Le Togo se prépare à sa seconde élection présidentielle de l’ère Eyadema fils. La première a failli plonger le pays dans une guerre civile à cause d’un scrutin mal organisé et surtout conçu pour consacrer le passage à témoin entre le défunt Gnassingbé Eyadema et son fils Faure. L’opération a certes réussi, mais le Togo porte encore les stigmates d’un coup de force électoral.
La CEDEAO a dû nommer un facilitateur en la personne du président du Faso, Blaise Compaoré pour résoudre cette crise de confiance entre les acteurs politiques. Les élections présidentielles marqueront, en principe, le retour à un ordre constitutionnel normal pour peu que le scrutin se déroule dans le calme, la transparence et l’équité.
Le 28 février prochain, ce sera encore l’épreuve des urnes, une épreuve souvent redoutée par les hommes politiques africains, surtout quand ils sont au pouvoir et ne comptent pas s’en défaire de si tôt. Faure Gnassingbé est jeune et il n’est pas exclu qu’il veuille faire carrière. Il y a tellement d’exemples autour de lui. Le plus difficile est de contrôler le processus électoral, de le verrouiller de sorte que quel que soit le vote, le vainqueur soit connu d’avance. Il y en a qui ont essayé et ça a marché. Pour le cas du Togo, on attendra le soir du 28 février pour voir confirmée cette assertion. Mais en attendant cette date, il faut croire que le sort lui est déjà favorable. C’est d’abord l’adversaire héréditaire du RPT, son parti, Gilchrist Olympio qui n’arrive pas à déposer son dossier de candidature. A cause d’un vilain mal de dos, il n’a pas pu compléter son dossier de candidature avec un certificat médical. Cette défection involontaire du chef historique de l’UFC avait déjà enlevé au scrutin son potentiel de suspense et de joutes verbales. On aurait aimé voir ou entendre celui qui a combattu le père pendant toutes ces années, défier le fils. Une sorte de revanche devant l’histoire. Mais hélas, le sort en a décidé autrement. Comme il a décidé que le second candidat le plus dangereux pour le pouvoir en place, Kofi Yamgnane, ce candidat indépendant venu de l’Hexagone, ne sera pas de la partie.
Pour le jeune président, on peut dire sans risque de se tromper que la voie est libre pour renforcer son pouvoir avec un deuxième mandat. Pas que les 6 candidats restants en lice sont de paille. Mais une candidature unique de l’opposition aurait eu plus de chance de battre le président sortant.
Me Agboyivo Yahovi, candidat du CAR a déjà servi le régime des Eyadema, Kodjo Messan Agbéyomé de l’OBUTS (Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire), est un gendre en dissidence avec la famille Eyadema. Lawson Messan, le candidat du Parti du renouveau et de la rédemption (PRR), semble se positionner plus pour l’après-présidentielle, conscient qu’il n’en sortira pas vainqueur. Reste Kagbara Bassabi (Parti démocratique panafricain » (PDP), et la seule dame du groupe des candidats, Adjamagbo-Johnson Brigitte Kafui de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA). Pas trop connus du grand public, on se demande comment ils vont rivaliser avec la machine électorale du RPT.
L’UFC avec son candidat de rechange, Jean Pierre Favre, reste malgré tout, la seule force politique capable d’inquiéter le président sortant sur le terrain s’il n’y a pas de fraude. Ici se pose la question de la régularité du scrutin et de l’observation de celle-ci. Sont annoncés 130 observateurs de l’Union européenne, partenaire stratégique du Togo qui avait suspendu son aide sous le régime de Gnassingbé Eyadema et 200 observateurs militaires et civils de la CEDEAO. Ils vont observer un scrutin organisé au forceps et dont le processus, tout au long a été décrié par l’opposition. Du scrutin à deux tours voulu par l’opposition jusqu’à la révision des listes électorales, le processus n’a pas été un exemple de vrai consensus. Mais comme c’est de coutume sur le continent, les observateurs rendront compte dans leurs rapports, « d’irrégularités qui ne sont pas de nature à compromettre la régularité du scrutin » alors qu’ils n’auront vu que ce qui s’est passé en aval du processus.
Or, comme chacun le sait, en Afrique, la fraude se prépare en amont et au niveau de certains chaînons essentiels tels le fichier électoral, l’encre indélébile, etc. Comme à son habitude, cette flopée d’observateurs n’y verront que du feu. Ils sont plutôt regardés comme des éco-touristes. Leur regard ne s’arrête que sur le superficiel et il leur est matériellement impossible de parcourir tous les villages et hameaux du Togo pour vérifier l’effectivité d’un vote régulier et transparent. Or, et c’est une évidence, plus de 90% du corps électoral provient de la communauté rurale. C’est dire toute l’inanité des observateurs étrangers qui viennent en Afrique.
Abdoulaye TAO