Grégory Protche crache du feu : Où étiez-vous le 11 avril 2011 ?

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Tribune lue lors d’un rassemblement place de la Bastille à Paris le 11 avril 2013 et parue à Abidjan le 13 avril dans les colonnes du Nouveau Courrier.

J’ai demandé aux dames de l’association Halte au génocide mémoire et justice, il y a quelques heures, de bien vouloir répondre devant ma caméra à la question que toutes et tous ici vous vous êtes mutuellement posée… Sur un ton parfois tragique, parfois badin, des fois juste pour parler, meubler la conversation…

C’est une question à la fois triviale et dramatique.

L’écrivain Georges Simenon dit qu’il en va de certains souvenirs comme des dents qui vous font mal. Vous savez qu’il faudrait ne pas y toucher, et pourtant, du bout de la langue, l’air de rien, comme si vous cherchiez à vous duper vous-même, vous agacez la dent et la douleur en même temps, comme si décider de quand on a mal faisait avoir moins mal…

À hauteur d’individu et sur le plan psychologique, je ne sais pas s’il est bon de vous poser cette question. D’un point de vue politique et médiatique, poser cette question permet indirectement de revenir à l’origine de la crise ivoirienne, d’enfoncer encore un peu plus les clous que depuis deux ans vous avez, avec nous, plantés dans le cercueil de la version officielle.

Vous et moi savons parfaitement ce qu’il s’est passé en Côte d’Ivoire, non pas en 2010-2011, mais depuis plus de 20 ans. Aussi à vous, je demanderais juste où vous étiez, ce que vous faisiez, ce que vous avez ressenti, qui vous a prévenu, qui avez-vous prévenu, ce que vous avez fait dans les heures suivantes, le 11 avril 2011 ? En ce jour de recueillement, à vous je ne demanderais que de l’intime, de l’humain. Pas de politique. Aux autres… je poserais la même question, mais assortie de circonstances, de responsabilités, de fautes, de délits, de pêchés, de conséquences…

Où étiez-vous, Nicolas Sarkozy, le 11 avril 2011 ? Toujours passionné par votre première guerre contre la Côte d’Ivoire ou déjà pris par la suivante, en Libye ? Avez-vous, ce jour-là, ressenti quoi que ce soit pour ces Nègres, les seuls que votre armée pouvait battre ? (Vous qui en Libye, comme au Mali aujourd’hui, finissez par avoir besoin des soldats de l’Oncle Sam). Avez-vous été satisfait, soulagé, content de vous ? Moi, et quelques autres Gaulois, vous nous avez fait honte. Et même mal. Il n’est jamais agréable d’être un bon Français trahi par un agent de l’extérieur, une marionnette de l’OTAN, qui au nom de la France nous déshonore pour longtemps.

Où étiez-vous, François Hollande, le 11 avril 2011 ? Vous qui avec la sérénité de l’ignare fraîchement mal informé, osiez déclarer, péremptoire, ridicule et dérisoire que Laurent Gbagbo n’était pas fréquentable ? Lui préfériez-vous déjà en 2004 le comptable employé aux écritures du FMI ? Était-il déjà plus proche de vous, ce Ouattara que vous receviez aujourd’hui même, (avec un mauvais goût très sûr et une vulgarité toute sarkozyenne dans l’absence de complexe), que votre camarade de l’Internationale socialiste Gbagbo ? Ce Ouattara qui truste et accapare communautairement, au nom d’un rattrapage ethnique assumé, terres, fonctions et postes-clés. Ce Ouattara qui fait disparaître les gens, emprisonne (pour des mots) le Secrétaire général du FPI, premier parti ivoirien, traque les réfugiés qui sont la honte de la Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin, au Liberia et au Ghana…

Le 11 avril 2011, M.Hollande, étiez-vous déjà copain comme cochon avec Alassane Cahuzac Ouattara ?

Où étiez-vous, Laurent Fabius, le 11 avril 2011 ? Vous dont le député socialiste Loncle nous a dit combien vous étiez sensibles aux arguments de Mme Ouattara lorsqu’elle sait les faire sonner et trébucher… n’étiez-vous pas déjà, en 1981, le préféré du Mollah Omar Bongo du Gabon, celui qu’il avait choisi pour les échanges de courriers particuliers avec l’Élysée… où était votre fils, M.Fabius, le 11 avril 2011 ? En train d’essayer de s’extirper d’un énième procès pour escroquerie ? Celui de Laurent Gbagbo, de fils, Michel, tout aussi français que le vôtre, ce jour-là, était tabassé, humilié, donné en pâture à des chiens. Il croupit depuis, sous la surveillance des mêmes, dans un des goulags de Ouattara. Sans autre motif que son nom, l’homme étant universitaire et poète, et donc peu au contact des affaires politiques.

Où étiez-vous, Manuel Valls, le 11 avril 2011 ? Vous qui, encore plus ignare que votre président, péroriez sur les plateaux télé que Laurent Gbagbo méritait la CPI… vous qui aujourd’hui voudriez nous faire croire que vous ignoriez tout des tracas de M.Cahuzac avec la fiscalité. Ce qui, si c’était vrai, serait très grave…

Où étiez-vous, Mme Taubira, notre championne tant de fois décevante, le 11 avril 2011 ? Ce n’est pas parce que vous êtes noire et descendante d’esclave ou de colonisé que je m’adresse à vous ici, mais bien au nom des idéaux d’indépendance qui vous ont guidée, dit-on, tant d’années et que vous avez du refouler aussi profondément que la France le fait avec son passé colonial pour demeurer aussi silencieuse durant la crise ivoirienne…

Où étiez-vous, Vincent Peillon, le 11 avril 2011 ? Parce que vous aussi, l’intello qui parle avant de penser, sur Gbagbo, qu’est-ce que vous avez pu débiter comme insanités alors que personne ne vous avait rien demandé. Vous, le ministre de l’Éducation, dites-nous ce que vous pensez de votre homologue Kandia Camara, docteur ès néologismes, agrégée en barbarismes et déléguée intergalactique à la francophonie post-apocalyptique ? Dites-nous ce que vous inspirent le calendrier scolaire ivoirien, avec ces années blanches et sèches…

Où étiez-vous, M.Montebourg, le 11 avril 2011 ? Parce que, vous aussi, élément de la meute d’aboyeurs, en avez-vous balancé des cochonneries sur Gbagbo Laurent… j’imagine que vos exploits djiboutiens vous conféraient la connaissance du terrain africain, au point de vous autoriser, grassouillet lama chevelu que vous êtes, vous aussi à cracher. Je me rappelle, moi, d’un jour où j’avais rendez-vous avec le conseiller Houdin. Je lui amenais des exemplaires de mon livre, à remettre à qui il fallait. C’était rue du Bac, je crois bien, dans le salon d’un grand hôtel comme on dit. Vieux briscard, Houdin avait repéré le bellâtre en train de déjeuner tout seul. Je sors un livre, rédige une dédicace à la hâte et me faufile dans le restaurant. Me présente à l’impétrant et lui brosse le sujet du livre, sans agressivité ni acrimonie. Passée une légère inquiétude dans son regard, vous auriez vu cet hypocrite sourire. « Je connais très mal la question ivoirienne, je dois vous l’avouer »… N’est-ce pas merveilleux, tant de candeur après le crime ?

Où étiez-vous, Béchir Ben Yahmed, Ô sphinx qui régnez sans partage (à part avec la famille) sur l’antique impayable et très achetable Jeune Afrique, le 11 avril 2011 ? Parce que, vous aussi, depuis vingt ans, au-delà de votre personnelle négrophilie, qui vous a amené à toujours préférer le Blanc ou le simplement Basané à l’Africain noir, à la Côte d’Ivoire, qu’est-ce que vous en avez pris de l’argent ! Combien de Une consacrées à Gbagbo l’année dernière, et achetées en priorité par des Ivoiriens, vieux schtroumpf dégueulasse ? Combien de publi-rédactionnels scandaleux et scandaleusement chers avez-vous vendus à Ouattara en échange ? Le 11 avril 2011, je suis sûr que vous buviez le champagne, Béchir Ben Yahmed…

Où étiez-vous, Thomas Hoffnung, de Libération, l’organe quotidien de la Françafrique bien pensée, le 11 avril 2011 ? Remarque, questionner Hoffnung revient à pisser dans le cerveau mort d’un violoniste… cet âne qui croit et ose encore prétendre dans un livre récent qu’il n’y eût que 3 ou 4 morts devant l’Hôtel Ivoire en 2004. J’imagine, Thomas Hoffnung, que le 11 avril 2011, comme tout le service étranger de Libé, vous frétilliez. Cette Une atroce que vous alliez nous pondre. Vous en saliviez d’avance. Dix ans de bons et déloyaux services contre la vérité, ça se fêtait…

Où étiez-vous, Maria Malagardis, également de Libération, le 11 avril 2011 ? Occupée à recompter les boyaux d’enfants béninois sacrifiés par Simone Gbagbo pour attacher ses nattes sur lesquels une enquête de terrain parfaitement fouillée vous avez permis de tomber ?

Où étiez-vous, Vincent Hugeux, employé de Barbier le Servile à l’Express, le 11 avril 2011 ? Vous qui êtes titulaire d’une décoration de la plus haute portée : Gri-Gri d’or du discrédit journalistique pour bêtise confirmée, prétention confinant au mongolianisme et prophéties hilarantes : quelques heures avant le premier tour de l’élection sénégalaise, sur son blog, modestement intitulé « L’Afrique en face », ce déshonoré par les procès perdus pour n’avoir pas enquêté, annonçait que Wade allait l’emporter et dès le premier tour !!!

Où étiez-vous, relatifs moins méchants, qui vous contentiez de suivre sans trop à chercher à comprendre, le 11 avril 2011 ? Et qui depuis peinez tant, dans les élites politiques et médiatiques, à revenir en arrière vraiment, à dire tout ce que vous savez et avez tu.

Moi, du 11 avril 2011, je ne me souviens plus de rien. Même pas du matin. Si, le midi, j’ai déjeuné avec Théophile Kouamouo. (Thibeau Obou nous a rejoints). On se connaissait à peine. Gbagbo n’était pas encore tombé, de ça, je suis sûr. En sortant du métro, mon téléphone a sonné. On m’a dit, Gbagbo est tombé, on l’a arrêté, tout ça. J’ai dit « c’est faux ». Tout avait été tellement faux depuis le début.

Philippe Rémond, le 11 avril 2011, je sais où il était.

Grégory Protche

 

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