Le panafricanisme ne sera jamais le pneu secours des dictateurs valets ! [Par Farida Bemba Nabourema]

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Ces dernières années, les masses africaines se sont soulevées dans plusieurs pays pour dénoncer le laxisme de leurs dirigeants face à la montée de l’insécurité et de la pauvreté qui découle vraisemblablement de leur mauvaise gouvernance et corruption, mais surtout d’un véritable manque de volonté politique à protéger et défendre leurs peuples contre les systèmes impérialistes ayant maintenu l’Afrique sous le joug des puissances de ce monde.Notre continent subit depuis plusieurs décennies toutes formes d’abus, où chaque puissance se permet, au travers des multinationales, des agences dites de développement et des institutions dites multilatérales, d’imposer leurs choix, même si ces derniers nuisent à l’épanouissement des peuples africains.
Des années durant, les supporteurs, pour ne pas dire les laquais, de ces systèmes néocolonialistes, manipulés par ces nations qui dictent grâce à leur force militaire et monétaire ce que doit être la politique africaine, se sont farouchement opposés aux nationalistes et panafricanistes qui, eux, avaient compris très tôt que l’Afrique était, est et demeurera perdante dans les relations qui nous lient à ces puissances, fondées sur l’accumulation d’une dette excessive à des taux d’intérêts surréalistes, la militarisation du continent et son corollaire de violence, ainsi que l’exploitation effrénée de ressources minières et des terres pour une agriculture de rente ne profitant quasiment pas aux populations africaines, mais qui nous exposent à de graves pollutions aux crises environnementales, alimetaires et sécuritaires .
Le panafricanisme, tel qu’incarné par une forte partie des premiers dirigeants du continent, a été écarté des cercles du pouvoir par des coups d’État répétitifs et le déploiement d’une politique extrêmement répressive contre leurs militants, qui ont été pourchassés, persécutés, torturés voire assassinés dans de nombreux pays africains dirigés par les laquais des puissances impérialistes. Toutefois, l’ère de l’internet a favorisé une restructuration des mouvements panafricanistes, et l’échec des dirigeants soumis à fournir un minimum de confort à leur peuple a favorisé une véritable renaissance du panafricanisme, dans lequel la nouvelle génération de jeunes Africains que nous sommes se retrouve.
Le mouvement panafricaniste offre une porte de sortie à ce cycle systémique de pillage qui caractérise la gouvernance en Afrique et affirme une identité africaine proposant une révolution économique, politique et culturelle. La propagande utilisée pour désinformer les populations africaines sur le panafricanisme vise à présenter ses militants comme des extrémistes anti-blancs et anti-occidentaux, nourrissant une haine viscérale sans fondements scientifiques contre ceux-ci voire des belliqueuxs et des va-t-en guerre. Eh pourtant, ceux qui pourchassent les militants panafricanistes, les espionnent, les embastillent et les assassinent, ce sont bel et bien les dirigeants serviteurs des puissances impérialistes. Les panafricanistes sont ainsi réduits au rang de charlatans n’offrant rien de plus que des émotions.
Cependant, lorsqu’on étudie l’histoire du panafricanisme, qui est né dans la diaspora africaine sous l’impulsion de Marcus Garvey, aucun courant politique africain n’a été aussi instruit que celui des panafricanistes. La plupart des leaders panafricanistes d’Afrique et de la diaspora étaient des personnes hautement éduquées : des professeurs d’université tels que Julius Nyerere, Kwame N’krumah des écrivains érudits comme W.E.Dubois ou Frantz Fanon, des ingénieurs agronomes comme Amílcar Cabral, des scientifiques comme Cheikh Anta Diop, des historiens comme Walter Rodney, pour n’en citer que quelques-uns. Comparer le degré de culture, le charisme et la clarté du discours des leaders panafricanistes aux marionnettes qui ont été armées pour les assassiner et prendre le pouvoir par la force est tout simplement risible. Nos ennemis ont chassés et tué des Olympio pour les remplacer par des étourdis comme Eyadema Gnassingbé, ils ont tué un orateur érudit et brillant homme politique comme Patrice Lumumba pour inféoder des psychopathes tels que Mobutu Sese Seko, intronisés des clowns tels que Jean Bedel Bokassa pour ne citer que ces cancres, tellement la liste est longue.
Les masses africaines ne tombent plus dans le piège de la désinformation et de la manipulation que leurs oppresseurs leur ont servis pendant des décennies, et elles manifestent aujourd’hui un attachement très fort à cette doctrine qui prêche l’unité, la liberté, la souveraineté et la prospérité des peuples africains et descendants d’Afrique. Face à la montée en puissance du panafricanisme, et incapable de le salir à nouveau, les ennemis de l’Afrique ont décidé de se draper dans son manteau pour sauver leurs régimes agonisants. Ainsi, nous voyons des régimes militaires sanguinaires tels que ceux des Bongo au Gabon ou des Gnassingbé au Togo, des Biya au Cameroun qui pendant des décennies ont participé et aidé la France à piller et ruiner leurs pays, se revendiquer aujourd’hui panafricanistes. Qu’elle est amère cette blague: aux niais de l’avaler!
Les récentes sorties de ces criminels visent à surfer sur la vague de soutien dont bénéficient les régimes militaires qui ont récemment renversé des gouvernements pro-occidentaux, comme au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. On pourrait donc se demander ce qui motive ces dirigeants pilleurs qui ont longtemps été les gardiens des temples coloniaux. En réalité, ils se sont rendu compte que leurs maîtres deviennent de plus en plus impopulaires, tant dans leurs propres pays qu’en Afrique, où les peuples les désavouent. De plus, la crise économique actuelle risque une fois de plus de plonger nos états dans les griffes du Fond Monétaire Internationale (FM)I, avec des politiques économiques d’austérité qui resserreront davantage l’étau économique sur des populations déjà appauvries, à bout de souffle et au bord de la révolte. Tous les ingrédients sont donc réunis pour replonger ce continent dans des soulevements populaires et des prises de pouvoir non conventionnelles dont ces dirigeants avaient auparavant profité pour s’emparer du pouvoir et consolider leurs régimes.
Au sein des armées africaines, le sentiment de ras-le-bol est aussi partagé par de nombreux militaires, et une nouvelle génération comprend de plus en plus les jeux des puissances étrangeres qui les utilisent comme des mercenaires pour combattre et mourir dans des guerres ne les concernant pas. À cela s’ajoute une jeunesse plus unie que jamais, informée et déterminée à mettre fin au cycle de la pauvreté et de la dictature imposée par les régimes fantoches. Ainsi, le panafricanisme devient pour les dirigeants despotes, impopulaires et dedaignés par leurs peuples, ce que la démocratie a été pour leurs prédécesseurs au début des années 90, lorsque la balance géostratégique s’était penchée en faveur de l’Occident avec la chute du mur de Berlin: un pneu secours!
Ces dirigeants enfilent rapidement le costume du panafricanisme pour se présenter comme des libérateurs et faire croire qu’ils embrassent cette doctrine et se tiennent du côté du peuple.
Si nos aînés eux, sont tombés dans le piège de ces entrouloupes au début des années 90, lorsqu’on leur faisait croire que le multipartisme garantirait la démocratie et la liberté des peuples à s’autodéterminer et qu’ils ont subdivisé leurs mouvements de libérations en des partis politiques tous aussi impuissants les uns que les autres, notre génération elle, ne se fera pas aussi facilement avoir.
Le panafricanisme n’est pas une session de rattrapage pour les nationalistes opportunistes qui prétendent se réveiller d’un coma dont ils sont eux-mêmes les acteurs. Notre génération ne se laissera pas manipuler et endormir par ces dirigeants aux convictions volatiles, à la morale frelatée et aux vertus transparentes qui prétendent défendre nos intérêts le jour, mais qui dînent avec nos ennemis la nuit et planifient notre exécution. Ces dirigeants criminels doivent être certains d’une chose : pour le meurtre de nos frères et sœurs de lutte, le pillage et l’appauvrissement de nos nations, la confiscation de nos indépendances durement acquises par nos grands-parents au prix de leur sang, ils paieront avec intérêts. Les beaux discours et les pièces théâtrales n’amusent et n’impressionnent personne.
Ils peuvent être sûrs d’une chose : les véritables panafricanistes sont d’excellents élèves de l’histoire, et ce que nous avons de la notre est de ne jamais avoir confiance en nos ennemis surtout quand elle agonise. La traîtrise ne se rattrappe pas quand on est en guerre alors vous répondrez de la votre vis-à-vis de ce peuple.
Farida Bemba Nabourema
Citoyenne Africaine Désabusée!
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