Libanais d’Afrique : l’heure de la mutation

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Le commerçant d’hier, bouc émissaire idéal, cède le pas au capitaine d’industrie d’aujourd’hui, conseiller politique et financier avisé.Alors que la crise financière mondiale couvait, la diaspora libanaise, établie aux quatre coins de la planète, a rapatrié sur l’année 2008 environ 10 milliards d’euros.


Ce record ne s’explique pas seulement par les taux exceptionnels de rémunération (parmi les plus élevés) sur dépôts pratiqués par les banques du pays du cèdre. La richesse et la prédominance en nombre de cette diaspora sur les résidents au pays (exception partagée avec la Palestine et Israël) fait du Liban un pays « offshore », économiquement et financièrement ouvert, avec un système de change unique au monde et une balance de paiement toujours excédentaire.

 

Polyglottes et communicants

Unique aussi, un système d’éducation national flottant où l’arabe, l’anglais et le français se côtoient, faisant des Libanais le peuple le plus ouvert de la région, riche de conseillers avisés des princes du Golfe et de gestionnaires des grandes fortunes. Polyglottes, mais aussi communicants et leaders de la planète médiatique du monde arabe, précurseurs des émissions de téléréalité et des clips qui ont fait tomber bien des voiles.

Autre exception libanaise, que lui envieraient bien des pays africains empêtrés dans des guerres identitaires, cette constitution tournante qui veut que toutes les ethnies et toutes les sensibilités religieuses soient représentées au pouvoir.

En Afrique subsaharienne, la communauté libanaise, dominée par les chrétiens maronites au départ, a d’abord investi toutes les formes du commerce avant de passer à l’industrie et à la finance. Au Cameroun, Haj Massal, patriarche de la communauté libanaise, rend compte de cette mutation. Au Sénégal, Abbas Jaber, le PDG de Suneor, repreneur de Dagris, est un capitaine d’industrie bien connu sur l’axe Paris-Dakar et dans toute l’Afrique de l’Ouest. Le Franco-Sénégalais né à Thiès (70 km de Dakar) fait partie des hommes les plus influents au Sénégal, avec des accointances politiques certaines. Nombreux sont comme lui des économistes (cas de Nadim Michel Khalife au Togo) conseillers financiers ou facilitateurs d’affaires.

 

Discrétion

Cela bien qu’il soit de règle que le Libanais d’Afrique limite son intérêt pour la politique au sponsoring des événements sportifs et, en général, (nos correspondants ont pu le constater) évitent de parler aux médias. En cause, les violentes campagnes de presse organisées au Sénégal lors des indépendances contre les Libanais, les commissions d’enquêtes pour irrégularités et fraudes au Ghana en 1964, les procès lancés en Guinée Conakry contre certains commerçants sous le régime d’Ahmed Sékou Touré, les diatribes du président Mathieu Kérékou les appelant, au milieu des années 70, à « investir » au lieu de monopoliser le petit commerce au détriment des nationaux et de détenir le record du transfert clandestin de capitaux ou, plus récemment, à Malabo, dans le cadre du procès de Simon Mann, quand le pouvoir équato-guinéen menace de limiter sérieusement l’immigration libanaise pour des « problèmes de sécurité » ?

 

Pour le moins, cette image du commerçant libanais des années 60 et 70 s’est peu à peu estompée pour faire place à une relève, en général bien instruite et désireuse d’investir l’industrie et la finance. Pour beaucoup d’observateurs, la mutation devra s’accompagner de la création d’une banque libanaise en Afrique.

 

Celle-ci pourrait bien voir le jour au Gabon où a été signé un protocole dans ce sens en septembre 2008 entre le président Omar Bongo et un groupe d’experts libanais. Le choix du Gabon pour l’implantation de cette succursale traduit aussi l’importance grandissante de Libreville, qui a vu sa population libanaise passer du simple au double (elle est estimée à 5000) depuis le déclenchement de la crise ivoirienne.

Par MBF

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