Le RDR à fond dans son éternel bouc émissaire : la nationalité

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Et le revoilà sur la scène médiatique, après avoir échappé – de justesse – au lynchage par nos jeunes frères étudiants, mécontents d’avoir été les dindons d’une farce de fort mauvais goût : une université repeinte, rien que pour la forme, l’apparence et le plaisir des yeux.

Mais avant de nous pencher sur sa sortie médiatique à proprement dite, force est de rappeler que s’il eut été de la trempe de ces démocrates soucieux de l’honneur et du sens des responsabilités, dans une république normale – au sens stricte du terme – n’aurait-il pas tranquillement démissionné, suite au scandale financier survenu dans son ministère et dont son directeur administratif et financier (DAF) fut le seul à subir les foudres du chef « ADOré » ?

Seulement voilà. Cissé Ibrahim Bacongo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est pas le dernier venu de la république « dramanienne ». Certains diront – en langage bien de chez nous – qu’il n’est pas « n’importe qui ». Cissé Bacongo fait partie du cercle très hermétique des fins stratèges du parti au pouvoir, le RDR. Il est de ceux qu’on peut appeler « une tête pensante», un idéologue. Cissé Bacongo est le juriste de service, cacique parmi les caciques du RDR, homme de main d’Alassane Ouattara, l’actuel chef de l’Etat ivoirien.

Perfidement mais surement, Cissé Bacongo a réussi à faire resurgir le débat de la nationalité en Côte d’Ivoire. Un débat qu’il a lui-même appelé : « débat sur la crise de nationalité ». D’aucuns diront qu’il a ressuscité les « vieux démons » qui agitent la Côte d’Ivoire. Selon la thèse de monsieur Bacongo : « avant l’indépendance, toutes les personnes vivant sur le sol ivoirien, qu’elles y soient nées ou qu’elles soient venues d’autres pays pour y résider, étaient soit de nationalité française, soit de la nationalité de pays étrangers indépendants, (…) sont toutes des ivoiriens à titre d’origine, parce que toutes, de nationalité française avant 1960 et présentes au moment où naissaient l’Etat de Côte d’Ivoire et la nationalité ivoirienne ». Puis il terme sa thèse sur la recommandation suivante : « Il s’agira plutôt pour chaque ivoirienne et chaque ivoirien de rattraper un oubli ou à corriger une erreur dans l’histoire de notre pays. Ainsi nous réussirons à préserver celui-ci de l’enfer qui couve toujours… ». En d’autres termes, tant que la Côte d’Ivoire n’octroiera pas la nationalité – à titre gracieux – à ces personnes et à leurs descendants désignés comme tel, il y aura toujours la « guerre » dans ce pays.

Mission partiellement réussi, pourrait-on dire. Car les réactions espérées ne se font pas attendre. Entre autres celles de juristes et de nombreuses autres personnes dont celle d’Ahipeaud Martial. La plus remarquée fut celle du professeur Hubert Oulaye. « Hubert Oulaye ferme la bouche » à Cissé Bacongo, a-t-on alors pensé du côté de l’opposition. Erreur ! Le sieur Bacongo, loin de s’avouer vaincu, opèrera – selon les dires d’un quotidien de la place – : « une riposte fatale ». « Riposte » dans laquelle le juriste en mission commanditée persiste et signe sa thèse sur une « crise de nationalité »  qui prévaudrait en Côte d’Ivoire.

En fait, il n’est pas nouveau ce débat sur la crise de nationalité en Côte d’Ivoire. Il remonte même aux origines de la crise ivoirienne. La nationalité a servi de prétexte à des rebelles pour massacrer impunément des populations civiles. Elle a servi de prétexte pour mettre le pays à feu et à sang…

Alors qu’on pensait le sujet dépassé depuis les accords de Linas Marcoussis, le voilà qui, brusquement refait surface. Avec à l’orchestration Cissé Bacongo, l’un des plus fidèles compagnons d’Alassane Ouattara, aujourd’hui au pouvoir. A quelles fins ?

Une démarche politique, un dessein inavoué

Ne nous y trompons pas. La démarche inopinée de Cissé Bacongo, fait partie d’une stratégie purement politique et savamment planifiée. Malgré ses airs de débat juridique dont l’auteur le réclame. Certains juristes affirment d’ailleurs à ce sujet : « que la nationalité ne saurait être réduite uniquement à une notion juridique ».

Le débat de nationalité tel qu’initié par Cissé Bacongo, donc par le régime en place, fait bel et bien partie d’une stratégie dont les desseins sont à aller chercher ailleurs que sur le terrain purement juridique. En effet, cela relève avant tout d’une démarche politiquement machiavélique. La même que celle entreprise par la rébellion de 2002. Là, on avait – dit-on – pris les armes parce qu’on se sentait victimes d’un problème de nationalité. Ici et aujourd’hui, on se sert du même argument pour des visées purement politiques, notamment électoralistes.

En ces temps où les conditions de vie des hommes se dégradent de plus en plus, compte tenu d’une récession économique de plus en plus généralisée dans la plupart de nos Etats africains et même dans des pays dit industrialisés, qui ne rêve pas de jouir des avantages et privilèges accordés aux citoyens d’un tiers pays, plus nanti ? Notamment un pays aux immenses ressources naturelles, telle que la Côte d’Ivoire ? N’est-ce pas là l’une des principales causes de l’immigration dans le monde ? Ils sont rares les étrangers immigrés, fils d’immigrés en Côte d’Ivoire qui oseraient « cracher » sur la nationalité à eux offerte, à titre gracieux, comme le préconise le pouvoir d’Alassane Ouattara. Et Dieu seul sait le véritable nombre d’immigrés étrangers que regorge la Côte d’Ivoire. Mais en « dramanie », parler ainsi vaut d’être traité « d’ivoiritaire » ou de xénophobe. Alors qu’un simple coup d’œil dans ce qui passe dans les autres pays – en la matière – singulièrement dans les pays voisins à la Côte d’Ivoire, laisse croire que la Côte d’Ivoire seule demeure le pays où l’intérêt de l’étranger passe avant celui du national lui-même.

Inutile d’imaginer l’aubaine que constituerait ce « vivier électoral » en Côte d’Ivoire, pour tout politicien qui réussirait un tel coup. Mais le danger, le plus grave est là, permanent. C’est cette instrumentalisation des nordistes et des étrangers au détriment du reste des peuples de Côte d’Ivoire. C’est ce que certains ont appelé « la manipulation en psychologie de groupe ».

Un faux débat

Comme toujours, le RDR et Alassane Ouattara mènent en bateau les ivoiriens. Et ce, depuis bientôt près de 20 ans: créer de faux débats et espérer les faire passer pour les véritables problèmes, les problèmes de fond que connait la Côte d’Ivoire. Mais encore ? Bien évidemment, pour le pouvoir et rien d’autre. Ici, il s’agit notamment du débat sur une supposée crise de nationalité.

Alors questions : le nord a-t-il un problème de nationalité ? Les étrangers vivants sur le sol ivoirien et pour certains, depuis des lustres, ont-ils un problème de nationalité ? S’agit-il en fait et vraiment d’un problème ou d’une crise de nationalité comme annoncé ?

Certes les richesses que regorge la Côte d’Ivoire attirent et excitent les convoitises. Il s’agit donc ici de mettre en place une politique d’intégration, de protection des étrangers et de leurs biens, sans pour autant dépouiller l’ivoirien de ses avantages et privilèges de citoyen. Aujourd’hui encore le problème de fond autour duquel doit avoir lieu le véritable débat n’est point celui de la nationalité, mais bien celui du développement économique et social qui profite à tous les ivoiriens sans exclusive et par ricochet aux étrangers vivants sur leur sol. Mais cela ne saurait se faire sans une réconciliation réussie et durable.

Seulement, peut-il y avoir développement économique et social sans chercher à construire une unité nationale et une cohésion sociale fortes au sortir d’une crise aussi grave que celle de la période postélectorale ? Le problème est donc là et nulle part ailleurs. C’est celui de l’intrusion des armes comme argument en politique, de la justice sélective et du rattrapage ethnique comme modes de gouvernement.

Le débat sur une prétendue crise de nationalité, n’est donc en définitive qu’un bouc émissaire, un piédestal pour justifier des objectifs électoralistes. Il n’a rien à avoir avec les réelles préoccupations de l’ivoirien qui lui, cherche plutôt à se sortir de l’étau de la misère et du chômage qui l’étreint de jour en jour ; l’ivoirien qui se demande bien comment il arrivera à toujours manger convenablement et à sa faim, à se soigner sans se saigner ; l’ivoirien qui se demande plutôt comment  il pourra vivre dans un environnement apaisé, sans haine ni violence, en harmonie avec ses concitoyens et ses voisins… Cet ivoirien-là, ne se sent pas concerné par ce faux débat. Il ne veut plus vivre dans la hantise que dans son dos, des politiques aux desseins ténébreux, sont en train de tripatouiller les lois que le peuple s’est librement donné, pour se maintenir au pouvoir.

Dans une telle perspective, le plus difficile reste quand même à venir: les ivoiriens sauront-ils faire preuve de sursaut national  – en temps opportun – pour faire échouer, cette machination, ce plan diabolique tout droit sorti des laboratoires des « républicains » et qui, hélas n’a pas encore dit son dernier mot ?

Marc Micaèl La Riposte

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