Silence, ça gouverne !

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De tout temps, les hommes se sont battus pour le pouvoir, pour avoir le pouvoir, l’exercer, le conserver…

Quelqu’un disait : « On se bat pour avoir le pouvoir ou pour le conserver parce que c’est lui qui donne la richesse à son détenteur et, par ricochet, à tous ceux qui lui sont proches(…) ». Il n’a pas totalement tort.

En Côte d’Ivoire, depuis la mort du premier président Félix Houphouët Boigny, s’est ouverte, ce que l’on a convenu d’appeler « la guerre de succession » ou « la guerre des héritiers ». Ce qui n’était – en fait – rien d’autre qu’une « guerre » ouverte pour la conquête du pouvoir politique.

Cette « guerre » pour le pouvoir a – bien évidemment – lieu entre « frères » ivoiriens. Mais il ne faut pas aussi occulter l’éternelle question de l’immixtion directe ou indirecte, secrète ou non – des « forces prédatrices extérieures », qui pour des raisons évidentes « d’intérêts », manœuvrent pour avoir une certaine emprise sur le détenteur de ce pouvoir.

Du coup d’Etat contre Henri Konan Bédié en 1999, perpétré par la junte militaire avec à sa tête (feu) Robert Guei, en passant par celui manqué en 2002 contre Laurent Gbagbo, et aujourd’hui, la guerre née de la crise post-électorale, notons que tous ces évènements qui ont plongé la Côte d’Ivoire dans des jours sombres, n’ont que pour seul enjeu la prise du pouvoir ou le pouvoir, tout simplement.

Parmi tous ceux qui ont inlassablement aspiré à prendre ce pouvoir, Alassane Ouattara figure en bonne place. Ce dernier n’a d’ailleurs jamais caché son ambition de s’asseoir – un de ces jours – dans le fauteuil présidentiel, symbole du détenteur du pouvoir politique.

Aujourd’hui, ses partisans et lui peuvent s’écrier « ouf, ça y est, nous y sommes ! ». Mais, tels que sont inséparables le bouc et son odeur pestilentielle, ainsi demeurent les circonstances douteuses et l’intervention militaire franco-onusienne qui entourent l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara.

Un pouvoir ainsi « acquis » par Ouattara, ne peut que susciter des contestations légitimes mais latentes – eu égard la psychose entretenues par ses hommes en armes – de ses adversaires politiques et aussi des ivoiriens. Cette particularité qui caractérise son pouvoir, renvoi forcément à l’image d’un homme assis sur un volcan qui menace à tout moment d’entrer en éruption.

L’impérieuse nécessité de respecter les règles

« On se bat pour avoir le pouvoir », mais la bataille pour le pouvoir doit absolument respecter certaines règles.

En Côte d’Ivoire, le système politique adopté est bien la démocrate. Mais la démocratie définit des balises qui permettent une conquête « civilisée » du pouvoir. Elle offre la libre compétition et un cadre « sain » à l’alternance politique et pose des balises contre les options brutales et sauvages de (re)conquête du pouvoir. La démocratie s’apparente donc avant tout à un jeu avec des règles clairement définies auxquelles les acteurs conviennent à l’avance de se soumettre. C’est un jeu avec des règles à observer, sinon on tombe dans l’anarchie totale. Le respect des règles, l’honnêteté politique, voilà quelques qualités que doit posséder tout compétiteur politique. Car il en va de la vie des personnes et de l’avenir du pays qu’il aspire à gouverner.

En 2010, en Côte d’Ivoire, du déroulement du scrutin présidentiel, jusqu’à la proclamation « solitaire » des « résultats » par monsieur Youssouf Bakayoko à l’Hôtel du Golf, les règles ont-elles été respectées ?

Grosso modo, nous répondrons que la règle du plus fort s’est imposée. Et le plus fort ici, n’est nul autre que la France et son armée. Gregory Protche, journaliste et auteur engagé – illustre bien cet état de fait lorsqu’il titre ainsi  sa dernière œuvre sur la crise post-électorale ivoirienne: « On a gagné les élections, mais on a perdu la guerre ».

La question du vainqueur des élections de 2010 reste certes la pomme de discorde entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo et plus généralement entre ivoiriens. Mais le fait est là, Ouattara est actuellement au pouvoir et l’exerce.

Aujourd’hui, d’autres questions s’imposent plutôt à nous. Y a-t-il des éléments qui démontrent que les règles de (re)conquête du pouvoir sont favorisées ? N’y a-t-il pas une volonté – pour le régime en place – de le conserver par tous les moyens en instaurant un cadre malsain, et en ne favorisant guère le libre déroulement du processus de (re)conquête du pouvoir ?

Que nous disent les faits ?

Dès sa prise de pouvoir, Alassane Ouattara fait emprisonner une multitude de cadres de l’opposition, notamment du FPI ; sous la menace des ses forces rebelles et sanguinaires, et de peur d’être emprisonnés comme plusieurs autres, des milliers d’ivoiriens, pour leur affinités supposées ou non avec Laurent Gbagbo, sont contraints à l’exil.

Des élections législatives se sont tenues – volontairement – sans l’opposition. Le même schéma est en train de se dessiner pour les régionales et les municipales ; toutes les velléités de manifestation de l’opposition sont réprimées, parfois dans le sang. Les arrestations des opposants et partisans de Laurent Gbagbo continuent. Pour ceux qui sont déjà en prison, le régime d’Abidjan clame haut et fort qu’ils ne sont pas des prisonniers politiques. Démontrant ainsi sa volonté de les maintenir pour de bon dans ses geôles infectes. Des citoyens continuent d’être torturés du fait de leur appartenance politique ou ethnique. La population est terrorisée par la soldatesque de Ouattara dont l’impunité est encouragée, voire récompensée. Un dialogue direct opposition-gouvernement est certes engagé. Mais l’on s’est bien vite rendu compte qu’il ne s’agissait en fait que d’un écran de fumée.

Comme on peut le constater, Alassane Ouattara gouverne la Côte d’Ivoire, depuis bientôt deux ans, sans véritable opposition. Sinon une opposition contre laquelle il manœuvre pour la maintenir en l’état, c’est-à-dire une opposition qui ne se contente que de déclarations, sans plus.

Alassane Ouattara gouverne, il ne faut pas le contrarier. « Nous sommes dans une période très sensible », « nous sommes en période de réconciliation », clame ses partisans. Les ivoiriens n’ont qu’à subir sa gouvernance, malheur à celui qui osera le contrarier, « la loi des vainqueurs » est en vigueur. Silence, Ouattara gouverne !

Cependant Ouattara sait très bien qu’il lui faut donner des gages – ne serait-ce que faire semblant – de démocratie, à l’opinion internationale, notamment à ses soutiens étrangers, pour pouvoir gouverner tranquillement.

En effet, cette attitude devra tous nous interpeller et nous pousser à nous interroger : Ouattara a-t-il réellement les mains libres pour gouverner ce pays?

Lisons plutôt entre ces lignes du compte rendu d’un journaliste ivoirien suite à la visite de la Conseillère Afrique du Président français François Hollande : « Mme Hélène Legal qui séjourne en terre ivoirienne a jugé utile de discuter avec le Fpi afin de se faire une opinion de la réalité qui prévaut en Côte d’Ivoire. (…) selon une source diplomatique, elle serait venue en Côte d’Ivoire dans le cadre du dialogue direct qui reprend cet-après-midi entre le Fpi et le gouvernement. La même source indique qu’elle serait porteur d’un message du président français pour rapprocher les positions des deux camps ».

Arrivée de la Conseillère Afrique de la France en Côte d’Ivoire, reprise immédiate du dialogue direct opposition-gouvernement. Qui tire véritablement les ficelles du « gouvernail » ivoirien ?

Marc Micael La Riposte

 

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