Laurent Gbagbo déténu sans charge : Flashback sur une journée d’audience pleine d’émotions !

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Il fait gris et froid à la Haye. En arrivant devant la CPI, sinistre bâtiment entièrement recouvert, tel un spectre, d’un carrelage blanc, le froid s’accentue. Je me dis que ce lieu n’est décidément pas fait pour les Africains. Pourtant, c’est là que se joue le sort d’un des plus illustre fils du continent.

Après une courte hésitation, je me décide à pénétrer le bâtiment afin de voir de mes propres yeux, le sort que la “communauté internationale” réserve à l’Afrique, quand celle-ci à l’outrecuidance de se mettre debout.

Première surprise, les policiers et vigiles sont d’une extrême courtoisie. La réceptionniste me demande si je suis là pour le procès Gbagbo ou le procès Bemba. Devant ma perplexité, elle sourit discrètement et murmure: “Gbagbo évidemment…Vous pouvez monter au deuxième étage”

Contrairement à l’extérieur du bâtiment, la salle d’audience est recouverte d’une boiserie beaucoup moins austère. Malgré mes précautions pour ne pas perturber l’audience déjà en cours, je ne puis m’empêcher de faire du bruit. Soudain, je sens un regard se poser sur moi. Levant la tête, mes yeux croisent ceux du président Gbagbo. Il semble étrangement serein et répond à mon discret salut par un hochement de tête. Il a bonne mine et malgré sa detention, il reste d’un charisme époustouflant.

L’audience continue comme elle a commencé quelques jours plus tôt, avec une défense extrêmement bien préparée et un bureau du procureur brouillon et mal à l’aise. On est gêné pour Fatou Bensouda et on se demande pourquoi elle se fait assister par des juristes aussi médiocres. Les avocats de Gbagbo s’emploient méticuleusement à démonter tous les arguments de l’accusation, rappelant de temps en temps l’énorme bourde de la procureure qui, quelques jours plus tôt, avait présenté des images montrant des crimes commis au Kenya en affirmant que les images avait été tournées en Côte d’Ivoire!!!  Au fur et  à mesure des démonstrations, les substituts de la procureure se font de plus en plus petits. Comment ont-ils pu bracler a ce point le dossier d’accusation?

Mais progressivement, en écoutant les arguments de la défense, je me rends compte que le dossier n’a pas été bâclé. Il est plutôt complètement vide. La procureure a fait de son mieux pour le remplir mais à l’impossible, nul n’est tenu. D’ailleurs, après l’audience d’ouverture, Madame la Procureure (le mot existe maintenant en français… il suffit de mettre un “e” à la fin ; dixit Gbagbo) a déserté le tribunal. Est-ce un signal codé qu’elle a envoyé pour dire au monde entier que même si elle s’est livrée à une sorte de prostitution intellectuelle en acceptant le dossier Gbagbo, elle gardait un minimum de dignité? Est-ce pour cela que le 26 février, alors que le procès du prisonnier le plus célèbre de la Cour Pénale Impérialiste (CPI) bat son plein, Fatou Bensouda donne une conférence à l’Université de Trento en Italie, à mille lieues de la Haye ? D’ailleurs, à la veille de la clôture de l’audience de confirmation des charges, madame la Procureure donnait une interview à Jeune Afrique (le journal de la Francafrique) au lieu de venir développer ses arguments devant les juges de la CPI.

Soudain, j’entends l’un des avocats de Gbagbo demander au greffier de passer une vidéo. Après 2mn40s, Guillaume Soro apparait dans toute sa splendeur sur les écrans. Il s’avance vers des rebelles en armes alignés dans les jardins du Golf Hôtel d’Abidjan. Ses instructions sont claires:

« Soldats, militaires je vais à la radiotélévision Ivoirienne pour installer le nouveau directeur général de cette télévision, parce que le Président de la République me l’a demandé. Vous devez vous tenir prêt. Donc , il faut que vous vous mobilisiez. Jeudi, nous allons à la télévision. Je compte sur vous.”

Puis surgit des rangs l’un des chefs rebelles qui lance à ses troupes:

« Comme tous les deux patrons ont déjà parlé, nous on a rien à dire encore. Donc il faut qu’on soit prêt pour le jeudi. A 8heures, rassemblement à la piscine avec tous vos équipements militaires de combat. L’amusement est fini! »

Je regarde la date à laquelle cette scène surréaliste est filmée : le 15 janvier 2010 !

http://www.youtube.com/watch?v=Hy3aj3zUniw

La vidéo fait voler en éclat l’un des quatre chefs d’inculpations qui stipulait que Gbagbo a fait tirer sur une foule désarmée de partisans d’Alassane Ouattara lors d’une marche pacifique vers la RTI le jeudi 16 janvier 2010. On se regarde dans la salle d’audience avec étonnement. Puis je regarde de nouveau le Président Gbagbo qui fait une grimace comme s’il voulait dire “ regardez vous-même; moi je ne parle plus….”

18 heures. L’audience est levée. Je sors de la salle avec quelques frères et amis ivoiriens. Parmi eux, l’infatigable Ben. Je le sens plus que jamais déterminé à mener le combat pour la libération de son Président. Je lui annonce que je ne pourrai pas être à l’audience du lendemain mais que mon compatriote Marcus prendra la relève. On a tout prévu ! Apres les accolades d’usage, on se sépare sans avoir pu se mettre d’accord s’il fallait considérer la CPI comme étant une Cour Pénale Impérialste ou une Cour Pénale pour Indígènes.

La nuit tombe sur la Haye. Au fond de moi, je sais que l’Histoire est en marche. Cette certitude se renforcera en écoutant deux jours plus tard le message mémorable du Président Gbagbo.

http://www.youtube.com/watch?v=kITw7o8xK34

Trois mois plus tard, le 03 juin, le verdict tombe : Les juges refusent de confirmer les charges contre le Président Gbagbo. Mais malgré tout, ils le maintiennent en détention ! Le contraire aurait d’ailleurs été surprenant vu que ce procès reste éminemment politique. Une lueur d’espoir point cependant à l’horizon. Je ne puis m’empêcher de penser à la citation de Sylvanus Olympio,  un autre digne fils du continent : La nuit est longue mais le jour vient !

Il fait beaucoup moins froid à la Haye….

Gbati ZOUMARO

Coordinateur du CRI-TD

PS : Le CRI-TD est et reste résolument engagé, aux côtés de diverses organisations Ivoiriennes dans le combat pour la libération de Laurent Gbagbo.

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