Régime Ouattara, le temps de l’épuration politique

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Quand on aspire à diriger un pays, c’est qu’on a – pour ce faire – des arguments solides et viables. On est, dès lors prêt à les défendre dans l’arène politique devant ses opposants, même les plus farouches. Dans l’exemple de la Côte d’Ivoire, pays marqué par plusieurs décennies de crises socio-politiques, dont la récente crise post-électorale, ceux qui ont tant aspirés, à la diriger et qui y sont parvenus – au prix de milles coups tordus – ont-ils les ressorts nécessaires pour faire face à une opposition qui donne du fil à retordre, le tout, bien entendu, dans un jeu politique libéré et civilisé ? La question n’est pas fortuite. Le contexte l’est encore moins.

La vague d’attaques des positions des FRCI, ces derniers temps, a été – et l’est encore – un prétexte tout trouvé pour indexer et « éradiquer » le FPI, principal parti d’opposition ivoirien, crée par Laurent Gbagbo. C’est à croire que le régime d’Abidjan a décidé d’« épurer » la Côte d’Ivoire de ses opposants politiques, en lieu et place du jeu politique et démocratique normalement attendus. En confondant ratissage, bataille politique et traque aux opposants, ce régime pense-t-il améliorer une situation déjà et si délétère ?

On le sait, tous. Le régime Ouattara – en ce moment – se pose mille et une questions, en proie au doute : qui sont ceux qui l’attaquent ? Pourquoi l’attaquent-ils ? Quand et où vont-ils – encore – attaquer… ? Face à ce casse-tête chinois, ce régime a préféré prendre un raccourci dangereux. Il a préféré la fuite en avant devant ses responsabilités qui sont – entre autres – de garantir la protection et la sécurité à tous les ivoiriens, quel que soit leur bord politique. « C’est le FPI. Ce sont les pro-Gbagbo », ont-ils crié, les yeux fermés. Du coup, tous les responsables politiques de ce parti, tous les ivoiriens n’entrant pas dans le moule « Ado boys » ou « Ado girls » sont – automatiquement – la cible des sbires du régime Ouattara. Accusés à tort et à travers d’être des « déstabilisateurs », des « miliciens » ou d’« héberger des miliciens », de « cacher des armes »… Actions immédiates du régime répressif et tortionnaire d’Abidjan: rafles ciblées, perquisitions sur fond de dénonciations, arrestations abusives, enlèvements de personnes civiles, politiques ou militaires, descentes musclées dans des villages et communes d’Abidjan… Plus récemment, l’arrestation du secrétaire général du FPI, Laurent Akoun, puis, au Ghana, celle du ministre en exil, Koné Katinan, avec en filigrane les mains obscurs des autorités ivoiriennes.

Comme on peut le constater, la terreur et la psychose sont palpables au sein de  la population – sinon d’une certaine population – ivoirienne. Ce n’est pas le retour de vacances de monsieur Ouattara qui y changera grand-chose. Bien au contraire. L’homme a même dit à son arrivée: « J’ai été en contact permanent avec monsieur le Premier ministre, monsieur le président de l’Assemblée nationale, les membres du gouvernement. Notamment les ministres chargés de la Sécurité et de la Défense, ainsi que la haute hiérarchie militaire à qui j’ai demandé de prendre les mesures appropriées en vue de renforcer la sécurité sur l’ensemble du territoire de la Côte d’Ivoire. Je crois que c’est maintenant chose faite ».

Comme on peut s’en rendre compte, toutes ces exactions, durant son absence, ont été commises avec sa bénédiction. Mieux, son retour et ses propos viennent accréditer la thèse de la caution qu’il a toujours accordée à de tels agissements de la part de son armée, les FRCI. Aucun mot sur les dérives et les excès de ses hommes. Rien, sur les actes barbares au cours desquels une – seule –  catégorie de la population est ciblée: les pro-Gbagbo. C’est ce que lui, monsieur Ouattara appelle «des mesures appropriées ». Faut-il – encore – faire un dessin ? Tout est clair et net.

Ouattara ne veut pas d’opposition, surtout celle qui ne se plie pas, à ses exigences à lui. Celle qui n’est pas comme il le voudrait. Il ne veut pas non plus d’ivoiriens opposés à sa politique. Il nie, sinon renie, carrément et purement la démocratie et les libertés. Là où il faille avoir du tact et de la clairvoyance politique, monsieur Ouattara préfère la force sauvage et brutale, la barbarie importée d’un autre siècle. Il opte – plutôt – pour l’« épuration politique ».

Pour corser l’addition, un quotidien qui lui est si proche – historiquement et politiquement – écrit un article – amèrement – tendancieux et intitulé: « Administration, armée, régies financières…: Pourquoi le gouvernement doit mener la chasse aux “résistants” (aux pro-Gbagbo, ndlr) ». Un article qui ferait rougir les initiateurs de « radio milles collines » et faire pâlir de jalousie les concepteurs du « hutu power ». On peut y lire en substance : « (…) Des préfets, sous-préfets et des agents de la Fonction publique s’amusent à jouer les agents secrets pour le compte des anciens pontes du régime en exil (…) Dans l’armée, dans la gendarmerie comme dans la police nationale, c’est le même constat. (…) Il faut donc extirper de l’Administration, de l’armée, de la gendarmerie, de la police et des régies financières, tous ceux qui pensent qu’il faut résister au pouvoir actuel et que la « lutte patriotique » continue. Il faut faire la chasse à tous les « résistants» de tous poils. (…) Car, il y va de la survie de la Côte d’Ivoire ».

Dans un autre papier, un autre chantre – pourtant – à l’avant-garde du « Adopissancisme », semble désavouer ses collègues. Il affirme, à son tour : « Et si nous nous laissons emporter par la passion pour mener des actions de représailles à tort et à travers, nous ne ferions que faire leur jeu et les laisser réussir leur coup. Aujourd’hui, nous devons nous asseoir pour réfléchir froidement à la situation de notre pays. Quels sont nos vrais problèmes ? Pourquoi cette nouvelle vague de violence au moment où nous croyons que la guerre est finie et qu’une nouvelle histoire peut commencer ? ».

Puis, il ajoute : « Si nous ne voulons pas retomber dans les plus sombres heures de notre histoire, où nous soupçonnions notre voisin, notre collègue de bureau des pires intentions, uniquement à cause de son nom ou de ses origines tribales ou religieuses, il nous faut trouver le moyen de nous parler.

Et conclut enfin : « La justice, oui. Mais elle a toujours pour objet de maintenir la cohésion sociale. Si son application stricte et rigoureuse doit aboutir à la destruction de cette cohésion, il faut y réfléchir par deux fois ».

Dans la même dynamique, nous ne saurons terminer notre analyse, sans soumettre à la sagacité des ivoiriens ces quelques interrogations: « S’en prendre à ses opposants, surtout par la violence, par ce qu’on se dit et se croit fort, permettra-t-il de résoudre  le problème de la Côte d’Ivoire ? Mettre en prison tous ses opposants, dissoudre leur parti, mener la vie dure aux populations « hostiles », sortira-t-il ce pays du cycle infernal de crises socio-politiques à répétition ? « Eliminer » ceux qu’on considère comme des « déchets », les exclure pour des motifs politiques – en d’autres termes, faire de l’épuration – sauvera-t-il les ivoiriens du péril d’une cohésion sociale profondément entamée ? Le débat est ouvert.

Marc Micael La Riposte

 

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