L’Onu, un vrai machin

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L’on sait depuis 1960 que l’Onu est un machin. Le Général De Gaulle a-t-il eu tort de qualifier ainsi notre organisation mondiale ? Certains diraient que le mot a été lâché tardivement. Mais au moins, tous les analystes sérieux sont convaincus que, bien qu’intervenue tardivement, le terme forme avec l’Onu, une seule et même entité. Ce n’est guère un mot creux que notre esprit créatif tenterait de remplir en se servant d’artifices mal formulées. Le terme est plus qu’une réalité vivante et les faits quotidiens contribuent à renforcer sa légitimité.

Il est en effet universellement reconnu que, malgré son gigantisme, l’Onu n’a jamais réussi à résoudre parfaitement les crises pour lesquelles ses services ont été sollicités. Ses interventions créent, à bien des égards, plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Différentes raisons expliquent ses éclatants échecs. Parmi elles, on note sa partialité constatée sur les terrains d’intervention, sa structuration et ses missions aux contenus qui cachent maladroitement le fond de la pensée des maîtres de l’organisation. La crise israélo-palestinienne, le génocide rwandais de 1994, la rébellion armée en RDC, la crise libyenne, la crise ivoirienne sont autant d’exemples qui ne cessent de donner un vrai sens au terme « machin ». Ce bilan médiocre qui impose une profonde réflexion sur l’éventualité d’une réforme de l’institution, ne semble déranger personne. Le sentiment que l’on a est que l’Onu n’a pas encore pris conscience de ses faiblesses. Elle reste jalousement attachée à de vieilles pratiques consistant à offrir ses tribunes aux va-t-en-guerre et autres impénitents violateurs des droits de l’homme.

On ne le dira jamais assez, « Les guerriers de la paix » regroupés au sein de l’Otan sont un danger permanent pour l’institution. Ils créent et renforcent le déséquilibre interétatique que l’Onu est censée combattre par le principe d’égalité souveraine de tous les membres de l’institution. Les interventions de Barack Obama et de François Hollande lors de la 68ème Assemblée Générale de l’Onu ont démontré, à suffisance, qu’’il existe des Etats autorisés à menacer d’autres sans que cela ne soulève le courroux de l’Onu. Est-il possible que le mandataire rappelle à l’ordre son mandant ? La pratique laisse sans voix !

Dans la crise syrienne, même si « Les guerriers de la paix » ont été freinés dans leur élan meurtrier par la diplomatie russe, il n’en demeure pas moins que les réflexes bellicistes restent fermes. Ce n’est pas Obama qui nous convaincra du contraire lorsqu’il affirme : « Un dirigeant qui a massacré ses citoyens et gazé des enfants à mort ne peut regagner la légitimité voulue pour conduire un pays gravement divisé ». Le Président américain est   parfaitement sur la même ligne que François Hollande qui utilise le terme « gazé » et avait déjà en 2012, à la 67ème session de l’assemblée Générale de l’Onu, soutenu : « Le régime syrien ne retrouvera jamais sa place dans le concert des nations. Il n’a pas d’avenir parmi nous.» Un simple jeu de rapprochement avec la déclaration d’Obama permet de comprendre, in fine, le sort réservé à Bachar El-Assad. Notre organisation mondiale ne s’offusque pas du fait qu’un ou deux petits « guerriers de la paix » décident de « déboulonner » un régime attaqué par des terroristes. Elle cache sa couardise et se range tacitement du côté de ses mandants en endossant une tartufferie dénommée « la responsabilité de protéger ». Il n’est point nécessaire de nous attarder sur le fait que les occidentaux ont courageusement offert à la Syrie une situation catastrophique afin d’évoquer au moment choisi, « la responsabilité de protéger ». L’Onu n’a certainement pas eu le nez creux ! A la vérité, cette organisation est un vrai machin.

En dehors des « Guerriers de la paix », le machin a également enregistré sur son pupitre, le chef d’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara. Lorsque l’on essaie de réveiller les souvenirs de la crise décennale imposée à la Côte d’Ivoire et de l’engagement de l’Onu en faveur de son « cheval » Ouattara, on ne s’étonne guère de voir ce dernier jouir de toute l’estime de l’organisation mondiale. Ce n’est pas sa présence en tant que chef de l’exécutif ivoirien qui pose problème, mais plutôt son statut d’excellent violateur des droits de l’homme.

Depuis l’intervention armée du couple Onuci-Licorne en Côte d’Ivoire, ce pays est devenu un vaste champ d’expérimentation des traitements inhumains, de la négation des libertés individuelles et collectives. Nul n’ignore le nombre d’exilés politiques, de réfugiés et de détenus qui vivent dans des conditions infra-humaines. Officiellement, l’on enregistre plus de 700 détenus politiques, civils et militaires dont les droits sont royalement bafoués par Ouattara. Le nombre des exilés politiques et des réfugiés avoisine 200.000.

De plus, l’Onu oublie facilement que pendant la crise postélectorale, le chef d’état ivoirien avait sous son contrôle les rebelles du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (Mpci) corrompus en Forces Nouvelles (Fn) avant d’être transformés, en Forces Républicaines de la Côte d’Ivoire (Frci). Les nombreux crimes commis par ces forces meublent les archives de la mission Onusienne en Côte d’Ivoire, du Comité International de la Croix Rouge (Cicr), de la Caritas, des organisations ivoiriennes de défense des droits de l’homme et de la presse de l’opposition. On note par exemple qu’en début du mois d’avril 2011, les forces pro-Ouattara ont exécuté en une journée près de 1000 personnes dans la localité de Duékoué à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Les exécutions sommaires auxquelles se sont adonnées les forces de Ouattara après leur victoire militaire, les massacres des réfugiés du camp de Nahibly (Juillet 2012), tous ces crimes graves qui ne sont que des spécimens, sont imputables à Ouattara dans la mesure où ces forces militaires, agissant sous son autorité, l’ont aidé à prendre le pouvoir et à s’y maintenir par la force. En cette qualité, il devrait être visé par un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale (CPI). Mais que non, Ouattara est libre et bien accueilli aux assemblées Générales de l’Onu.

On nous reprocherait certainement de tenter de faire de la CPI, une cour aux ordres de l’Onu. Mais nul n’est dupe. En effet, l’on sait que cette cour est liée au système des nations unies et que le conseil de sécurité est compétent pour exiger l’arrestation de toute personne ayant commis des crimes graves qui relèvent de la compétence de la CPI. Cependant, en raison de son accointance avec le régime d’Abidjan, l’Onu n’exigera pas qu’un mandat d’arrêt soit émis à l’encontre du Président ivoirien. Parallèlement, les  Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne qui ont soutenu l’action militaire de Ouattara dans sa volonté de prise du pouvoir par la force, ne mettront pas leurs talents diplomatiques au service de l’arrestation de leur filleul. Pourtant, ces pays pèsent de tout leur poids dans la traque contre le Président Soudanais Omar Al-Bachir placé sous mandat d’arrêt par la CPI pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis sous ses ordres au Darfour. On notera au passage que les crimes retenus contre Al-Bachir, ne sont pas différents de ceux commis par Ouattara en Côte d’Ivoire.

Le président soudanais n’a pu se rendre à la 68ème assemblée Générale de l’Onu parce que les Usa, en complicité évidente avec l’Onu, ont refusé de lui délivrer un visa. Cette décision honteuse montre que, bien que n’étant pas partie au statut de Rome et en conséquence non soumis aux obligations imposées par le statut et les usages, ce pays demeure le mandant de l’Onu et de la CPI. Dès lors, on comprend aisément pourquoi le chef de l’exécutif ivoirien est le bienvenu aux usa, à l’Onu et déclaré persona non grata à la CPI.  Il est, contrairement à Al-Bachir, le choix des occidentaux et de l’Onu.

Il suit de ce qui précède que notre organisation mondiale est un machin conçu pour encadrer et protéger les intérêts des occidentaux. C’est donc en toute logique qu’elle se plie non seulement aux désidératas de ses mandants mais aussi et surtout, protège les valeureux hauteurs de crimes contre l’humanité soutenus par elle. Un tel constat exige-t-il que l’on fasse confiance à l’Onu ?

Alain Bouikalo

Juriste

 

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