Litanie de Klatchaa: Ceux qui mangent leur tortue [ Par Sénouvo Agbota Zinsou ]

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La situation que nous vivons ces jours-ci au Togo, avec l’entêtement, l’endurcissement de cœur, le raidissement de cou dont fait preuve le Fils de Klatchaa par le côté illogique de la chose, fait bien sûr sourire et même rire quand on a la force de prendre suffisamment de distance par rapport à ce comportement de la part d’un humain. Mais, j’ai bien dit : humain. On en est arrivé à un stade où on peut se demander si on a bien affaire à un être humain, avec ce qui caractérise un homme et l’éloigne spirituellement d’un animal. Je n’ai pas cessé de prévenir, de parler d’un cadavre de crocodile, Klatchaa, tout raide, tout droit, parfaitement insensible à tout, donc ayant des yeux qui ne voient pas la masse d’hommes, de femmes, d’enfants en révolte, manifestant, défilant, déferlant comme une immense marée ou plutôt comme une Forêt subitement jaillie de la terre alors que nul ne s’y attendait, de plus en plus vaste, de plus en plus touffue de Fleurs de Tournesols qui envahit nos villes et nos villages. J’espère que vous pensez, non pas au corps matériel, fragile du Tournesol mais à son esprit qui est pareil à celui immortel du soleil aux rayons d’or.
 Pourquoi n’ai-je pas choisi comme métaphore une image plus agressive ? C’est que, comme je l’ai expliqué dans mon poème du mois d’août dernier, il s’agit réellement d’un mouvement pacifique ayant sa source dans les petites graines de Tournesol que nos esprits ont semées avec patience et endurance, qui ont poussé , ont jailli de la terre où ces graines étaient enfouies comme si un pouvoir aveugle avait voulu à force de les piétiner, de les presser, de les oppresser, de les tasser, les y retenir…Mais elles se sont multipliées, ont éclaté, se sont épanouies , irradiant la terre…Et le Pouvoir Aveugle, à l’esprit étroit qui n’entend rien en dehors de la formule qui lui permettrait d’atteindre ses propres objectifs, a cru un moment qu’il lui suffisait de dévorer une ou deux de ces Fleurs de Tournesol sous sa dent acérée, ou de les brûler par son feu et autres moyens de violence pour étouffer la Forêt pour l’avaler ou la dévaster, entièrement et refaire le vide de l’esprit sur lequel il croyait régner jusqu’ici. Cependant, la Forêt résiste, plus éblouissante que jamais, donc plus aveuglante pour le Pouvoir déjà aveugle. Et, elle avance ! Rien ne peut l’arrêter !
Loin de reculer, ou de chercher à enfouir elle-même sa tête dans un passé soi-disant d’or, la Forêt de Tournesols, à la tête couronnée de soleils a les yeux ouverts, résolument tournés vers l’avenir. Elle rêve cet avenir éclatant de lumière dorée, c’est-à-dire, non pas forcément fait de choses matérielles et viles dont se gavent et dont crèvent les amateurs de viande (sûr qu’ils crèveront tous s’ils persévèrent dans cette voie). Comprenez-moi, ce n’est pas de la mort physique à laquelle les lois de la nature nous ont tous soumis que je parle.

Tant d’atrocités commises sur les citoyens les plus démunis, les plus faibles que les hommes en uniforme criblent de balles, bombardent, enfument, étouffent, massacrent, ébouillantent, broient sous des chars, poussent dans les fleuves et des lagunes !

Tant d’égoïsme d’une minorité qui amasse, dilapide les biens de la nation togolaise à son seul profit alors que la majorité des citoyens croupit dans la misère et trouve à peine la pâte de tous les jours.

Voilà la vie et l’œuvre que ceux qui ont mangé la tête de leur Tortue réalisent au Togo.
Et, à quoi les reconnaît-on, ceux qui crèvent et crèveront ainsi ? Comme les prophètes de l’Ancien Testament ou tel un prophète d’une religion laïque, je n’ai pas manqué de prévenir depuis des années ( vous êtes obligés d’y croire puisque je ne me réfère qu’à la religion du bon sens, commun à tous les humains ) :
« Tout le monde a sa Tortue…Si la Tortue de quelqu’un ne chante pas, je le pends »
Ceux qui ont mangé leur Tortue ne l’ont peut-être pas tous avalée en entier d’un seul coup. Il y en a qui avaient commencé à en grignoter un doigt, une main, une patte… y ont pris goût et ont continué, alors qu’ils pouvaient encore s’arrêter là, car la Tortue est douée d’une extraordinaire capacité de vie, capacité qui inclut pour un membre amputé de se régénérer. Mais lorsque ces gens, toujours avides, gourmands insatiables, perpétuellement assoiffés d’argent, de biens matériels et de pouvoir en arrivent à la tête (ils peuvent encore raisonner, revenir à une logique plus humaine), ils ont encore une chance d’opter pour les valeurs mais préfèrent se jeter sur ce qu’ils considèrent comme une proie. Exactement comme le font les prédateurs animaux dans la jungle.

Et quand ils ont fini de dévorer la tête de la Tortue, on peut dire d’eux, selon la tradition en mina : wo ɖu klota ( ils ont mangé la tête de la Tortue ). Ce qui veut dire que, non seulement ils n’ont plus d’yeux pour voir la Forêt de Tournesols, sont incapables de lire la couleur jaune dorée de l’avenir qui émane d’elle, de sentir le parfum du temps qu’il dégage, encore plus incapables de percevoir son chant de révolte et de victoire…mais aussi simplement qu’ils sont incapables de réfléchir humainement. Comment voulez-vous donc appeler ces gens qui, physiquement, ont encore l’aspect d’êtres humains ? J’ai dit Klatchaa comme un cadavre de crocodile,
Klatchaa , faux Du-Legba, cadavre-idole dressé sur ses pieds sur une place publique, faux symbole de la nation en face du vrai et de l’unique qu’il a longtemps voulu écraser, la Fausseté dans toutes ses dimensions, toutes ses facettes, toute son énormité, en uniforme de général d’une armée dressée contre le peuple, par des mains de petits démons rouges venus d’ailleurs, d’un pays de dictature dynastique et cynique comme le nôtre, insensible aux souffrances d’un peuple qui gémit, soumis à toutes sortes de faims comme le nôtre, pour flatter la vanité de Klatchaa
Klatchaa comme une statue de bronze, en vain polie, embellie, qui reste horrible et laide, effrayante à voir, aveuglante plutôt que brillante c’est-à-dire reflétant une flamme intérieure couleur de fumée, ou fumier, flamme des plus infernales

Klatchaa resté ainsi debout, jusqu’ à ce que des enfants courageux, le 5 Octobre 1990, puisant leur énergie dans l’essence de Tournesol avant la lettre, déterminés, tentent de le renverser, le descendre de son piédestal…puis meurent, tirés comme des lapins par la soldatesque Klatchaa. Sacrifice sur l’autel de ce monstre qui s’abreuve de sang, surtout du sang des enfants. Mais ce sacrifice ne sera pas vain car la statue ne tardera pas à être renversée.

Klatchaa ainsi désormais démoli, entraîné, hors de la vue des hommes de bien,
Klatchaa comme une armée d’hommes taillés à son image( sauf, bien sûr par la quantité de viande consommée), donc en uniforme , poussés par le besoin pressant d’aller uriner sur les textes sacrés de la République, et qui des urnes sur la tête envahissent tout le territoire, évidemment, non sans la puanteur de leur émission

Klatchaa, cadavre spirituel qui veut continuer à faire peur, exister par la terreur et son apparence trompeuse qui peut revêtir tous les noms et jamais la vérité. Au besoin se créer l’illusion de dominer l’univers.

Klatchaa, lidjaa, sans raffinement aucun, sans discernement aucun, avalant tout, jamais rassasié, Podogan comme dans La Tortue qui chante, n’ayant pour dieu que son ventre, comme dirait l’apôtre Paul, il méprise toute vraie nourriture de l’esprit. Il est voué à la destruction rapide ou lente.

Klatchaa, lidjaa, ours mal léché, sourd au chant de la Tortue, il n’entend rien à la culture des valeurs et à l’éducation, confondant la vie avec la consommation effrénée de la viande. Ce n’est pas ce type-là qui peut nous conduire à la création d’une nation civilisée.
Klatchaa, écrasant de son poids de cadavre toute vérité, toute vraie science, tout vrai progrès, qui ne servent pas sa soif de puissance, s’introduisant de manière intempestive dans les domaines auxquels il n’entend rien. Les hommes à la conscience morte n’entendent pas le chant de leur tortue.

Klatchaa, cet énorme cadavre qui s’enfle d’année en année et qui ne cesse de s’alourdir et de répandre sa puanteur meurtrière partout sur le territoire togolais, qui a déjà fait tant de mal aux hommes et qui encore, risque, si on le laisse là, d’étouffer, d’empoisonner, d’écraser, d’anéantir des milliers de vies humanises…

Klatchaa , l’Horreur statufiée qui ne peut jamais être perceptive à ce qui est beau, vrai et d’une essence élevée…s’abreuvant, de soûlant du sang des enfants versé á ses pieds, n’écoutant d’autre musique que celle du bourdonnement de mouches qu’attirent ce sang et le tam-tam fait par le battement des ailes de vautours ou encore le croassement des becs de ces bêtes se battant pour arracher les lambeaux de chair abattue sur son autel.

Klatchaa, le cadavre arrogant et ignorant qui se détourne de toutes senteurs agréables et idéales, choisissant de s’enfermer dans sa propre puanteur. Notre souhait est qu’il y pourrisse tout seul et nous laisse respirer un nouvel air frais, vivre une nouvelle ère de paix véritable et de liberté.
Klatchaa, le Mensonge personnifié qui vocifère pour faire croire que ce bourdonnement des mouches qu’accompagnent le battement des ailes et le croassement des vautours est un discours de paix, de démocratie, de stabilité, de progrès etc.

Klatchaa, ainsi apparaît désormais aux yeux de tous la prétendue Colombe de la paix : un rapace vorace, la Bête, la plus terrible carnassière jamais connue au Togo.

Klatchaa, un système mis en place depuis plus de cinquante ans et soutenu par une puissance tutrice pour perpétuer sa domination sur la tête de nos peuples, système qu’hérite aujourd’hui un rejeton qui nourrissait tranquillement le rêve de s’en gaver jusqu’en 2030. Lui-même et ses adeptes chantaient donc joyeusement et caressaient leur vision 2030 ! Horizon de viande qu’ils croyaient assurée…

Klatchaa purifié, donc béni grâce à des montagnes de viande, par des prêtres de viande venus de tous les horizons, les adeptes s’apprêtaient à crier « Victoire totale et définitive » quand, comme une génération spontanée, génération nouvelle en tout cas, a jailli de terre après de longues années pendant lesquelles ses graines avaient été semées, la Forêt de Tournesols. La lumière dorée éclatante qui émane de celle-ci foudroie et éblouit Klatchaa.

Perdue, toute cette viande en perspective ? Adieu, veau, vache… couvée, comme dirait le fabuliste ? Vision de viande déjà vendue et convertie, investie en villas, voitures, virements bancaires, dolce Vita, vin de grand prix…Vain, comme dirait l’Ecclésiaste, le rêve de tant de belles choses de la vie ? Leur vision de viande serait désormais vidée de toute substance, de toute consistance ? A quoi seraient-ils réduits alors ?

Panique dans le clan de Klatchaa . Troublé, Klatchaa craque, se déchaîne, court par-ci, par-là, bondit à gauche, à droite, en avant, en arrière à la recherche de tous les recours possibles… Il écume, secoué de convulsions, se livre désespérément par soubresauts, aux actes désordonnés, encore plus irrationnels que par le passé : Klatchaa ! Klatchaa ! Klatchaa ! Klatchaa !

Il ne le savait pas : le temps et l’espace échappent à ce qui est mort, donc au cadavre spirituel. Il donnait l’impression d’occuper de l’espace parce qu’on ne l’avait pas encore dégagé et cela durera tant qu’on ne l’aura pas dégagé. Et il ne reste plus rien d’autre à en faire qu’ à le dégager. Il ne bougera pas de lui-même d’un pouce.

Peut-être, bien intentionnées, certaines personnes s’efforcent malgré tout de faciliter un dialogue entre La Forêt bien vivante de Tournesols et le cadavre de crocodile. Mais, tous savent que c’est de la peine perdue. Il est dit dans la Bible que les hommes de Dieu doivent plutôt éviter tout contact avec les morts. La même attitude est à recommander aux hommes et aux femmes réellement bien intentionnés (prêtres et prêtresses de tous les dieux, c’est-à-dire serviteurs de toutes les valeurs).

Sénouvo Agbota ZINSOU

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