M. Houngbo: démission ou éviction? Et après?

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Démission ou éviction de Houngbo ? A la confusion déjà grande s’ajoute la confusion. Le risque pour l’opposition démocratique de se tromper de cible est encore plus grand que jamais. Le Togo n’est pas encore devenu un Etat démocratique.

 M. Gilbert Houngbo vient de démissionner de la Primature, ou vient d’être demi par Faure Gnassingbé. L’opacité de la gestion des affaires de l’État, qui a toujours été un des traits essentiels du régime en place, ne permet pas de savoir encore les raisons de cette démission, ou de cette éviction. Le régime laisse ainsi la population dans un flou, qui permet aux journaux de la place d’avancer chacun ce qu’il veut comme explication, accentuant ainsi la confusion politique déjà grande dans le pays. La CDPA-BT demande à ses membres et à ses sympathisants de rester vigilants, pour éviter de prendre ces présumées explications pour argent comptant.

M. Houngbo a été nommé Premier ministre voici près de quatre ans. Il a remplacé à ce poste M. Mali Komlan, un des notables du régime. La presse télévisée et quelques journaux locaux couvrent aujourd’hui M. Houngbo de louanges, énumérant tout ce qu’il aurait fait pendant son passage à la Primature.

On a même considéré que c’est grâce à sa gestion que le Togo est désormais classé dans la catégorie des pays pauvres très endettés, les PPTE. Il est vrai qu’en faisant du Togo un PPTE, les institutions financières internationales qui contrôlent plus que jamais le pays accordent en principe une réduction de la dette dans des proportions qu’elles définissaient elles-mêmes.

Tomber dans la catégorie des PPTE ne constitue nullement un progrès, mais bien une régression. Une régression d’autant plus désastreuse qu’en raison de la nature du régime et de l’opacité de sa gestion des affaires de l’Etat, la masse des togolais ne parviendra jamais sentir dans leur vie quotidienne cette remise de la dette contractée en leur nom, sans leur avis. Aussi, n’y a-t-il rien de glorieux à devenir un PPTE. Depuis 1967, ce n’est pas la première fois que le Togo obtient la réduction de la dette, ou de son rééchelonnement de la part de ses créanciers, ceux du Club de Rome comme ceux du Club de Londres.

Et pourtant, les conditions de vie de la grande masse n’ont pas cessé de se détériorer. La détérioration a pris des proportions insoutenables depuis 2008. La misère populaire s’est accrue. Les prix des denrées de première nécessité ont explosé au grand dam des plus démunis. Les émeutes contre « la vie chère » sont régulièrement mâtées pour imposer le silence. Pendant ce temps, une minorité, la même, continue d’afficher un enrichissement scandaleux. À partir du moment où les conditions d’existence de la grande masse de la population n’ont pas progressé, qu’elles ont au contraire régressé, et que « la vie chère » continue de faire des ravages dans les campagnes et dans les villes, M. Houngbo n’a pas fait progresser le pays.

Mais M. Houngbo, en tant que personne physique, n’est en cause ; comme M. Eugène Adoboli, en son temps (1999-2000), ne l’était pas en tant qu’individu. C’est la nature du régime qu’ils ont accepté tous les deux de servir qui est en cause. Ce régime ne date ni de 2005, ni de 2007 ; pas plus qu’il ne date de 2008, année de désignation de M. Houngbo comme Premier ministre. C’est le vieux régime d’Eyadema qui continue d’être en œuvre, et qui s’efforce de changer de coloration au gré des besoins comme un caméléon, pour tromper l’opinion sur sa nature réelle et sur sa volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix, afin de continuer de servir des intérêts qui n’ont rien à voir avec les aspirations du peuple aux libertés essentielles, à l’État de droit, à la justice sociale, au progrès des conditions de vie… bref à la démocratie.

Le tort de M. Houngbo, (le même que celui de M. Adoboli), est d’avoir accepté de servir un tel régime, et d’avoir eu, pour M. Houngbo en particulier, l’impudence de promettre au lendemain de sa nomination qu’il résoudra les problèmes du Togo en l’espace de six mois !

Au lendemain de la nomination de M. Houngbo, la CDPA-BT avait averti (comme elle l’avait fait au moment de la nomination de M. Adoboli), qu’il ne parviendra pas à faire progresser le pays, à transformer en mieux les conditions de vie de la grande masse, ni à résoudre les problèmes politiques qui empêchent le Togo d’avancer.

Ce pourquoi le régime avait senti la nécessité de le désigner comme Premier ministre n’est ni qu’il fasse progresser le pays, ni qu’il parvienne à créer un Togo démocratique. Comme M. Adoboli  en son temps, M. Houngbo est nommé avant tout pour faire diversion, afin de permettre à Faure Gnassingbé de consolider son pouvoir pour prolonger la vie du régime hérité de son père.

M. Houngbo a simplement subi le sort de M. Adoboli. Avec le cas Houngbo, les Togolais devraient savoir que le fait d’être ou d’avoir été un fonctionnaire d’une institution internationale, en l’occurrence l’ONU, la Banque mondiale ou le FMI (Fonds Monétaire Internationale), ne fait pas forcément d’un homme ou une femme un Chef d’Etat, un Premier ministre ou un ministre capable de résoudre les problèmes de la démocratie et du développement selon les aspirations populaires dans les présents Etats d’Afrique.

C’est donc le régime qui est en cause, et non ses serviteurs. C’est ce qui justifie la nécessité de le changer, de le remplacer par un nouveau régime politique. Il ne s’agit donc ni de faire des propositions pour qu’il s’améliore, (le régime du genre que nous avons depuis des dizaines d’années ne s’améliore pas), ni de l’aider à mieux gérer les affaires de l’État (sa nature ne permet pas la bonne gouvernance), encore moins de vouloir partager le pouvoir avec lui. Il ne s’agit pas de collaborer sous aucun prétexte et sous aucune forme avec ce régime antidémocratique.

Il s’agit, pour l’opposition démocratique, de mieux s’organiser pour le changer. C’est la condition sine qua non de permettre au peuple togolais d’arriver à instituer pour le pays un système politique différent, c’est-à-dire démocratique. Il est évident qu’un tel système politique ne saurait être conduit par les mêmes hommes, mais par de nouveaux acteurs. On ne fait pas du neuf avec du vieux chiffon.

La démission ou l’éviction de M. Houngbo dans la situation politique présente ajoute la confusion à la confusion. Il ne faut pas que cette confusion amène l’opposition démocratique à se tromper d’objectif.

Fait à Lomé, le 13 Juillet 2012.

Pour la CDPA-BT

Son Premier Secrétaire

Prof. E. GU-KONU

 

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