Togo. La révolution dont je rêve pour mon pays

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«…moi je ne suis qu´un locataire, les propriétaires c´est le peuple.»

C´est ainsi que s´exprimait  Monsieur François Hollande, président de la République Française, dans une courte interview lors de la journée “portes ouvertes” à l´Elysée dans le journal de 20 heures sur France 2 relayé par TV5 dimanche 16 Septembre 2012.

Permettez-moi de commencer mon propos par cette phrase apparemment anodine du premier responsable français.

Cette déclaration à première vue sans importance ne résume-t-elle pas le fléau  africain en général et les contradictions togolaises en particulier qui font que les dirigeants prennent tout le pays pour leur bien personnel et le peuple comme du bétail sans aucun droit qu´on peut mener à sa guise?

Faire renaître un nouveau Togo

Aujourd´hui comme hier au Togo la préoccupation première de tout homme ou de toute femme ayant la moindre parcelle de responsabilité est de penser à s´enrichir par tous les moyens. Servir les citoyens pour lesquels ils ont été nommés est le dernier de leurs soucis.

Comment d´ailleurs pourrait-il en être autrement si le mauvais exemple vient d´en haut en toute impunité?

Ils font de grands discours pleins de bonnes intentions mais dans la pratique, la corruption, la culture du népotisme,  le détournement des deniers publics continuent au détriment des pauvres populations laborieuses

Pour le Président de la république, les ministres, directeurs ou directrices de service dont la compétence reste quelquefois à désirer, c´est désormais la course aux milliards; alors que les fonctionnaires, les soldats et toutes les autres couches sociales peinent à se nourrir, à se soigner et à s´habiller convenablement. Quelle méchanceté? quelle stupidité?

Ceux qui régentent notre pays depuis bientôt un demi-siècle n´ont fait qu´instrumentaliser les ethnies et diviser les Togolais.

Paix, réconciliation, unité nationale étaient et sont encore aujourd´hui les maîtres-mots de leurs discours, alors qu´en réalité ils manipulent les uns contre les autres, enrichissent une minorité en excluant et en appauvrissant la majorité.

Que d´actes irresponsables n´avons-nous pas vécus venant des soi-disant responsables du pays?

Que ce soit à l´école, au collège, à l´Université, ou  sur le lieu de travail des structures étaient mises en place avec la bénédiction des hautes autorités du pays pour diviser les citoyens.

Nous n´avons pas oublié par exemple la tristement célèbre AMENTO à l´Université du Benin.

L´Amicale des Etudiants du Nord-Togo qui n´avait pas sa correspondante au Sud était l´illustration même de la semence des germes de division et de haine au sein de la jeunesse togolaise initiée depuis le haut-lieu.

Toutes ces décennies d´errance, de souffrance, de divisions et surtout d´injustices n´ont pas contribué à ancrer chez le Togolais et la Togolaise le sens de la nation, le respect de l´autre et  l’amour de la patrie.

C´est pourquoi notre révolution doit être d´abord une profonde révolution des mentalités où on cultivera chez le Togolais l´amour de la patrie, le respect  du bien public et des autres Togolais quelle que soit leur origine ethnique.

On devrait apprendre aux citoyens que le Togo est notre bien commun et que quiconque n´a le droit d´en exclure qui que ce soit.

La révolution togolaise doit être un bouleversement total où il faudra prendre des mesures courageuses  pour arrêter le pillage et le gaspillage des ressources nationales, bref il faudra arrêter l´hémorragie stupide de notre modeste économie.

L´avènement d´une nouvelle ère débarrassée de tous les travers du passé devrait d´abord profiter aux citoyens et ne devrait en aucun cas être récupéré par des leaders politiques pour l´assouvissement de leurs intêrèts personnels.

Le changement que nous souhaitons pour notre pays le Togo ne doit pas être un processus de partage de postes de responsabilité où les bénéficiaires ne se sentiraient aucunement responsables.

Le vrai patriote, c´est celui qui lutte de façon désintéressée pour la libération de son pays;  pas celui qui attend, qu´après le changement, on le nomme à un poste de responsabilité pour s´enrichir.

Il ne s´agira pas de simplement remplacer les dirigeants actuels décriés  pour leur mauvaise gestion du pays. Il s´agira de faire table-rase d´un système politique avec toutes ses dérives qui ont fait tant de mal au Togo.

La violation récurrente des droits de l´homme, l´instrumentalisation de l´ethnie, l´enrichissement illicite, l´accaparement et le pillage par une minorité des richesses du pays,  etc…sont des travers qui doivent disparaître à jamais du vocabulaire togolais.

La république doit pouvoir nourrir tous ses enfants.

Dans un pays où la plus grande partie de la population se débat dans le dénuement total, les émoluments et autres frais secondaires des responsables politiques  comme le président de la république, les ministres, les députés et les autres hauts fonctionnaires de l´état devraient être revus sensiblement à la  baisse.

En même temps il faudrait augmenter  de façon sensible les salaires de tous les fonctionnaires et instaurer un salaire minimun acceptable pour tous les travailleurs  du secteur public et privé. Car tout togolais, quelle que soit l´activité qui est la sienne, doit pouvoir mener une vie relativement digne avec sa famille.

La solidarité nationale ne doit plus rester une expression sans suite dans les déclarations de nos hommes politiques, c´est pourquoi il faudrait chercher une formule  qui permettrait  à tous les citoyens, instruits ou pas, de profiter des richesses de leur pays.

Pourquoi ne pas étendre, par exemple, le payement des allocations familiales à toutes les familles togolaises qu´elles soient paysannes ou fonctionnaires de l´état?  On pourrait donc à cet effet limiter le nombre d´enfants bénéficiaires par famille.

Il ne sera plus acceptable que la nation nourrisse une partie de ses enfants en leur payant des salaires, parce qu´ils ont eu le privilège d´être allés à l´école et de travailler pour l´état, alors qu´une grande majorité est laissée pour compte.

Voilà les rêves que j´ai pour mon pays et je sais que  ce sont des propositions dont la faisabilité est garantie à force de volonté politique.

Il suffit que ceux qui auront la charge de diriger le Togo aiment les citoyens pour lesquels ils sont là.   Nos nouveaux dirigeants doivent avoir appris des erreurs du passé pour ne plus confondre bien privé et bien public.

Nous sommes un pays sous-développé, et comme tel, certaines dépenses inutiles ou fantaisistes de l´état doivent disparaître.  Par exemple, les nouveaux maîtres du pays ne doivent plus avoir le droit de prendre le Togo comme leur héritage personnel en construisant des villas ou des châteaux pour plusieurs milliards de FCFA dans leurs villages.

Le scandale que constituent aujourd´hui les caisses noires de nos présidents africains est déjà connu de tous.

A cet effet permettez-moi de citer un passage d´un texte publié le 18 Juillet 2011 par Kokou AGBEMEBIO dans le bi-hebdomadaire togolais“le Correcteur”  N°269:

«… la question des fonds de souveraineté ou la caisse noire des présidents, c’est selon, se pose avec acuité. D’un pays à un autre, c’est toute une fortune qui est engloutie dans les dépenses de la Présidence de la République. Dans sa parution N° 13 du 15 juin 2011, le magazine français « Managers » a réalisé une enquête exclusive intitulée « La caisse noire des présidents africains ». C’est un dossier qui a abordé le salaire et la caisse noire des présidents de la Côte d’ Ivoire, du Cameroun du Gabon, du Bénin, du Sénégal, du Nigeria, de la Mauritanie, de l’Algérie, du Burkina Faso, du Mali et bien évidemment du Togo.

Si le président sénégalais présente le salaire le plus bas soit cinq cent soixante huit mille (568.000) francs CFA par mois, sa caisse noire se révèle l’une des plus élevée du continent : soixante (60) milliards FCFA. (NDLR: Il s´agissait de l´ancien président Abdoulaye Wade) Quand on sait que le président n’a de compte à rendre à personne quant à l’utilisation des fameux fonds de souveraineté, on ne peut être que choqué de cette manne financière qui aurait pu servir à construire des hôpitaux, des écoles et améliorer les conditions de vie de la population. Cette propension à s’accaparer des richesses nationales explique largement le fait que bon nombre de chefs d’Etat s’accrochent au pouvoir comme des chauves-souris.

A côté, le Magazine de Mouftaou Badarou a révélé aussi que la caisse noire de Faure Gnassingbé s’élève à 7,9 milliards et le présente comme « un chef d’Etat très prodigue », c’est-à-dire qui distribue trop d’argent en l’air. La présidence de M. Gnassingbé a déjà évoqué son salaire mensuel estimé à sept (7) millions FCFA.

De la caisse noire à son salaire, on peut affirmer que ce sont des chiffres bien loin de la réalité. Avant de prendre le fauteuil par la force après la mort de son père Eyadèma, Faure n’a été qu’un simple ministre des Mines durant environ deux ans. Mais après un mandat de cinq (5) ans à la tête du Togo, l’enfant de Eyadèma dispose de plus de neuf (9) luxueux appartements à travers le pays. Ses dépenses exorbitantes ne reflètent en rien le supposé salaire qu’on présente à l’opinion…»

Comme on le voit, c´est plus qu´un scandale ce qui se passe sous nos yeux.

C´est une insulte aux citoyens, c´est un crime contre notre peuple.

Notre prétendue pauvreté est hausgemacht comme disent les allemands, c´est-à-dire que c´est voulu, c´est artificiel, si on veut, on peut y rémédier.

Cette “pauvreté” est la conséquence de l´irresponsabilité, de la cupidité et surtout de la méchanceté de beaucoup de nos responsables politiques à commencer par ceux qui sont placés en haut.

C´est pourquoi je pense que si toutes ces folies qui ont pour noms, caisses noires, corruption, cumul de fonctions, frais de missions surfacturés etc… prennent fin, la république pourrait avoir les moyens pour remplir avec responsabilité son rôle qui est celui de subvenir aux besoins de tous les togolais.

Je n´ai pas la prétention de croire que toutes ces dérives qui durent depuis des décennies puissent disparaître du jour au lendemain. Je sais que le combat sera dur, mais il faut  avoir le courage et surtout la volonté de l´engager. Cette mentalité qui consiste à raisonner comme les comédiens ivoiriens,  “ les autres ont mangé, pourquoi on ne veut pas que nous aussi on mange?” doit faire place à une mentalité de solidarité.

La cour des comptes qui n´est aujourd´hui là que pour de la figuration doit être rehabilitée et compter en son sein des personnalités connues pour leur intégrité. Cette instance de contrôle doit disposer de toute son indépendance

pour pouvoir mener à bien la mission qui est la sienne.

Nécessité d´une refonte de l’Administration

Pour que les décisions et les programmes du gouvernement soient appliqués avec efficacité, il faudrait procéder  à une profonde réfonte de l´administration qui constitue aujourd´hui un haut lieu d´incompétence et de gaspillages. Les critères qui ont été à la base du recrutement de la plupart des agents de l´état depuis plusieurs décennies  ne furent pas toujours la compétence.

Sans les millions d´hommes et de femmes qui composent un pays l´administration n´aurait pas sa raison d´être, par conséquent tous les travailleurs des services publics doivent  avoir la compétence requise et être au service des citoyens et non à leur propre service.

Au lieu  de racketer leurs concitoyens comme c´est le cas aujourd´hui,  la recherche du bien-être de l´homme etde la femme togolais doit être l´objectif recherché dans le travail quotidien de nos fonctionnaires.

Les sanctions administratives existantes  doivent être revues, si nécessaire renforcées, et appliquées en cas de besoin sans état d´âme.

Engagés pour leur appartenance régionale ou ethnique beaucoup de fonctionnaires du service public n´ont aucun dévouement pour la tâche pour laquelle ils sont là.

Déjà en 1963 Kwame Nkrumah lançait un avertissement dans son livre  “L´Afrique doit s´unir”,  avertissement  toujours d´actualité:

«…Gouvernement et administration sont intimement liés. Le gouvernement détermine la politique, le corps des fonctionnaires l´applique. Les plus beaux programmes ne mènent à rien si les fonctionnaires qui en dirigent l´exécution sont sans dévouement ni compétence….»

Il faudrait donc débarrasser petit-à-petit l´administration togolaise des agents incompétents en les affectant à d´autres postes moins exigeants et fermer les  services inutiles créés uniquement pour donner du travail à certaines personnes.

Si les nouveaux dirigeants pratiquent à leur tour la discrimination en ne mettant pas l´homme qu´il faut à la place qu´il faut , nous ne serons donc pas sortis de l´ornière avant longtemps.

Les dangers d´une démocratie de façade

Sans des institutions fortes dont les textes seront acceptés et respectés par tous, sans le pouvoir judiciaire qui jouirait de toute son indépendance, sans une société civile forte, organisée  et responsable, le risque qu´un nouveau dirigeant vire vers une nouvelle tyrannie est présent.

Des élections libres et transparentes, donc sans fraudes ne sont pas forcément  le garant d´une  bonne gouvernance pouvant avoir pour conséquence l´amélioration des conditions de vie des populations.

Si on n´y prend garde l´alternance politique ne sera pas obligatoirement synonyme d´avènement de liberté et de démocratie.

L´histoire ancienne et contemporaine est pavée de beaucoup d´exemples qui doivent nous appeler à plus de prudence:

Démocratiquement élu le 30 Janvier 1933 chancelier du l´empire allemand, rien ne laissait présager qu´Adolf Hitler deviendrait peu de temps après  le monstre qui conduirait la planète entière à la catastrophe.

L´Allemagne d´alors sortait de la première guerre mondiale, vaincue et humiliée par les alliés à Versailles en 1918. Le pays était  en lambeaux et la pauvreté grondait partout, car le chômage généralisé était le compagnon quotidien des citoyens.

Tout le monde attendait alors un miracle ou plutôt un messie qui remettrait de l´ordre  dans ce chaos et donnerait du travail à la population.

C´est alors qu´apparut Hitler qui, reconnaissons-le, ne manquait pas de charisme. Il profita du profond désespoir dans lequel était plongé le peuple allemand pour jeter peu à peu les fondements de sa dictature jusqu´à ce que les choses devinrent irréversibles.

Notre pays le Togo ne sort pas d´une guerre, certes, mais malheureusement le désespoir, la misère et le chômage endémique ne sont pas moins importants.

Comme dans le cas de l´Allemagne après la première guerre mondiale, les populations togolaises,  après tant de décennies de souffrances, et d´injustices doublées d´une paupérisation avilissante, attendent également un “super-homme”qui viendrait remettre de l´ordre dans la maison.

Les Togolais et les Togolaises, désormais à la croisée des chemins de leur histoire, ovationneraient tout individu qui prendrait demain matin le pouvoir pourvu qu´il n´incarne plus l´ancien système, et attendraient beaucoup de lui. Ce qui serait tout à fait légitime pour un peuple dont la traversée du désert n´a que trop duré.

Et c´est justement dans une telle situation que le danger guette.

Samari Tchadjobo

Allemagne, le 24/09/2012

 

 

 

 

 

 

 

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