Lettre ouverte à Monsieur le Président du Faso « L’homme fort »

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 Si vous aviez besoin de ragaillardir le zèle de vos affidés, le pari est gagné car à coups de billets et d’intimidations, vous avez été accueilli par vos « partisans »à la mesure de votre dérapage verbal ; mais pour le peuple qui a cru aux valeurs démocratiques prônées depuis des décennies, c’est la désillusion face à un homme qui montre la dernière facette de sa personnalité : un dictateur qui a rusé avec son peuple durant 28 ans.

Monsieur le président,
 
Ainsi donc, vous êtes allé de chez OBAMA, après lui avoir asséné une trouvaille issue de votre officine cdpiste : « Il n’y a pas d’institutions fortes sans hommes forts ». Si cette assertion sortait de la bouche de quelque quidam, l’on n’aurait rien eu à dire mais que ce soit de celle du président de l’un des derniers pays du classement IDH adressée à son homologue qui dirige le pays le plus puissant du monde, il y a de quoi réfléchir.Vous souvient- il ce propos tenu lors de la campagne présidentielle de 1992 : « si un homme désarmé tance du doigt son adversaire armé, ou il s’agit de parenté à plaisanterie ou alors de folie ». Monsieur Blaise COMPAORE, de quel lien vous prévalez- vous face à OBAMA pour lui faire ce pied de nez, si c’en est vraiment un ? Mais comme on le dit chez nous « c’est parce que le chien connait ses forces, qu’il avale les noix du balanitès. ».

Notre propos n’est pas de défendre OBAMA (en-avons- nous d’ailleurs la force ?) mais plutôt d’essayer de décortiquer en tant que burkinabè, conscient que les valeurs démocratiques sont universelles, les propos que vous, en tant que président sortant, vous nous adressez de façon sibylline.

En prenant le contre poids de la pensée de Barack OBAMA relative à un des piliers de la bonne gouvernance, avez- vous mesuré les conséquences sociopolitiques et économiques de cette défiance ? Si vous aviez besoin de ragaillardir le zèle de vos affidés, le pari est gagné car à coups de billets et d’intimidations, vous avez été accueilli par vos « partisans »à la mesure de votre dérapage verbal ; mais pour le peuple qui a cru aux valeurs démocratiques prônées depuis des décennies, c’est la désillusion face à un homme qui montre la dernière facette de sa personnalité : un dictateur qui a rusé avec son peuple durant 28 ans.

Monsieur le président,

Permettez- moi de vous dire que je n’approuve pas votre propension maintes fois affirmées, d’évoquer les problèmes domestiques du Burkina, dans les medias notamment occidentaux. Accordez- vous si peu de crédit à la « TéNéBreuse » et ses confrères locaux ? Si vous vous adressez à nous de l’extérieur, nous de l’intérieur, ne pouvons qu’accorder peu d’importance à vos propos. Dans le monde entier, vous êtes sans doute le seul à le faire, en dehors de certains qui ont du recourir à ce procédé parce la situation la leur impose (exil, maladie, etc.). Et cette fois, vous avez choisi le jour de la commémoration de la proclamation de l’indépendance pour le faire ; est- cela une des facettes de vos convictions de démocrate ?

Monsieur le président,

Vous n’avez jamais été démocrate, vous vous en êtes autoproclamé. Aujourd’hui, le masque tombe. On ne devient pas démocrate, on nait démocrate.

Le dirigeant démocrate, c’est celui qui accorde un respect et déférence à son peuple de qui, il tire la source de son pouvoir. Plutôt que de dire les « gbè » à OBAMA, vous êtes allé « verser notre figure par terre ». Vous avez fait la preuve que vous nous avez toujours considéré comme des sujets et non des citoyens, que c’est par la terreur que vous avez maintenu le Burkina dans la stabilité et non la force des institutions. Vous êtes un « pangsoaba » au sens le moins vertueux du terme. Votre force s’explique t-elle :
– par la présence de votre garde prétorienne (le RSP et autres aventuriers), prête à tout pour taire toutes les voix discordantes significatives ?
– par plus 27 ans à coups de ruse et de violence politique ?
– Par le musèlement de la justice qui vous sert aujourd’hui de marche pied afin d’apporter toute forme de légalisme aux violations flagrantes de la constitution et des droits humains ?
– par les sommes immenses des caisses de l’Etat « à votre disposition » ou des opérateurs économiques qui vous sont redevables que vous utilisez pour acheter la conscience de certains manants et intellectuels pervertis ?
– par votre capacité de jouer au sapeur pompier pyromane dans les pays voisins et d’inspirer la crainte au lieu de la courtoisie et d’un respect réels ?
– par votre capacité à prendre des engagements vis-à-vis de votre peuple le matin et vous dédire le soir et puis « ya rien » ?

Je pourrais aligner autant d’argument de la force négative que vous avez dégagée depuis 1987 mais, est ce vraiment la peine ? De toute façon, nul n’est éternel. Le temps passe et fera son effet sur votre chaise présidentielle. L’alternance se fera.

Monsieur le président,

– Au Burkina, nous n’avons pas besoin d’un homme fort mais d’un grand homme au sens strict du terme. Pour nous, la grandeur d’un homme se traduit par : sa capacité à avoir une vision pour son pays et d’en tracer les sillons ;
– Son respect de la parole donnée et des valeurs universelles de démocratie et de libertés pour lesquelles beaucoup de nos compatriotes sont morts ;
– Son engagement à mettre les intérêts supérieurs du peuple au dessus de tout et surtout, avant le sien ;
– Sa volonté de se soumettre quelles que soient les circonstances, aux textes fondamentaux de notre pays ;
– Sa capacité à fédérer les diversités du pays afin d’en extraire une quintessence salvatrice pour l’ensemble du pays ;
– L’humanisme et le don de soi qui doivent animer ses actions ;
– Son refus de la gestion clanique et familiale d’un Etat moderne ;
– Sa contribution désintéressée à la résolution des conflits de la sous région ;


N’KRUMAH, KENYATTA, MANDELA, KONARE, DIOUF sont de la catégorie des grands hommes ; ils sont des symboles de ceux que l’Afrique a de meilleurs comme hommes politiques ;

KADDAFI (en fait, pouvons- nous savoir pourquoi les écriteaux sont entrain d’être arrachés sur l’avenue portant son nom ?), MOBUTU, EYADEMA, BEN ALI, MOUBARAK ont été des hommes forts ; on sait ce qui est advenu d’eux ; ils ont même été ou sont entrain d’être chassés de la mémoire de leur peuple.

Monsieur le président COMPAORE, il vous reste à faire votre choix : être un grand homme ou un homme fort ?

Nul ne conteste votre contribution au développement du pays même si dans la gorge de chacun, demeure l’arête difficilement « avalable », de l’atteinte aux droits de l’Homme (meurtres, assassinats, enlèvements etc.) dont vos proches ont été les exécutants. En 27 ans de pouvoir (vous êtes le 6e président en 54 ans d’indépendance et vous seul, totalisez 27 soit plus de la moitié), vous avez ajouté la terre à la terre, souvent en y mélangeant du sang pour vous y maintenir. Aujourd’hui, nous voulons passer à une autre étape.

Monsieur le président,

L’actualité engendre des hommes forts mais l’histoire crée de grands hommes. Vous êtes à la croisée des chemins : « that’s the question ». Vous avez « donné » des leçons de démocratie aux autres, il est temps d’en recevoir. Peut-être (je dis bien peut-être) votre force vous permettra de régner sur les cadavres de vos compatriotes sous la forme de « lenga » ou de pouvoir à vie, mais vous serez alors perçu comme le plus grand dictateur que le pays ait connu car, si votre conviction est faite que vous y irez à l’encontre de la constitution, donc du consensus populaire, il est évident que le peuple (et non ces indigents politiques qui vous entourent) saura vous donner une réponse à la mesure de sa force. Oui, le peuple est fort mais pas l’homme, encore moins un chef d’Etat d’une société moderne.

Pour terminer, vous auriez remarqué que le terme homme fort ne s’applique jamais au pays véritablement démocratiques mais au pays africains (chantres de la démocratie bananière). Ainsi, vous n’entendrez jamais parlé de l’homme fort des USA, de la France ou de l’Allemagne mais dans le cadre de l’Afrique, comme pour lui donner toute sa connotation inique, cynique et ironique, on l’affuble à nos gouvernants (homme fort du Burkina, du Congo, du Togo…).

Monsieur le président,

Ceci n’est que la voix d’un homme faible qui pense se faire entendre par un homme qui se proclame fort. Puisse le seigneur vous inspirer dans votre pensée, pour le bien du Burkina.

Rakiss NIBOUIDA 

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