La France pourrait-elle tirer profit de la mutinerie militaire de Kati? Emmanuel Desfourneaux, directeur général de l’Institut de la culture afro-européenne à Paris, explique dans un entretien à Sputnik pourquoi la France aurait intérêt à laisser les militaires prendre le pouvoir au Mali.
N’hésitant pas à qualifier de «coup d’État militaire» la mutinerie intervenue ce mardi 18 août, dont les autorités maliennes cherchaient à minimiser l’ampleur en fin d’après-midi, le directeur général de l’Institut de la culture afro-européenne à Paris Emmanuel Desfourneaux considère que la France aurait «doublement à gagner de l’intervention des militaires au Mali pour mettre fin à la corruption de la classe politique», a-t-il précisé à Sputnik.
«Il n’est pas possible qu’un tel soulèvement puisse se produire dans un pays où la présence militaire de la France, ainsi que ses services de renseignement, sont omniprésents», doute-t-il.
Pour lui, en se débarrassant du Président IBK, un «allié sans aucune légitimité (hormis son élection mais cela ne suffit plus!)», et, d’autre part, de l’imam Dicko et de ses manifestations populaires, «Paris fait coup double».
«Une fois le Président IBK déchu, les manifestations devraient cesser. De surcroît, ce coup d’État sera suivi d’un couvre-feu interdisant toute manifestation (s’il devait y avoir des récalcitrants du côté de l’imam Dicko) et d’un durcissement contre les dignitaires corrompus», a expliqué Emmanuel Desfourneaux.
La France, pour sa part, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a exprimé son «inquiétude» quant à la «mutinerie qui s’est engagée aujourd’hui à Kati».
Le Quai d’Orsay précise que Paris est sur la même longueur d’onde que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Celle-ci a appelé, dans un communiqué qui vient de paraître, au «maintien de l’ordre constitutionnel» et exhorté les militaires «à regagner sans délai leurs casernes».
Paris pousse pour une application stricte de l’Accord d’Alger
L’avertissement de la France aux responsables politiques maliens est clair, selon lui. Même s’il y a une transition, «elle n’est pas près de se réaliser dans les mois à venir» et ne pourra se faire que «sous la condition d’appliquer strictement l’Accord d’Alger», considère Emmanuel Desfourneaux.
«On assiste donc à la mise en place d’un plan régional concocté par Paris. Le plan franco-malien avec le coup d’État est clair à ce stade-là: rétablir le sentiment de sécurité et de stabilité dans ce pays», ajoute-t-il.
Quant à savoir si la chute présumée du Président Ibrahim Boubacar Keita, au cas où cette mutinerie se transformerait effectivement en coup d’État, pourrait avoir un effet domino dans la région, il reste circonspect: «Chaque pays a ses spécificités, le Sénégal a les siennes, au même titre que la Guinée ou la Côte d’Ivoire. Pour la France, ce qui est important à ce niveau, c’est la question sécuritaire. Il est certain que Paris voudra un homme fort à la tête du Mali», conclut-il.