Où commence le nationalisme africain?

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Depuis le second tour des élections présidentielles en Côte d’Ivoire et la crise politique qui s’y est installée les débats sur le net et sur les masses-médias font rage. Les points de vue divergents des divers intervenants sont malheureusement houleuses et dénotent d’un parti pris qui nous éloignent de la véracité des faits. A l’image des positions ivoiriennes dont la partialité tient avant tout à ‘l’esprit partisan et à la division du pays en deux camps depuis une décennie après la tentative du coup d’état de 1992. L’objectivité des analyses des « nationalistes » africains non ivoiriens aussi bien de la sous région ouest africaine que de la diaspora est vaine à trouver. Que malheureusement des ivoiriens s’entretuent à Abidjan et sur les bords de la Seine peut par-dessus toute raison se comprendre à l‘aune de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire résultante d’une conception nationaliste incongrue appelée ivoirité dont la genèse est assez lointaine, mais enfouie dans la conscience collective que le génie de grand homme d’Etat qu’est Houpheit Boigny avais permis d’endiguer. Mais qu’au nom d’une lutte contre le néocolonialisme et pour la renaissance Africaine, on prend fait et cause pour Laurent Gbagbo et appeler à manifester à Paris, qu’on fasse proliférer des assertions pathétiques à la jeunesse africaine sera contre productif pour la lutte authentique pour la Renaissance Africaine. Heureusement de dissonantes voies des vrais panafricanistes nous réveillent de l’obscurantisme des corridors du radicalisme anti-impérialiste qui daignent opposer Alassane Ouattara à Laurent Gbagbo. Le premier serait le digne représentant de la finance internationale et de la Françafrique prêt à perpétuer la main mise des industriels internationaux sur les richesses ivoiriennes. Le second serait le vrai « garçon » du pays totalement opposé à l’impérialisme occidental incarné par la Françafrique. Soit.

L’ivoirité en soit n’est pas une invention de Laurent Gbagbo ni même de Bédié. C’est une part de notre inconscient ethnicisé qui a trouvé son expression dans la spécificité ivoirienne qui au demeurant n’avait qu’un dessein politicien: empêcher Alassane Ouattara de briguer la présidentielle puis les législatives au motif de son ivoirité douteuse. Les mêmes qui hier ne trouvèrent pas inadmissible et incompatible avec le primat essentiel du panafricanisme de cette incongruité ivoirienne crient aujourd’hui partout leur nationalisme de la 25eme heure entérinant ainsi la difficulté, cinquante ans après les indépendances, de la naissance des nations africaines, prélude indispensable à la nation africaine des peuples. La rhétorique de la division des peuples africains par les anciens colonisateurs a vécu même si ses relents subsidiaires trouvent matière dans les farinades du candidat Gbagbo et de ses adeptes qui ont basé leur conquête de pouvoir sur l’étrangeté de ADO. Nous sommes nous-mêmes porteurs des germes de la division de nos peuples si l’objectivité ne transcende pas nos analyses sur les processus démocratiques en Afrique. Quand les souverainetés nationales s’affaiblissent par la prédation des gouvernants s’entichant avec l’aide internationale pour organiser des élections « souveraines »,on se demande pourquoi crier sa turpitude nationaliste après. Il y’a comme une forme pathologique d’organisation démocratique qui prend corps partout en Afrique: la démocratie électorale rythmée par des violences et créant un business d’experts internationaux qui ne doivent leur survivance qu’à la négation de l’alternance comme substratum de la démocratie aux dépens de l‘ancrage de la culture démocratique quotidienne. La fabrique d’institutions fortes est certes une œuvre de longue haleine. Mais si l’acceptation par tous des régimes présidentialistes ,reliques parfaites inadaptées de la constitution française paléo-monarchiste, en sus de notre disposition culturelle innée à adorer le roi, homme-dieu, ne se cimente pas dans le dogme béton de l’alternance politique comme balise princeps de notre route démocratique; l’Afrique n’a pas fini de montrer aux yeux du monde son indigence organisationnelle. Où le débat sur les régimes parlementaires aménagés faisant la part belle aux légitimités traditionnelles prend tout sons sens de nos jours pour qu’enfin nos énergies toutes nos énergies concourent au développement de l’Afrique et à sa vraie Renaissance.

De la crise ivoirienne j’en reste à mes analyses purement d’observateur lointain. Mon ignorance des dispositions constitutionnelles de ce pays et du droit international ne m’empêchent guère à revenir sur l’essentiel. Que l’acceptation par la classe politique ivoirienne après de multiples accords d’autoriser l’organisation enfin des élections maintes fois repoussées sous l’égide des NATIONS UNIES soit aperçu aujourd’hui comme un ébrèchement de la souveraineté de la Côte d’Ivoire me parait indiscutable mais c’était le moindre mal vue les positions inconciliables des deux camps en conflit. Egalement le primat de la certification des résultats issus des élections par L’ONUCI sur l’acte ultime de la cour constitutionnelle si tant qu’il est avéré, devrait être expliqué et propagé dans un cadre pédagogique pour la manifestation de la vérité jurisprudentielle.

Car à l’ère des charcuteries constitutionnelles cet acte permettra de juguler en amont les contestations en gestation dans de nombreux pays africains si l’ONU daigne-mieux vaut tard que jamais-l ’appliquer aux pays voisins de la Côte d’Ivoire.

La promptitude avec laquelle le président de la cour constitutionnelle a procédé pour étudier les recours du camp LMP sans attendre de savoir si le camp RHDP en avait ne serait-ce qu’en intention, l’invalidation que du vote des électeurs des départements du nord du pays desservent le camp GBAGBO. Si on trouve un argutie juridique pour faire accepter l’omission de l’article 64 du code électoral ivoirien, le bon sens pour l’apaisement de la situation déjà tendue aurait gouverner le président de la cour constitutionnelle de simplement annuler toute l’élection ou à tout le moins laisser le temps au débat juridique. Au contraire cette posture scélérate du président de la cour constitutionnelle a démontré à dessein l’obsession du camp GBAGBO à entériner de facto la pérennisation de la division géographique de ce pays. Au plan arithmétique qu’attendait le camp GBAGBO du vote des populations du nord? Les récriminations du camp GBAGBO sur les bourrages des urnes et les intimidations sur les électeurs de GBAGBO dans les fiefs pro-OUATTARA sont possiblement opposables à ce qui s’est passé dans l’Ouest. Mais aucune audience n’a été accordée à ce pan de revendication par la cour constitutionnelle et ce déjà au premier tour quand le PDCI a saisi cette cour constitutionnelle. Qu’a dit cette cour sur le vandalisme en direct devant les télévisions du monde entier empêchant la proclamation des résultats provisoires. Le calcul électoraliste de la LMP misant sur le non report des voix du PDCI sur OUATTARA a montré ses limites. C’est en amont que GBAGBO aurait pu manœuvrer pour rendre factice la naissance de la RHDP. Mais son embrigadement dans une position radicale guerrière en s’armant à tout vent l’en a empêché. Croire qu’on va bâtir son éternité au pouvoir sur les deux piliers que sont l’armée et la cour constitutionnelle n’est pas en soit une incongruité. Mais la Côte d’Ivoire n’est ni le TOGO ni Le Burkina du « facilitateur » Blaise COMPAORE. Ces paradigmes plus le patriotisme chevronné des éléments du Général Blé GOUDE ne suffisent pas à prétendre garder le pouvoir. Il eut fallu à GBAGBO de refuser l’organisation de ces élections tant que la rébellion n’ai été complètement désarmée et l’unification du pays réelle. A moins que le statuquo  soit inclus dans le corpus officieux des accords de OUAGA. Ce qui arrangerait de fait tout tous les affairistes de tous bords. Mais la donne a notablement changé depuis que la communauté internationale s’est singulièrement éprise d’un processus démocratique dans un pays africain.
Laurent GBAGBO n’était pas moins démocrate que les satrapes de la sous-région qui font front aujourd’hui contre lui.

Mais son attitude actuelle annihile le peu de crédit que son parcours de vieux opposant nous autorisait à l’admettre au panthéon des bâtisseurs de la démocratie en Afrique. On peut discourir sur ce qu’aurait été demain GBAGBO pour la jeunesse africaine s’il avait reconnu sa défaite aussitôt.

C’est donc sur une fausse route que s’engagent les « nationalistes » et les faux afro centristes qui au nom d’une lutte pour la renaissance africaine polluent le noble débat contre la pieuvre Françafrique en affublant le titre de digne défenseur de la cause africaine à GBAGBO. Que je sache les fils valeureux comme Thomas SANKARA, Amical CABRAL Samora MARCHEL, Kwame N’KRUMA, Cheick Anta DIOP et bien d’autres se seraient réincarnés en GBAGBO qu’il ne remettrait la légion ivoirienne à BOLORE! S’il en était un qu’il n’abjurerait son serment d’être un président qui peut organiser les élections et les perdre. Celui qui a finalement profondément fait appliquer la théorie de l’ivoirité ne mérite pas qu’on organise des marches de soutien et/ou de protestation dans les capitales occidentales au nom de la lutte pour la renaissance africaine. Le monstre supposé être derrière OUATTARA que représentent les multinationales et autres institutions financières n’est pas plus dangereux que celui représenté par les patriotes de Blé GOUDE et la nébuleuse évangélique qui prennent en otage GBAGBO. Je ne prédis pas que ADO sera le sauveur de la Côte d’Ivoire à tous égards mais pour que les africains aient foi en la démocratie il faut que GBAGBO se libère du démon de la « démocrature » en cédant le fauteuil présidentiel. Le peuple ivoirien veut la paix. L’Afrique veut la paix.

L’angoisse de la jeunesse africaine mérite de la part de ses ainés intellectuels un discours de vérité et sur demain et sur hier. Il nous faut éviter la grande confusion entre la nécessaire renaissance africaine et les fausses luttes nationalistes dans notre qui-vive permanent contre le néo-colonialisme. Il y’a belle lurette que nos souverainetés sont ébréchées par notre main tendue aux institutions financières internationales pour l’accomplissement des taches primordiales de nos Etats. Aucun pays africain ne conçoit sa loi de finance annuelle sans la rubrique aide internationale. Pourquoi s’étonner donc de ce nouveau droit d’ingérence de la communauté internationale quand il s’agit des processus électoraux. Puisque la plupart des dirigeants africains cahin caha ont opté pour la démocratie, exerçons-nous à ne pas comparer et soupeser les déficits criards de démocratie dans les pays comme l’Egypte, ou la Biélorussie pour justifier l’incongruité de l’ingérence de la communauté internationale. La mobilisation de la diaspora africaine devra se fixer pour objectif de rendre la jurisprudence du cas ivoirien universelle par la communauté internationale sur simple saisine des partis d’opposition ou des sociétés civiles africaines. Il y’a bien eu des têtes pensantes pour concevoir des plans d’ajustement structurels(PAS) pour l‘Afrique il va en falloir pour des remodelages institutionnels. Car pendant qu’on s’époumone sur le cas GBAGBO, un silence assourdissant retentit dans la communauté internationale sur les puérilités juridiques de Me Abdoulaye WADE pour une jouvence au pouvoir, on crie à hue et à dia sur les massacres en cours en Côte d’Ivoire en omettant d’évoquer les massacres en 2005 au TOGO qui ont porté Faure GNASSINGBE au pouvoir, on salue comme grand facilitateur Blaise COMPAORE qui se prête à asticoter le verrou constitutionnel qui l’empêche de se représenter en 2015 et enclin à faire enterrer la vérité sur les violations des droits de l’homme.

Cette attribution de blanc seing à géométrie variable de la part de la communauté internationale doit nous inciter à une mobilisation sans précédent pour que la jurisprudence ivoirienne consacre la primauté du nouveau droit d’ingérence dans les balbutiements démocratiques de nos pays. C’en sera un compagnonnage raisonnable pour la mise en place de la démocratie dans nos pays si tant est que nous faisons sienne l’acceptation de la démocratie occidentale comme seul système de gestion de nos pays à défaut d’inventer d’authentiques modèles de gouvernance qui allient stabilité et développement.

Ben NKOTOUKI

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