Monsieur le Président, il y a quelques jours, je vous ai entendu tenir un véritable plaidoyer pour la solidarité de l’Europe vis-à-vis de la Grèce. Avec passion, vous avez défendu l’importance du soutien mutuel entre pays européens afin que l’Euro ne tombe et que l’Europe n’entre en crise. C’était admirable et comme je vous l’avais dit dans ma première lettre ouverte, une fois de plus, j’ai admiré votre patriotisme. (Aoua B. LY-Tall, Journal La Vérité, Maroc, 29/12/2007 au 04/01/2008). Je vous félicite de vos efforts inlassables pour recoudre l’Europe déchirée par des centaines de guerres fratricides durant des siècles, dont la dernière, la Seconde Guerre Mondiale fit à elle seule environ cinquante (50) millions de victimes dont plus de sept (7) millions de Français.
Monsieur le Président, je m’étonne par contre que vous ne soyez pas capable de comprendre que les populations africaines ont les mêmes aspirations que celles de l’Europe, à savoir, la paix et le développement humain. Pour ce, tant sur leur continent qu’au sein des Diasporas, les Africain(e)s se battent de toutes leurs forces. Mais, depuis que vous êtes à la tête de la République française, chaque fois qu’ils font un pas en avant, vous faites tout pour les faire reculer et anéantir leurs efforts. Vous semblez être animé de la volonté d’écraser les Africain-e-s.
À l’instar de Georges W. Bush, avec son prétexte fallacieux d’armes de destruction massive, vous trouvez celui de massacre de 6 000 personnes par Kadhafi. Sur cette base, vous développez toute une campagne d’intoxication visant à faire adhérer l’opinion publique internationale à votre entreprise. Pire, vous prétendez que Kadhafi a recruté des mercenaires noirs africains pour faire cette sale besogne. Pourquoi un Chef d’Etat qui dispose d’une armée aussi puissante de celle de la Libye, qui a su résister plus de trois mois à la force de frappe de l’Otan, aurait-il besoin de mercenaires? Ce sont de vraies couleuvres que vous avez fait avaler à l’opinion publique internationale !
Vous arrivez ainsi à décrocher à la hâte une résolution de l’Onu visant la protection des populations civiles libyennes. Vous vouliez, en réalité, faire d’une pierre deux coups, à savoir, détourner l’attention sur votre impopularité qui se reflétait dans les sondages et régler votre compte au leader libyen, votre ancien ami à qui vous vous aviez permis de venir faire une balade dans Paris, à l’indignation de tous les Français. Notons, en passant, que, à l’époque, l’unique voix de votre ancienne Secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme s’était élevée, celle de la vaillante Rama Yade dont l’Afrique est fière. Saluons en passant le courage d’une autre femme, Madame Angela Merkel qui a refusé de s’immiscer dans une guerre civile libyenne, et, de participer aux frappes de l’Otan contre la Libye.
Etes-vous conscient, monsieur le président, que cette guerre n’affecte pas seulement la Libye, mais toute la sous-région nord-ouest-africaine. Les populations civiles libyennes que vous prétendiez protéger se retrouvent aujourd’hui prises entre deux tirs. La puissance des bombes de l’Otan, en particulier, ôte leurs vies, traumatisent femmes et enfants, détruit habitations, infrastructures ainsi qu’institutions sanitaires, éducatives, militaires, économiques, historiques et menace des sites archéologiques classées patrimoine de l’Humanité par l’Unesco.
Un ancien directeur de la surveillance du territoire (Dst), vous a démenti sur Rfi. En effet, M. Yves Bonnet qui s’est rendu en Libye avec une délégation d’experts , remet en cause vos affirmations de massacre de 6 000 personnes et de viol collectif par l’armée Kadhafiste. Ces faits sont aussi inexistants que les armes de destruction massive de Bush. Ils vous ont permis de déclencher votre guerre contre la Libye et de mettre en œuvre votre système de terreur des dirigeants africains.
Vous piétinez royalement l’institution représentant l’Afrique, l’Union africaine (Ua). Vous l’excluez d’une table de décision qui concerne au plus haut point les Africains et les Africaines. Pour régler votre compte avec Kadhafi, vous profitez de la révolution populaire tunisienne pour constituer un comité que d’aucuns appellent des rebelles et d’autres des insurgés et lui donnez des directives. Par cette stratégie, vous fragilisez et discréditez l’Ua, démontrant par là son inefficacité.
Comment les dirigeants africains pouvaient-ils être écoutés et convaincre un Groupe que vous avez formé, armé, financé et dressé contre l’Afrique avec le but inavoué de faire exploser l’Ua?
Monsieur le Président, vu la supériorité militaire de l’Otan sur l’armée libyenne, il est possible que, dans quelques jours, Kadhafi tombe sous ces bombardements et les fusillades de quelques Libyens. Ainsi, vous arriverez à la prochaine fête nationale française, le 14 juillet 2011, tenant haut le trophée de votre victoire sur le leader libyen.
Monsieur le Président, vous aurez également à porter sur votre conscience la responsabilité d’avoir déchiré l’Afrique, plus précisément, la zone Nord-Ouest africaine, majoritairement francophone. En effet, Monsieur le Président, votre trophée sera taché de sang, du sang des Africains et Africaines, celui des populations civiles de la Libye tombées sous les bombes de l’Otan ou tuées par la résistance libyenne, celui des Noir(e)s Africain(e)s que vous avez offert en pâture à la colère des Libyens en les faisant passer pour des mercenaires, celui d’étrangers qui, fuyant les violences de la guerre ont sombré au fond des mers et rendu l’âme dans le désert, celui des enfants de la Libye.
Votre trophée sera hanté par la douleur des mères et des pères de familles ouest-africaines qui ont perdu leurs enfants en Libye. Ces jeunes hommes et jeunes femmes qui les faisaient vivre par des envois d’argent grâce à leur travail en Libye, surtout, depuis que vous avez quasiment fermé la porte de la France aux Africain(e)s. Les survivants aux massacres contre les ‘mercenaires’ sont retournés dans leur pays du Sahel, grossir les rangs des chômeurs et renforcé le mal-être de cette sous-région.
Votre trophée sera habité par les soucis financiers de millions de gens que le tourisme fréquenté par un million et demi de Libyens faisaient vivre dans les pays de l’Afrique du Nord, comme la Tunisie.
Il sera hanté de la souffrance des femmes affectées dans leur dignité par des agressions et des viols.
Monsieur le Président, après votre discours à Dakar en juillet 2007, les Africain(e)s s’attendaient du pire de vous. Mais, vous êtes allé bien au-delà de toutes leurs craintes. Vous aurez à votre actif présidentiel, la destruction d’un pays, la Libye qui faisait l’envie de beaucoup de citoyens à travers le monde et l’arrêt de la progression de la sous-région en pleine expansion, à savoir, le Sahel où vous avez parsemé des armes et semé la guerre, la désolation et fortifié ‘le terrorisme’.
Monsieur le Président, après Georges W. Bush, l’Histoire vous honorera de la médaille de la destruction massive d’une région, lui, le Moyen-Orient et vous, le Nord Ouest Africain. Vu que Bush avait reçu la première chaussure, certainement que les Africains vous réserveront la seconde.
Cordialement,
Une Noire Africaine pacifiste, peinée de vivre des tentatives violentes de recolonisation de son continent au XXIe et déçue de voir de nouvelles guerres éclater malgré un président, Prix Nobel de la Paix à la tête de la Première puissance mondiale, monsieur Barack Obama.
Fait à Dakar, le 11 juillet 2011
Dre Aoua B. LY-Tall, Sociologue et Expert en Genre et Analyste Chercheure associée à l’Institut d’Études des Femmes de l’Université d’Ottawa, Canada Présidente-Fondatrice du Réseau ‘FEMMES AFRICAINES, Horizon 2015 (FAH2015)’, Québec E-mail : aouab_ly.tall@ymail.com, aoualytall@uottawa.ca
Dre Aoua B. Ly-Tall