Ouattara a Encore Frappé—Accolade, Bientôt un Délit [Dr Feumba Samen]

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Une accolade ou un Atouhouuuu? “Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu’un, en lui passant les bras autour du cou, en appuyant les joues les unes contre les autres, ou encore en serrant quelqu’un dans ses bras, pour lui manifester de l’amitié, de l’affection,” pourrait bientôt devenir un délit en Côte d’Ivoire.

Témoignage Corporel Dangereux

Pourtant, cette pratique affective va plus loin. Elle “confère dans la cérémonie de l’adoubement, le titre de chevalier.” Dans les cérémonies militaires, patriotiques, elle permet de “manifester à quelqu’un l’estime officielle.” Entre ecclésiastiques ou religieux, l’accolade est l’expression d’un “baiser de paix.” Dans certains sports, entre adversaires avant le combat, ils se donnent une accolade classique, s’échangent quelques coups, plus d’exploration que de prise réelle de combat.
Ce geste classique d’amour et d’affection a pris une autre tournure en Côte d’Ivoire. Il est devenu un Signe d’amitié à quelqu’un que l’on veut perdre. Le baiser de Juda—Matthieu 26:47-50; Luc 22.47-53. Ce n’est pas encore un délit. Néanmoins, il semble être un témoignage corporel dangereux à exécuter dans les milieux politiques.

Atouhouuuu Circonstanciel de Soro

Michel Gbagbo et Guillaume Soro qui sont pourtant des adversaires politiques mais également des parties en conflit devant la juridiction Française se sont donnés en spectacle dans un spectacle le 16 Avril en s’enlaçant sans manière ni finesse. Beau coup pour les flashes. Grain à moudre pour les media qui se sont emballés. Eau au moulin des réseaux sociaux qui se sont enflammés.
Leur accolade ayant suscité des vagues et de nombreuses interprétations, le néophyte en politique Michel Gbagbo pour qui l’acte était peut-être innocent explique qu’il témoignait un devoir de “civilité” aux autorités du pays. Puis insiste. “La plainte que j’ai portée contre Soro Guillaume et autres à Paris est toujours d’actualité.” Ce que confirme Me Habiba Touré, son avocate. “On ne peut pas demander à une victime de choses si graves de retirer sa plainte au nom de la réconciliation.” De son côté, Soro, Opportuniste et calculateur, organise autour de ce baiser une com-politique. Pour cet instable politique, cette accolade va raviver “leur amitié, leur fraternité et leur qualité de citoyen Ivoirien” afin qu’il survive à la plainte de Michel qu’il juge “circonstancielle.”

Sans avoir eu la prévoyance d’anticiper et de circonscrire ce détail “circonstanciel,” il avait choisi de contre-attaquer en déposant devant la même juridiction une plainte contre Michel pour “dénonciation calomnieuse” en réponse à celle de ce dernier pour “enlèvements, séquestration, traitements inhumains et dégradants” lors de son arrestation le 11 Avril 2011. Suite à cette dénonciation en justice, Soro Guillaume échappe en Décembre 2015 à une arrestation en exécution d’un mandat d’amener de la juge Sabine Kheris. Plutard, il est débouté par Kheris qui jugea son accusation irrecevable.

Abou Cissé s’Explique

Le traditionnel atouhouuuu des Ivoiriens, même s’il continue à séduire, suscite des suspicions. Méfiance qui pourrit les relations. Et oblige à des explications. Le doyen Abou Cissé, homme politique et religieux n’a pas échappé à cet exercice après Michel et Soro. Son accolade à Affi ou l’inverse l’a poussé à prendre sa plume pour lever les points d’ombre que pourrait provoquer toute interprétation de cette embrassade.

“Je me rendais à ma voiture pour rentrer à la maison quand je fus accosté par Monsieur Affi Nguessan, étant déjà à mon niveau, les bras ouverts prêt à me faire des accolades, c’est tout naturellement qu’en tant qu’humain et surtout guide religieux qui prône l’amour du prochain et le pardon, je ne me suis pas détourné de lui.”

Pour “l’amour du prochain et le pardon,” l’analyste politique Cissé céda au baiser de Affi. Seul à percevoir le tremblement, l’émotion, la tendresse, que le ‘pauvre’ mettait dans cette banale étreinte, le vieux Abou en profita pour lui donner des conseils politiques. “Cher cadet, je crois que tu fais fausse route en ce moment en ce qui concerne la gestion du FPI, je te suggère de rejoindre tes camarades afin de mener solidairement ce combat pour la souveraineté si bien engagé par l’icône Gbagbo en qui tous se reconnaissent.”

Valeurs Perdues

Avant la déconstruction morale et physique de la Côte d’Ivoire par “les braqueurs [qui]ont arraché le pouvoir au PDCI en 1999,” selon Ahoussou Jeannot, puis l’ont complétement rasé à partir d’Avril 2011, tout commençait dans ce pays par un Atouchouuuu sans hypocrisie, et le reste venait de surcroit, “sans même qu’on y pense. [C’était] cela la vraie Pentecôte des bonnes volontés [Ivoiriennes]. Car tout est dans la bonne volonté. Tout est simple si le cœur y est,” écrivait V. Jankélévitch, dans “Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,” en 1957.

Tout a changé. Plus une accolade dans ce pays hanté par le clan Ouattara ne reflète le patriotisme, l’unité, la fraternité, l’amitié. Tout est pour la vue et non le cœur. Donner, recevoir l’accolade dans ce pays c’est comme “[être] fort malade; [avoir]déjà l’œil terni; [sentir]la sinistre accolade Du squelette de l’infini” comme le décrivait V. Hugo dans “Les Chansons des rues et des bois” en 1865.

Une accolade dans un geste plein de tendresse, à la fois spirituel et humain, n’est plus Ivoirien. Le moteur de l’accolade-réconciliation qui embrassait démunis et riches, amis et adversaires politiques, Ivoiriens et Etrangers, est à La Haye. Quand on regarde les images sur lesquelles il embrassait tout le monde, on est ému. Et on comprend que les valeurs dans ce pays sont tombées dans le grenier des oubliettes.

Dr Feumba Samen

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