Les solutions de « CECI » pour des élections sans grabuges au Togo !

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Les élections sont trop importantes pour être confiées à des amateurs et partisans politiques. C’est ainsi que réagissait un expert en matière électorale qui en avait marre des querelles partisanes entre partis politiques sur la composition et la nomination des membres des organes de gestions des processus électoraux au Togo et en Guinée pour ne citer que ces deux pays.

Par CECI, il faut entendre Commission Electorale Citoyenne, une initiative qui tranche radicalement avec les pratiques à la mode qui ont navigué entre Commission Electorale Nationale (CEN), Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ou Commission Electorale Autonome (CENA) en Afrique de l’Ouest francophone.

En réalité, qu’elle soit dite indépendante ou autonome, ne change pas fondamentalement la nature de ses performances et ne détermine pas la crédibilité et la transparence du processus électoral. Tout est question de volonté politique et d’acceptation du principe de l’alternance par la voie des urnes.

Tout d’abord, il faut sérieusement s’interroger sur la question de détermination du nombre de ces membres. Sur quels critères se fonde-t-on pour fixer le nombre de membres d’un organe de gestion des élections ? Tout semble indiquer que c’est l’arbitraire qui prévaut ici. Tenez, au Niger par exemple, c’est la quasi-totalité des partis politiques (65 environ) qui sont représentés, ce qui a pour conséquences de transformer cette institution en un parlement non légitimé par un vote populaire. Au Sénégal  par contre la condition pour être membre de la CENA est précisément de n’appartenir à aucun parti politique. Ailleurs, c’est un nombre qui est arbitrairement fixé. Ainsi, si le Togo fixe le nombre de membres de la CENI à 17, la Guinée en retient 25, ou encore 15 au Burkina Faso issus souvent des partis politiques et des organisations de la société civile.

Il urge donc de penser à un mode alternatif de détermination du nombre des membres des organes de gestion des élections qui se ne fonde que sur des critères objectifs et donc en fonction des tâches à accomplir par exemple. C’est en cela que l’initiative CECI peut être une alternative crédible, car elle oriente vers une professionnalisation des organes de gestion des élections.

Sans être exhaustif, nous savons déjà que la conduite des processus électoraux requiert les tâches essentielles suivantes : (i) Etudes et planification stratégique ; (ii) Logistique y compris la billetterie ; (iii) Informatisation et fichier électoral ; (iv) Opérations électorales le jour du scrutin ; (v) Sécurité et sécurisation du vote ; (vi) Exploitation, transmission et compilation des résultats ; (vii) Communication et presse ; (viii) Formation des agents électoraux ; (ix) Conseil juridique et contentieux électoral. Etc.

Une étude diagnostique pourra,  en fonction des réalités du pays déterminer avec exactitude les besoins en ressources humaines et en expertise d’un organe de gestion de chaque pays. L’idée essentielle est d’en arriver à fixer un nombre de membres (des experts dans les différents domaines retenus) qui soit en adéquation avec les tâches nécessaires à accomplir. L’équipe d’experts sera ensuite renforcée et appuyée par une autre équipe de soutien pour la gestion quotidienne de l’administration, des finances, voire de la documentation et de l’archivage numérique. Comme on le voit, il ne s’agit donc plus de fixer arbitraient le nombre des membres, mais de le faire sur la base des besoins préalablement identifiés et des tâches accomplir dans la conduite efficace du processus électoral.

Mais la principale innovation de CECI réside dans le mode de recrutement des membres. Ici l’exemple Kenya pourra faire école.

En 2008, le Kenya avec sa commission électorale constituée d’amateurs et de politiques avait basculé dans une violence jamais égalée de toute l’histoire politique du pays suite aux élections générales qui auront finalement couté la vie à un millier de personnes cette année-là. Quant à la Cote d’ivoire, la suite tout le monde la connaît : les résultats furent annoncés au Golf Hôtel  avec pour conséquences une guerre civile qui a fait moins trois milles morts.

Dans un sursaut patriotique, le Kenyan, tirant les leçons de ce traumatisme historique décide de changer radicalement de cap en optant pour un organe de gestion des élections plus professionnalisé et surtout non partisan. Le pays s’engage alors dans un mode recrutement des commissaires des plus transparents et rigoureux. Les postes à pourvoir font l’objet d’appel à candidatures pour lesquelles tout citoyen remplissant les conditions et ayant l’expertise nécessaire en matière électorale pour postuler. Des dizaines de candidatures sont enregistrées et un cabinet d’expertise en recrutement fait un premier tri et retient une quarantaine de dossiers. Ensuite viennent les interviews en tête -à- tête puis à la Télévision. Enfin les neuf membres de cet organe de gestion des élections (Interim Independent Electoral Commission-IIEC) seront finalement nommés en 2009 et s’attèlent à organiser les élections à venir.

Le moment n’est-il pas venu pour que le Togo qui aussi, a souvent connu des processus électoraux violents avec leurs lots de larmes, désolation, de morts parfois par centaines, d’emprunter une voie radicalement différente ? Toute autre réponse que par l’affirmative ne serait qu’une volonté délibérée de perpétuer la violence électorale comme arme ou moyen politique de se maintenir au pouvoir à tout prix

Pour, les prochaines élections qui s’annoncent d’ores et déjà laborieuses avec la contestation d’une partie de l’opposition, l’initiative CECI devrait être sérieusement envisagée.

Il s’agira donc de recruter par une procédure compétitive d’appel à candidature des Commissaires Nationaux selon les profils de postes préalablement identifies. Dans cette perspective, l’organe de gestions des élections devrait avoir à sa tête un Délégué Général aux Elections, dont le rôle principal, les responsabilités et les taches se limiteront à la coordination du travail de l’ensemble des Commissaires Nationaux. Chaque Commissaire National en ce qui concerne son domaine d’actions supervisera le travail des Commissaires Préfectoraux qui eux aussi seront recrutés par voie d’appel à candidature. Le Délégué Général aux Elections devrait être assister dans sa tâche par un Expert International de haut niveau, non Togolais, désigné par la Division de l’Assistance Electorale des Nations Unies et qui aura pour tâches de conseiller l’ensemble des Commissaires Nationaux, mais surtout responsable de la certification de l’ensemble du processus électoral, afin de s’assurer que chaque étape corresponde aux normes et standards internationalement reconnus.

Dans le cas d’espèce, il va falloir recruter :

(i) Un Commissaire National aux Etudes et planification stratégique, Expert en planification Stratégique et Gestion par Objectif ;

(ii) Un Commissaire National à la Logistique, expert en logistique et gestion de stocks;

(iii) Un Commissaire National à l’Informatisation et au fichier électoral, ingénieur statisticien et expert et conception et mise en place de bases de données informatisées ;

(iv) Un Commissaire National aux Opérations électorales le jour du scrutin, expert en conduite des opérations de vote ;

(v) Un Commissaire National à la Sécurité et sécurisation du vote, civil ou policier expert ayant de solides connaissances des questions de sécurité et du maintien de l’ordre ;

(vi) Un Commissaire National à  l’Exploitation, transmission et compilation des résultats, ingénieur statisticien, expert en traitement informatisé des données ;

(vii) Un Commissaire National à la Communication, expert en communication pour un changement de comportement;

(viii) Un Commissaire National à la Formation des agents électoraux, ayant une bonne connaissance des questions électorales, mais aussi de conception de module de formation et de développement de compétences ;

(ix) Un Commissaire National aux questions juridiques et contentieux électoral, spécialiste du droit constitutionnel et des lois électorales.

(x) Des Commissaires Préfectoraux pour chacun des postes retenus au niveau national.

A cet effet, un cabinet international ayant une expertise avérée en matière de recrutement devrait être sélectionné par la Division de l’Assistance Electorale des Nations Unies afin de garantir la neutralité et l’impartialité dans le processus de recrutement des fonctionnaires électoraux.

Enfin, pour s’assurer d’un nouveau départ, l’appel à candidature devra spécifier clairement que toute personne ayant déjà été membre par le passée de la CEN, CENA ou CENI et donc accusée à tort ou à raison d’avoir été impliquée dans la mauvaise organisation des élections précédentes, ne pourrait  faire acte de candidature.

Comme on le voit, l’initiative CECI ne vise  à longue échéance qu’à ramener une sérénité au sein de la classe politique et engager définitivement le Togo dans la voie de la professionnalisation de la conduite des processus électoraux, gage de l’approfondissement de la démocratie et de la consolidation de l’état de droit. Dans le court terme, elle vise à mettre défensivement fin au cycle infernal élections-violences-dialogues, puis ainsi de suite…

Michel DOUTI

Politiste, Chargé de Programme de Gouvernance Politique, Open Society Initiative for West Africa (OSIWA).

Email : michel.douti@laposte.net

Twitter: michel douti @DoutiNdouti

NB : Je m’exprime ici à titre personnelle

 

 

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