«Complot franco togolais permanent contre la citoyenneté panafricaine au Togo»
«Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut subsister» Yesu, Révolutionnaire africain
« Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire » Albert Einstein, Père de la bombe atomique
« Chacun de nous, où qu’il se situe sur l’échelle sociale, a le pouvoir de s’opposer à l’oppression ».
Mahatma Gandhi, Père de l’Inde moderne
Dans son n° 9129 du 27 septembre 2013, le Journal d’État, Togo-Presse, a publié les listes des admis au Concours d’entrée au Collège Militaire Eyadema (CME) cycle 2013-2014. Il s’agit en l’occurrence de trois communiqués distincts, le premier révélant les noms des admis en Classe de 6è, le second les admis pour les Prytanées Militaires Étrangers et le troisième la liste des candidats retenus pour la Classe de 2de. Ces élèves, faut-il le rappeler, représentent entre autres la pépinière qui, certainement, prendra les rennes de notre armée nationale dans les trois ou quatre prochaines décennies. A ce titre, ils sont, à notre sens, un facteur-indice qui révèle d’une part l’importance que revêt, pour les actuels tenants du pouvoir public, l’épineuse question de la tribalisation des Institutions de la République et d’autre part la nature même du projet d’intégration nationale qu’ils ont pour le pays. L’analyse ethnologique de ces trois listes impose un constat: la tribalisation pernicieuse des Institutions, et en particulier de l’Armée, continue encore au Togo et les structures sociologiques qui la pérennisent sont solidement en place. En effet, la prépondérance de l’élément tribal saute aux yeux. Nous ne dirons pas plus…
Au Togo, on continue de tribaliser. Pas seulement dans les interactions entre citoyens, ce qui serait un mal mineur, mais, pis, au niveau institutionnel. L’exclusion ou l’inclusion sociale sur fond d’identité ethnique sont érigées en mode de gouvernance des domaines publics. Les forces politiques, qu’elles soient anciennes ou nouvelles, le savent. Les populations le vivent, et ceci, indépendamment du fait qu’elles proviennent du Sud, du Nord, et l’Est ou de l’Ouest. Le malaise est évident, généralisé et envahissant. Certains le disent tout bas, les autres le taisent, partout c’est la démission ou la résignation. Nul n’a le courage citoyen ou politique d’attaquer le mal à sa source, de l’indexer publiquement, d’afficher une position politique claire à la mesure des incidences gravissimes que ce dernier a sur l’équilibre sociopolitique du pays, ou d’adopter des stratégies et les mesures conséquentes pour l’extirper définitivement de la République. Peut-être espère-t- on capitaliser sournoisement une base politique ou sociologique facile sur le tas d’immondices. Les couches sociales, sans doute minoritaires, qui en bénéficient s’en accommodent tout en travaillant activement ou passivement pour sa pérennisation.
Quant à l’écrasante majorité des communautés victimes, elles la subissent dans la résignation espérant que la roue de l’histoire tourne assez vite en leur faveur. Les politiciens carriéristes, pour leur part, comme des vautours enragés et assoiffés de chair, sont tous si occupés à disputer le fauteuil au sommet qu’ils ne se préoccupent ni des leviers néo-coloniaux qui le sous-tendent ni du podium sur lequel il est posé: le système bipolaire politico-ethnique, véritable verrou de sûreté des graves secrets extrêmement compromettants qui ont fondé et qui alimentent jusqu’à nos jours l’ordre et la praxis politiques en vigueur dans notre pays. Ces politiciens, en effet, ne se sont jamais rendus à l’évidence qu’au Togo il n’est plus possible d’atteindre une paix sociale durable et la stabilité politique, véritables gages de l’essor économique et de la renaissance nationale, si la problématique du bipolarisme politico-ethnique n’est pas résolue. Il s’agit ici d’une problématique nationale qu’il n’est plus possible d’éluder. Elle doit être posée, en termes univoques et clairs. Elle doit être affrontée avec sagacité intellectuelle et une extrême responsabilité politique. Car, il faut le savoir, l’on ne pourra réinventer le concept de citoyenneté au Togo, préalable indispensable à la renaissance nationale, tant que cette gangrène ne sera définitivement extirpée de nos villages et de nos villes.
Qu’entendons-nous en fait par bipolarisme politico-ethnique? A quand remonte son apparition dans la vie sociopolitique du Togo? Quelles en sont les manifestations et les incidences sur l’évolution sociopolitique de notre pays ? Quelles positions sont les nôtres relativement au phénomène, nous, mouvement politique « ALAGA » s’entend ?
Après le Congrès de Berlin, l’Allemagne Bismarkienne entreprit la campagne dite de « pacification » du Togoland, lequel était limité à l’ouest par la Volta, à l’est par le Mono, au nord par la Haute Volta et au sud par l’Océan atlantique. Il fallut dix-huit bonnes années pour que l’Allemagne impériale vînt à bout des résistances que les populations, en particulier les communautés guerrières du nord, opposèrent à sa pénétration. La «pacification» du territoire fut achevée pour l’essentiel en 1902, mais le nord du pays continua d’être le théâtre de violents affrontements irréguliers et sporadiques entre l’administration allemande et les populations autochtones du nord, lesquelles, contrairement à leurs homologues du sud, étaient extrêmement réfractaires à la pénétration coloniale allemande. Cette caractéristique du territoire ne sera pas sans incidence sur l’évolution politique du Togoland puisque l’autorité coloniale allemande en tiendra compte dans le cadre de sa politique indigène. Définie en 1906 par le tout premier Ministre des Colonies, le Dr Bernhardt Von DERNBURG, cette politique, justement, avait deux traits essentiels : d’une part l’intégration des chefs indigènes dans l’administration du territoire (une espece d’ndirect rule anglais doublé d’un respect scrupuleux des us et coutumes des communautés locales), et d’autre part – ce qui d’ailleurs nous intéresse le plus – la fermeture des cercles du Nord.
Par « fermeture des cercles du Nord » on entend l’acte juridique et administratif qui interdit aux commerçants et aux missionnaires catholiques d’entrer en contact avec le nord du pays. Elle fut organisée par deux ordonnances administratives : la première datant du 20 septembre 1907, suivie d’une deuxième qui date du 5 octobre 1907, laquelle stipulait que les cercles de Sokodé-Bassari et Mango-Yendi constituent une région fermée dont l’accès, pour les européens, sera subordonnée à une autorisation explicite du Gouverneur. Les raisons d’une telle décision, qui d’ailleurs pèsera de manière significative sur le parcours sociopolitique et économique des populations du nord-Togo, sont nombreuses et variées. Il y a toutefois un consensus sur un fait : les allemands fermèrent les cercles du nord compte tenu du caractère tumultueux et extrêmement remuant des populations originaires, par conséquent, des risques auxquels s’exposeraient les investissements coloniaux dans cette partie moins sécurisée de la Musterkolonie. Cornevin, en revanche, y a vu encore un autre motif: les pressions exercées sur l’administration coloniale allemande par le lobby islamophile dirigé par deux farouches opposants à la politique missionnaire, en l’occurrence le Professeur BECKER et l’explorateur PASSARGE, lesquels soutinrent la thèse de la protection des populations musulmanes du nord contre l’influence des commerçants et des missionnaires catholiques.
En tout état de cause, il nous est donné aujourd’hui de constater que n’eut été cette orientation de l’action coloniale allemande vis-à-vis du nord, le Togo n’aurait pas présenté en 1919 les caractéristiques sociologiques et géopolitiques objectives dont le pouvoir colonial français tira machiavéliquement profit pour asseoir son influence dans le cadre de l’administration du «Togo oriental». La fermeture des cercles du nord à l’action des commerçants et des missionnaires catholiques a drastiquement renforcé le gap économique existant déjà à l’époque entre les communautés côtières et les populations du nord. Elle a aussi créé un énorme écart intellectuel et culturel entre le nord et le sud. En effet, grâce à la scolarisation offerte par les missionnaires et aux intenses activités économiques et commerciales auxquelles les administrateurs allemands associaient la plupart des élites locales, le Sud Togo a considérablement pris de l’avance sur le Nord. Il se créa ipso facto deux catégories d’indigène: les indigènes du Sud restés en contact avec la culture occidentale considérée «moderne» et les indigènes du Nord exclus d’un tel échange culturel. Il nous semble opportun de faire ici une mise au point capitale: sous l’administration coloniale allemande, l’inégale évolution du Togoland, donnée pourtant objective, n’introduisit aucune divergence conflictuelle intercommunautaire. C’est-à-dire que la diversité économique et culturelle entre le Nord et le Sud n’a jamais été sujette, ni par les populations elles-mêmes, ni par les administrateurs allemands, à aucune interprétation pouvant en faire une pomme de discorde entre les différentes communautés présentes sur le territoire national. Ce qui adviendra en revanche plus tard sous la férule de l’administration coloniale française.
Lorsqu’en 1919, la Société Des Nations (SDN) entérina juridiquement le partage et l’occupation de facto du Togoland allemand par les français et les britanniques, la France opta du coup pour une politique revancharde de dé-germanisation hâtive et aveugle du territoire dont l’administration lui fut confiée: le Togo Oriental, l’actuel Togo. Ceci ne fût pas le cas au Togo occidental confié aux anglais. Une telle orientation équivalait à un choix délibéré de l’exclusion et la persécution pure et simple des élites locales, presque toutes germanophones originaires du Sud, cela au profit des lettrés francophones des territoires coloniaux voisins, notamment du Dahomey, avec le projet sournois de liquider l’entité politique sous occupation. Ceci créa logiquement le contexte explosif d’un contentieux politique irréductible entre la puissance administrante et les indigènes émancipés, majoritairement des grandes familles du Sud, du fait de l’antécédent colonial allemand.
Tout pouvoir ayant besoin d’un enracinement local face à une opposition organisée, le machiavélisme colonial français a recouru à la stratégie assassine du «diviser pour régner» en favorisant l’émergence d’une nouvelle élite, cette fois-ci francophile et originaire du Nord, laquelle devait s’organiser à son tour pour s’opposer aux élites du Sud réfractaires à l’autorité coloniale française. Deux blocs se formèrent qui partageaient des caractéristiques anthropologiques et géographiques différentes. Il y a là comme une inversion de l’histoire: les élites des descendants des communautés autrefois dociles à la pénétration coloniale allemande sont devenues les farouches opposants au maintien de l’ordre colonial, alors que les élites des descendants des communautés jadis résistantes à la pénétration coloniale, tirant les leçons du «retard» à la modernité occidentale qu’ils ont accusé de ce fait, sont devenues de dociles défenseurs de l’ordre colonial et des collaborateurs de l’impénitent colon français pour des dividendes dérisoires.
Au plan national, il se forma alors inéluctablement une dialectique machiavélique où des élites francophobes et indépendantistes, la plupart originaires du Sud, se trouvèrent opposées à leurs homologues du Nord montées de toutes pièces par le colon français dans l’ultime but de torpiller le combat pour l’indépendance nationale. Déjà en 1951, la vie politique togolaise était fortement bipolarisée: d’un coté l’on avait les « sudistes-indépendantistes-antifrançais» politiquement marginalisés et de l’autre les «progressistes-nordistes-francophiles» soutenus par l’administration coloniale française. Très vite, les éléments identitaires tels que la «connotation géographique» et l’«altérité ethnique» obtinrent une forte acception politique. La vie politique de la République Autonome du Togo se résuma alors en une opposition constante et féroce entre «progressistes-nordistes-francophiles» et «sudistes-indépendantistes- antifrançais».
D’ailleurs, la période 1951-1958, lune de miel pour les «progressistes» fut en revanche très rude pour les «cutards» francophobes lesquels étaient persécutés et maltraités tant par l’administration coloniale que par les «progressistes» au pouvoir. Nous préférons faire une impasse sur les actes de violence et d’exclusion sociale dont ils furent victimes. Ils furent légions. Lentement mais sûrement la politique française du «diviser pour régner» plongea le Togo en un véritable enfer où des communautés humaines, jusque là paisibles et vivant loin de tout ethnocentrisme exclusif, finirent par cultiver la haine tribale devenue apparemment la seule garantie de la survie politique et sociale. Les «cutards-indépendantistes-sudistes» n’échappèrent pas eux non plus à l’emprise de cet esprit malsain. Nous n’en voulons pour preuve que les règlements de compte généralisés qui eurent lieu en 1960 après la proclamation de l’indépendance nationale. Que de maisons brûlées, que de citoyens persécutés et torturés!! C’est ainsi que la France, tel un ennemi forcé d’abandonner ses positions malgré lui, piégea structurellement la stabilité sociopolitique de notre pays en jouant la carte du bipolarisme politico-ethnique.
La parenthèse de l’unité nationale incarnée par le Rassemblement du Peuple Togolais entre 1969 et 1990 n’a pas été d’une si grande utilité dans la déconstruction savante de ce grave clivage. En effet, elle fut elle-même compromise de manière congénitale par les secrets politiques qui ont scellé l’assassinat du Président de la République Sylvanus Kwami Olympio, principal leader des indépendantistes du Sud. Ce dernier fut renversé le 13 janvier 1963 par un groupe de militaires «nordistes» soutenu par le bloc progressiste francophile. Muselés politiquement par le monopartisme instauré en 1969 au Togo par le Président Gnassingbé Eyadéma, assassin présumé d’Olympio et Président de la République à partir de 1967, les «cutards» et leurs soutiens populaires sudistes attendront qu’un basculement survînt pour reprendre de nouveau à leur tour le pouvoir.
Ce moment arriva enfin en 1990 lorsque la France, par l’entremise de son Président M. François Mitterrand, demanda sans préavis aux États de l’Afrique noire francophone, tel un pater qui réorganise sa maison, de revenir au multipartisme. Du coup, des voix s’élevèrent de partout contre le régime du Président Gnassingbé Eyadéma qui s’affaiblit considérablement. A l’issue de la Conférence Nationale Souveraine, ce dernier fut évincé de toutes ses prérogatives présidentielles, vit tous ses soutiens s’ébranler autour de lui et fut contraint de se réfugier dans le cercle fermé de son ethnie d’origine pour survivre. Ce fut d’ailleurs à la faveur d’un coup de force perpétré par un groupe d’officiers originaires de Kara que, de chef moribond qu’il était, il reprit vie et revint triomphalement au devant de la scène politique nationale. Il reconstruisit alors son pouvoir sur un socle tribal, unique stratégie qui selon lui pouvait dorénavant le prémunir des délations, des trahisons et lui garantir une véritable sécurité politique. C’est ainsi que se resurgit et se développa exponentiellement au Togo depuis les années 1990 un ethnocentrisme on ne peut plus aigu qui s’est généralisé et s’est étendu à toutes les grandes institutions du pays.
La tribalisation a alors envahi et dévoyé tout l’appareil d’État et des démembrements (entreprises publiques et para-publiques): nous sommes en plein dans la «république démocratique ethnique». La tribalisation ayant pour corollaire la corruption, la gabegie, l’impunité, l’injustice, l’inefficacité, la médiocrité et donc la pauvreté face à la croissance exponentielle des besoins nationaux, il s’en suit un cercle vicieux d’accentuation de l’exclusion d’une majorité au profit d’un cercle relativement plus restreint de privilégiés tribaux. Elle prend assez souvent des accents de clanisation qui décompose et pourrit tout l’espace national. Le crime se nourrissant du silence, il s’en suit un effet de contamination: la tribalisation réactive ou sociale, après la tribalisation politique, commence à gangrener toutes les sphères du tissu social national, menaçant de précipiter le Togo dans le gouffre, alors que les grandes gueules si promptes aux revendications politiques dérisoires se taisent: éducation, formation, entreprises privées, associations, coopératives, réseaux IMF, partis politiques, communautés religieuses, familles, quartiers etc… se tribalisent à la vitesse V et sans pudeur. Dans les services, il n’est pas rare de voir le directeur, la secrétaire, les collaborateurs, les agents d’exécution, le coursier, le gardien, tous venant du même village ou parlant le même patois.
Pis, l’identité politico-ethnique est devenue le vrai moteur de l’ascension sociale. Il est possible de mettre un terme à ces pratiques honteuses, coloniales et anti-panafricaines, qui gangrènent la vie sociopolitique de notre pays, sapent le patriotisme citoyen et entravent ainsi structurellement l’avènement de notre renaissance. En réalité, saufs les intérêts marginaux de quelques nostalgiques apprentis sorciers, l’objectivité évidente commande la réconciliation entre toutes les familles politiques togolaises, lesquelles doivent désormais s’accorder sur l’essentiel : la consolidation de l’indépendance nationale par la bataille du développement contre la faim et la misère généralisée.
Le tribalisme étant un mal social, il est indispensable de savoir le caractériser et retracer son mode d’expansion dans le tissu social. Nous distinguons à cet égard trois (03) types de tribalistes :
– Le tribaliste passif, c’est ce citoyen là qui a une pleine conscience de l’ethnocentrisme et le déplore mais qui, paradoxalement, en profite ou l’alimente indirectement par ses propos et attitudes au motif qu’il ne peut rien y faire : c’est de ce fait un allié objectif de l’expansion du tribalisme.
– Le tribaliste réactif, c’est le citoyen, quelque soit le niveau de la chaîne sociale où il se situe, qui réagit à l’exclusion sociale dont est victime le groupe ethnique dont il est originaire par l’ethnocentrisme de sa propre communauté: c’est un aigri qui entretient sans le savoir le cercle vicieux de l’extrémisme ethnocentrique au lieu de le briser par une attitude réfléchie et constante de pardon, d’inclusion et de charité sociale tous azimuts.
– Enfin, le tribaliste actif. C’est un faucon de l’ethnocentrisme sociopolitique. Il le crée et le maintient structurellement pour ses propres intérêts mesquins avec l’alibi pernicieux de la défense des intérêts de sa communauté ethnique d’appartenance à travers un ensemble de pratiques sociales et politiques discriminatoires destinées à réprimer les autres communautés ethniques présentes sur le territoire national. C’est tout simplement un héritier du tribalisme colonial. Il alimente et pérennise le bipolarisme politico-ethnique qui mine l’équilibre sociopolitique de notre pays.
En y voyant plus près, l’on se rend facilement compte que les tribalistes passifs forment l’écrasante majorité de la population. De ce fait, ils devraient représenter les cibles prioritaires des actions sociales correctrices de ce mal. Toutefois, nous ne voulons en aucun cas nous engager dans un combat de Don Quichotte en nous limitant à décrire et analyser le mal sans formuler des propositions concrètes en mesure de l’endiguer. Mais avant toute chose, nous voudrions éclairer notre position par rapport au «communautarisme» qui, qu’on le veuille ou non, constitue une donnée sociologique objective de notre pays et de l’Afrique en général.
La destruction du tribalisme et la promotion de l’intégration nationale et plus tard panafricaine sont-elles opposées à la sauvegarde de l’identité et des intérêts communautaires? Non. Les deux choses ne sont pas incompatibles. Nous défendons les intérêts communautaires, car l’on ne saurait ériger une nation unie et forte à partir d’une multitude d’identités communautaires tout en leur reniant au même moment leur altérité et leurs particularismes culturels.
En effet, ce n’est que dans la reconnaissance et le respect réciproques des diversités culturelles que peut se construire une société nouvelle et renaissante. Seulement, la sauvegarde des intérêts de quelque communauté que ce soit ne doit être préjudiciable ni à l’unité nationale ni à l’expression de la souveraineté nationale. De la même manière qu’il y a une vie privée et une vie professionnelle, une vie privée et une vie publique, il faut éviter la confusion de genre en ce qui concerne l’engagement communautaire et l’engagement politique. Pour le moment et dans le cadre d’une République unitaire avec un régime présidentiel, l’engagement communautaire doit rester dans la sphère culturelle et locale, alors que l’engagement politique doit avoir une envergure nationale et caractérisé par un esprit fédérateur, dépassant les limites du local. La recherche de l’équilibre, de l’harmonie et de l’amélioration de la qualité des relations intercommunautaires doit être l’une de ses inquiétudes permanentes. Le leadership politique ne doit être en aucun cas exclusif, vindicatif et conflictuel. Tous les artisans du divisionnisme politique et social doivent être publiquement dénoncés et mis en quarantaine sanitaire comme des tuberculeux politiques.
Les propositions
1- Dans le cadre d’une manœuvre de dé-tribalisation des Institutions de la République, nous proposons comme préalable une manœuvre d’audit ethnique de tous les domaines publics. Ceci passerait par la formation d’équipes d’interprètes et de sociologues provenant de tous les grands groupes ethniques avec pour mission de réaliser la topographie tribale de chaque administration en vue de l’élaboration d’une loi de discrimination positive à la faveur de tous les groupes ethniques qui résulteront fortement marginalisés. Notre proposition vaut pour toutes les administrations et leurs extensions : militaire, civile, judiciaire, et leurs démembrements; sociétés d’État, administrations décentralisées ou autonomisées. Outre sa valence symbolique de reconnaissance des injustices passées et donc de réparation des dommages moraux, une telle manœuvre conduira à une totale intégration nationale et contribuera à l’instauration d’un climat social exempt de tout sentiment de privilège ou d’impuissance dû à l’altérité ethnique.
2- A cette mesure corrective purement administrative, il faudrait ajouter la production de normes juridiques nationales, régionales, préfectorales, et communales munies de mécanismes coercitifs efficaces en vue de garantir à tous les citoyens de notre pays la libre jouissance, sans discrimination, de leurs droits civiques et des services offerts par l’État.
3- Enfin, il faudrait nécessairement instituer des organes publics compétents sur toute l’étendue du territoire national auprès desquels les citoyens peuvent se rendre à chaque fois qu’ils sont objectivement victimes de discrimination ethnique tant de la part de l’administration publique que de la part de sujets privés. Ce qui fournira certainement du travail à tous ces juristes formés sur place et abonnés au chômage technique sans issue.
4- Tout ce dispositif correctionnel et de refondation doit nécessairement être appuyé en amont et en aval par un système d’éducation national sensible à la thématique et disposé à la promouvoir à tous les niveaux de l’enseignement public et privé.
Évacuons la subjectivité émotive primitive et débarquons la vermine néo-coloniale devenue historiquement et scientifiquement anachronique et encombrante. Voici les préalables indispensables à notre sens à l’instauration d’une harmonie politique, sociale, et économique de notre pays.
Au total, les racines du tribalisme résistant et endémique au Togo, terre de refuge, par vocation cosmopolite, ne sont pas culturelles mais ont pour source les actions et manipulations criminelles coloniales et néo coloniales relayées localement par l’égoïsme aveugle et traître des élites politiques et civiles locales tarées. La typologie géo-anthropologique a été configurée par le colonialisme allemand. L’ensemencement ethno-géo-politique a été criminellement élaboré, planifié et savamment distillé par le colonialisme et le néo colonialisme impénitent français.
L’inculturation togolaise est promue par la bêtise des politiciens locaux de tous temps, de tous horizons et de toutes les chapelles politiques par action, réaction ou omission, ceci, à l’engendrement même de la conscience politique locale, piégée par le colon français qui a réussi à convertir perversement la noble lutte de libération politique des autochtones contre la domination étrangère en un affrontement fratricide entre profrançais et antifrançais. Les maladresses idiotes des leaders du nationalisme revanchard togolais, comme ceux de l’opposition radicale d’aujourd’hui, contribuent et ont contribué grandement à la prospérité du tribalisme colonial et néocolonial.
Les élites budgétivores locales, dans les sphères socio-économiques ne sont pas du reste, qui le relayent et l’amplifient par la manipulation de la base, le petit peuple crétinisé, victime consentante et ignorante du lourd tribu des querelles intestines stériles sur l’autel duquel est sacrifié l’essentiel : l’unité nationale, gage de la consolidation de l’indépendance politique et du développement économique qui allégera la souffrance de tous et nous rendra notre dignité d’homme libre, en terre africaine du Togo.
Il est grand temps que des patriotes authentiques se lèvent pour l’aiguillage du changement de trajectoire du train du peuple togolais ; le désintoxiquer littéralement de l’opium politicien local par la dénonciation sans complaisance de la religion des disciples hypocrites du tribalisme togolais qui ne profite qu’à la féodalité étrangère et à ses valets locaux, fossoyeur du panafricanisme authentique, passage obligé de la renaissance de l’Afrique.
Quand une maison est délabrée par la division, elle s’offre à des squatteurs de tout poil.
Mouvement Politique «ALAGA»
M. Guy Flavien Komi ANYINEFA / M. A-EKUE-A Folly