Le passage du régime politique de la 4ème république à la 5ème république peut-t-il être une solution à la bonne gouvernance? Peut-on espérer un impact sur le quotidien du peuple de ce changement, sans avoir au préalable pris soin de résoudre les difficultés liées à la vie chère?
En se référant au contexte politique et économique actuel du Togo, nous allons définir la notion de bonne gouvernance, ensuite démontrer comment l’absence de la bonne gouvernance ne peut permettre de prévenir et même apporter des réponses claires à la vie chère. Au demeurant, dans quelles conditions peut-on espérer un impact sur la vie chère au Togo, vue les conditions qui ont présidé au changement de la Constitution du 6 mai 2024 dans notre pays.
La notion de gouvernance fait référence à l’ensemble des processus et procédures de gouvernement en rapport avec les institutions et à la pratique en matière de prise de décisions. Elle relève également de toutes les réglementations qui garantissent le fonctionnement des institutions de l’État. Elle concerne exclusivement les questions d’intérêt commun.
La bonne gouvernance ajoute une dimension normative, une évaluation par rapport au processus de gouvernement. En l’occurrence, elle se réfère au processus par lequel les institutions de l’État gèrent les ressources publiques et garantissent la réalisation et la satisfaction des droits de l’homme.
La question de la bonne gouvernance concerne d’abord le plein respect des droits humains, englobe la participation affective du peuple à la gestion et au contrôle de l’action publique. Elle concerne aussi la transparence et l’application des principes de la responsabilité dans toutes les décisions et actions de la vie publique.
Elle a pour base politique le pluralisme et le respect de toutes les opinions et idéologies qui peuvent évaluer les résultats des institutions, leur efficacité et leur efficience en matière des droits civils, politiques et économiques. Tous ces droits doivent permettre sans appel, à travers leur application, à garantir et protéger la population, sur la base de la capacité des institutions de l’État à répondre aux besoins du peuple. Ce faisant, l’État a l’obligation de rendre compte au peuple de toutes les actions à son endroit dans la transparence et la responsabilité de tous les acteurs.
Dans un État où la bonne gouvernance est une réalité, comment se comportent les institutions de la république face à la vie chère ?
Le problème de la vie chère est lié à la hausse régulière des prix des différents produits des biens de première nécessité, les biens et services de grande consommation, les matériaux de construction de même que les médicaments et les services de la santé. Il concerne donc toutes les transactions qui affectent directement le quotidien de la population. La vie chère résulte alors de l’inadéquation entre les augmentations régulières des prix et la stagnation de la production ou l’approvisionnement des biens et services de bases due à la baisse des revenus des consommateurs.
Cette situation a toujours existé sous plusieurs formes telles que les conjonctures et les crises économiques dont la solution première est l’amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs.
Le pouvoir d’achat est la capacité, plus ou moins grande pour un revenu, de permettre à son propriétaire de se procurer les biens et services disponibles sur le marché. Il est d’autant plus élevé que les revenus augmentent plus vite que les prix de produit. Dans le cas contraire, il devient de plus en plus faible et se traduit par la vie chère lorsque cela se généralisé et dure dans le temps.
Ainsi, la vie chère résulte d’une situation générale que vit la population lorsque, de plus en plus, les prix des biens et services de première nécessité augmentent, alors que les revenus stagnent ou augmentent moins.
Au Togo, la situation de la vie chère est caractérisée par la dégradation nette du pouvoir d’achat de la population due à la croissance plus importante et continue du niveau des prix par rapport au niveau des revenus, aggravée depuis 2019 avec l’avènement de la COVID.
Aussi, la question de la vie chère au Togo résulte du fait que les différentes politiques économiques n’ont pas réussi à impacter notoirement les principaux agrégats de l’économie malgré tous les programmes de gouvernement initiés depuis 2008. Il s’agit desagrégats macro-économiques tels que la production intérieure, le chômage des jeunes, la balance commerciale, le revenu et l’épargne national. Ce qui interpelle la capacité d’anticipation des dirigeants en lien avec le bon fonctionnement des institutions de la République dans le cadre de la mise en place d’une politique sociale. Ceci engage directement les institutions de la République face à leur responsabilité, leur efficacité et la qualité des politiques publiques engagées.
Trois exemples pour illustrer nos propos à savoir l’évolution des prix des produits pétroliers, le ciment et l’huile de consommation.
Évolution des prix du baril à l’international et du super sans plomb à la pompe au Togo.
Date et année | Prix du baril | Prix à la pompe |
Juin 2008 | 150 $ | 505 f |
Mai 2010 | 102 $ | 567 f |
Juin 2010 | 85 $ | 540 f |
Février 2014 | 94.07$ | 655 f |
20/07/2015 | 54 $ | 622 f (Alors qu’au GHANA le prix à basse de 25%) |
27/09/2017 | 51.95 $ | – |
06/04/2020 | 20 $ | 425 f |
11/06/2021 | 73 $ | 505 f |
29/03/2022 | 120 $ | 595 f |
13/05/2022 | 117 $ | 625 f |
18/06/2022 | 120 $ | 700 f |
13/07/2023 | 75 $ | – |
10/12/2024 | 72 $ | 680 f |
Il résulte de du tableau ci-dessous, qu’il n’y a pas de corrélation entre l’évolution du prix de l’essence à la pompe à l’intérieur du pays et l’évolution du prix de baril de pétrole à l’international malgré la promesse faite depuis 2010 par le gouvernement en ce qui concerne la vérité des prix. On se demande si dans certains cas, le gouvernement n’utilise pas cette ressource comme sa vache à lait ?
Le cas du ciment et de l’huile pose un autre problème.
En effet, Togo est un pays producteur du ciment. Cependant, le ciment coûte plus cher au Togo que dans les pays limitrophes. En 2016, le Député Jean Kissi a, dans le cadre du contrôle parlementaire de l’action du gouvernement, interpellé la ministre du commerce (Mme Leguezim) sur la question du prix du ciment de l’entreprise DANGOTÉ. Selon les informations à l’époque, il s’est avéré que les autorités togolaises ont exigé à l’entreprise de vendre son produit à 84000 FCFA la tonne, au lieu de 64000 FCFA qui était prévu, pour cause de concurrence déloyale. Ce qui ne respecte pas les principes du marché de concurrence dans la sous-région ouest africaine.
À l’avènement de la Covid 19, tous les produits et biens de première nécessité ont connu une flambée de prix. Le cas de l’huile a été trop flagrant, qui est passé de 18000 à 28000 ou parfois 32 000CFA. Le paradoxe, c’est que ce bien peut être produit localement et depuis ce temps rien n’est fait en ce sens.
Ce qui illustre très bien la situation économique du pays, une économie totalement extravertie.
A ce jour, tous les indicateurs économiques et sociaux du pays sont au rouge.
- La balance commerciale (les importations – les exportations) en valeur est déficitaire de plus de 52%
- Le niveau de la pauvreté à 45% de la population alors qu’il était prévu pour être à 33%à l’horizon 2015 selon les objectifs de OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement) dont découles les DSRP( I) et DSRP (II) qui a été transformé en SCAPE.
- la dette publique est passée de 1536 milliards en 2015 à 4070 milliards en 2024 dont 2482 milliards de dette intérieure.
- Le ratio de la dette/PIB à plus de 71% alors que la norme au niveau de L’UEMOA est de 70%
- Le sous-emploi est évalué entre 28 et 32% selon les localités
- le taux de mortalité infantile est 58/1000 naissances vivantes alors que la moyenne mondiale est de 15/1000.
Tout ceci montre que, tous les programmes et politiques publiques initiés depuis 2008 ont été un véritable gâchis. Ainsi donc, la question de la responsabilité gouvernementale se pose, une gouvernance sans vision et sans rigueur, caractérisée par la corruption qui est devenue “le deuxième sport le plus pratiqué après le football au Togo”.
On note aussi, un endettement avec environ 2000 milliards de dette intérieure qui est devenu un goulot d’étranglement pour le développement économique du pays. Comme le dirait quelqu’un “même le football a échoué dans ce pays, avec cette gouvernance des incompétents et irresponsable devant le peuple” fait de l’égoïsme, l’égocentrisme et la suffisance dans la gestion du bien commun.
Dans ces conditions, la solution du Togo ne se trouve pas dans le passage de la 4e république à la 5e République. Il devient illusoire d’espérer un du changement de régime politique dans les conditions actuelles sur le niveau de vie de la population.
La récession économique à l’origine de la vie chère au Togo, est le résultat de la mauvaise gouvernance érigée en modèle depuis plusieurs années.
En tout état de cause, dans un pays où le pouvoir ne se conçoit plus comme un fondement de souveraineté, et la gestion du bien commun ne se présente pas comme un sacerdoce au profit du peuple, mais plutôt un moyen de prédation pour les vanités des politiciens véreux, la modification de la Constitution dans les conditions que nous connaissons ne peut qu’être interprétée comme une volonté de domination sans fin.
Le passage de la 4ème république à la 5ème république sonne pour nous comme une stratégie de diversion pour détourner le peuple des vrais problèmes existentiels et du développement économique du pays?
Dès lors, tout se passe dans ces conditions comme si, ceux qui sont à la tête veulent imposer une gouvernance à vie.
À quoi ressemblent les fondements de notre République aujourd’hui au Togo ?
Les fondements de notre République à tout point de vue ressemblent, point par point à une république bananière, un groupement d’intérêt égoïste, incapable de résoudre les problèmes du peuple sans aucune reconnaissance de son essence, qui est la conscience collective encadré par la sagesse transcendantale.
La question de fond est de savoir quel est le bénéfice politique, économique et social pour le peuple meurtri et désorienté sans aucune souveraineté qui a marqué l’avènement de la 5ème république ?
Après 64 ans d’indépendance dont 58 ans sous le contrôle de l’oligarchie internationale, la seule réponse à tout, c’est de rendre au peuple sa souveraineté. Il faut alors parvenir à restaurer dans l’intérêt du peuple la vraie démocratie c’est-à-dire le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple. Ce qui n’est pas le cas avec tous les manquements observés jusqu’ici.
La 5e République n’est que la consécration de la volonté de la monarchisation du Togo imposée depuis le 1963 par “la liturgie du sang et la violence comme culture politique, en violation de tous les droits. Dans ces conditions, ni la 4ème république totalement dévoyée par les multiples modifications, ni la 5ème république qui consacre la totale personnalisation du pouvoir, il ne faut s’attendre à aucun impact sur l’amélioration des conditions de vie de la population.
D’où la nécessité d’un engagement citoyen pour une vraie démocratie sur la base de l’apaisement politique et la restauration de la vraie République.
OURO-AKPO Tchagnaou
Président du mouvement Lumière pour le Développement dans la Paix (LDP)