Prévarication de deniers. Quand la société encourage le détournement et la corruption

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C’est souvent les sénégalais qui poussent les hommes politiques à détourner

 Détournement de deniers publics, surfacturation, corruption… Au Sénégal, les maigres ressources du pays semblent être un énorme gâteau que de nombreux politiques ont éhontément taillé pour s’enrichir. Mais très souvent, ce sont les populations très prompts à critiquer qui poussent les gouvernant à puiser dans les caisses de l’Etat.

En effet, la clientèle politique, au Sénégal, est tellement portée vers l’argent que pour ces politiciens, il devient obligatoire de trouver une source de revenus supplémentaire conséquente. Ce qui, parfois, mène directement à des comportements délictueux et à une gestion émaillée de corruption, de vol ou de détournement de nos deniers publics, car pour faire de la politique au Sénégal, il faut avoir une manne financière.

Au sein même de l’arène politique, certains politiques sont conscients de l’influence négative que la société exerce sur nos hommes politiques. «Les politiciens qui pillent les caisses, c’est parce qu’ils savent que quand ils descendent sur le terrain, les populations leur réclament de l’argent.

 Les politiciens, dès qu’ils arrivent à une station ministérielle, leur premier réflexe c’est de se dire, ‘‘il faut que je ette de l’argent de coté. Pour aller voir les populations aussi il me faut avoir quelque chose», explique Ousmane Sonko, inspecteur général des impôts, et Président de la formation politique Pastef.

La pauvreté, la racine du mal

Si aujourd’hui une telle situation s’est enracinée dans notre société, c’est parce que le niveau de pauvreté, chez nous, est plus fort que celui de la citoyenneté. Avec 46,7% de la population vivant sous le seuil de la pauvreté, une bonne partie des citoyens de notre pays ne parvient pas à joindre les deux bouts.

Et quand ces populations pauvres attendent de leurs hommes politiques des billets de banque et des sacs de riz, pour pouvoir régler leurs problèmes pressants et ponctuels, certains politiciens n’hésitent pas à exploiter la vulnérabilité de ces populations considérées comme du bétail politique. Ce, en trouvant, légalement ou illégalement, les fonds nécessaires, pour s’assurer du soutien de ces populations.

«La population ne doit pas être exemptée et exonérée de la situation. Pourquoi Karim Wade, malgré tous les moyens que son père a mis à sa disposition, a lamentablement échoué au Point E en 2009 ? Et pourquoi en 2014 Aliou Sall a réussi à Guédiawaye ? C’est parce qu’il est évident qu’au Point E, les populations sont moins exposés à ces choses-là. Vous ne pouvez pas aller au Point E pour donner aux populations 50 000 francs et leur demander de ramener les bulletins de tous les autres électeurs.

Mais en banlieue et dans les zones rurales, disons les choses clairement, vous venez avec 2 000 francs, dites leur ‘’ramenez-moi tous les autres bulletins’’ et ils vous les ramènent. Donc, c’est cette exigence des populations qui pousse beaucoup d’hommes politiques à s’aménager des matelas financiers pour pouvoir faire de la politique aisément», analyse M. Sonko.

«Ils prennent l’impôt que nous payons tous»

Quid de ces ressources que les politiques détournent ? Ce n’est rien d’autre que les impôts que chacun des 13 millions de sénégalais payent pour en faire le budget national. Budget qui devait servir à construire des hôpitaux, des écoles, des routes et mettre le pays sur les rails du développement. «Ils prennent l’impôt que nous tous nous payons, l’argent des populations, pour en détourner l’objectif qui était un objectif de politique publique, pour s’aménager un matelas financier», a indiqué le technicien des impôts.

Le sociologue politologue Ibou Sané, n’a pas hésité à pointer du doigt la société sénégalaise, dans son analyse. De son avis, chez nous, on a «une société arc-boutée sur l’argent, qui ne réfléchit et ne vit que pour l’argent». «Quand vous écoutez les sénégalais du matin au soir, ils ne parlent que d’argent. Ils ne vous parlent pas de culture, ni de connaissances de technologie». Et c’est là où le bat blesse, signale-t-il.

«C’est souvent les sénégalais qui poussent les hommes politiques à détourner»

«C’est souvent les sénégalais qui poussent les hommes politiques dans une situation telle qu’ils ne peuvent plus s’en sortir. Résultat, ils sont obligés de détourner des biens publics. Parce que si vous n’entretenez pas votre clientèle politique, vous ne donnez pas à manger, à boire et à acheter les ordonnances, vous n’êtes pas dans les décès, dans les baptêmes …, elles vous laissent tomber.

Résultat, vous êtes obligés de puiser dans les caisses», renseigne Ibou Sané. Et ce n’est pas pour rien que les postes les plus juteux, restent les plus convoités. «Certains fonds logés à la présidence, à la Primature à l’Assemblée nationale sont des moyens incitatifs. Les gens sont dans des positions stratégiques qui les conduisent à vouloir prendre le maximum pour s’enrichir.

Or, le propre de la politique, ce n’est pas de s’enrichir, mais de travailler pour l’intérêt général. Au Sénégal, c’est le contraire. Malheureusement, les gens font de la politique une profession. La preuve, au Sénégal, les gens vous disent si vous voulez vous faire de l’argent faites de la politique», se désole le politologue. De son avis, les corps de contrôle devront davantage jouer leurs rôles.

Aujourd’hui, ce qui est clair, c’est que les populations ont une part de responsabilité dans de nombreux cas de détournement. Et pour que l’ère de la prévarication de nos deniers publics soit tournée, l’adoption d’une nouvelle mentalité, plus citoyenne, plus éthique, semble être nécessaire, aussi bien du côté des populations, que chez les politiques. Le tout, sous-tendu par une politique de lutte contre la pauvreté.

SenewebNews
 

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