minée d’avance par ses dissensions internes. Elle ne pourra imposer au régime aucune des réformes essentielles pour créer au moins les conditions d’une franche alternance. Elle le pourra d’autant moins que les résultats proclamés ne lui donnent même pas une minorité de blocage pouvant lui permettre d’empêcher le régime à faire ce qu’il veut.
Bien entendu, certains des journalistes laissent entendre d’un ton magistral que le rôle de l’opposition parlementaire est de dénoncer. C’est leur point de vue dans la situation politique particulière où le Togo se débat depuis 1990.
Depuis la fin du parti unique par la proclamation du multipartisme et de la pluralité des idées et des opinions (avril 1990), c’est la première fois que les médias portent sur l’opposition des critiques aussi sévères et aussi unanimes. Le fait est d’autant plus digne d’intérêt que ces critiques reflètent largement les points de vue dominants au sein de l’opinion dans son ensemble, en particulier dans la masse des opposants.
Ces critiques ne nous surprennent pas à la CDPA-BT. Nous les avions déjà formulées à plusieurs reprises sous des formes diverses. Le souci de ménager les susceptibilités au sein de l’opposition pour laisser la porte ouverte aux rapprochements indispensables, que nous avons toujours souhaités entre partis d’opposition, nous a toujours conduits à mesurer les mots et à éviter à chaque fois d’aller aussi loin dans nos propos. Venant de la CDPA-BT, ces critiques n’ont pas souvent plu, y compris les propositions de réorganisation qui les ont toujours accompagnées. Les réactions les plus belliqueuses sont souvent venues de patrons de la presse écrite. Ils deviennent furieux dès que les critiques relèvent les incohérences de la politique d’opposition conduite par d’autres partis d’opposition.
Ce qui semble plus important à retenir dans ces critiques formulées par les médias à l’encontre des partis d’opposition participationnistes est la fragilité de l’opposition parlementaire. A la CDPA-BT, nous rejoignons parfaitement ce point de vue. La fragilité ne fait aucun doute. En conséquence, l’opposition parlementaire ne peut rien imposer au régime et à son parti pour créer les conditions du changement de régime politique dans le pays. Elle protestera. Elle dénoncera. Elle votera peut-être des lois… Mais elle sait qu’elle ne peut pas aller au-delà. Pire qu’en 2007, l’opposition parlementaire se retrouve encore dans la logique des « chiens aboient, la caravane passe ».
Aussi, le risque est-il grand de voir le pays sans opposition dans les faits, si celle-ci se réduit à une opposition parlementaire soumise en plus au statut de l’opposition édicté par le régime le 12 juin 2012.
C’est pour éviter ce risque que la CDPA-BT avait, dès la proclamation des résultats provisoires du scrutin du 25 juillet, appelé les partis d’opposition qui le veulent à accepter de se mettre ensemble pour renforcer l’opposition extra-parlementaire, afin d’éviter au pays de se retrouver dans les faits sans opposition face au régime.
La CDPA-BT renouvelle cette proposition.
Fait à Lomé, le 18 Août 2013
Pour la CDPA-BT
Son Premier Secrétaire
E. GU-KONU