Des heurts entre jeunes et policiers ont aussitôt éclaté dans la région de Kisumu, bastion de M. Odinga dans l’ouest du pays, faisant au moins deux blessés par balles, a constaté un journaliste de l’AFP, avant que les manifestants soient dispersés en début de soirée.
Un responsable de la police à Kisumu a de son côté fait état, sous le couvert de l’anonymat, de trois personnes blessées par balles par des policiers.
La police, qui avait prévenu qu’elle n’accepterait aucun débordement après la décision de justice, a également dispersé en fin d’après-midi à coups de gaz lacrymogènes environ 200 jeunes partisans du candidat battu qui défilaient aux cris de « Raila, Raila » dans le centre de Nairobi.
Des incidents et des tensions ont également été rapportés dans des bidonvilles, fiefs de M. Odinga dans la capitale kényane. Le chef de la police de Nairobi a annoncé l’envoi de renforts dans ces quartiers, évoquant des « affrontements » sans plus de précision.
Les six juges de la plus haute juridiction du Kenya ont douché samedi les derniers espoirs de M. Odinga, en estimant à l’unanimité que ce dernier avait perdu à l’issue d’un scrutin « libre, équitable, transparent et crédible », selon le président de cette cour, Willy Mutunga.
La Cour suprême, à qui le Premier ministre sortant en avait appelé après sa nette défaite face à M. Kenyatta, a jugé que ce dernier et son colistier William Ruto « avaient été valablement élus » président et vice-président.
Cette décision n’est susceptible d’aucun recours, rendant le résultat de la présidentielle définitif et ouvrant la voie à l’investiture de M. Kenyatta, prévue le 9 avril.
M. Odinga a reconnu sa défaite, et « souhaité bonne chance au président élu Uhuru Kenyatta », 51 ans, fils du premier président du Kenya et l’un des hommes les plus riches d’Afrique.
Félicitations occidentales
« La Cour suprême a parlé », et « jeter le doute (sur cette décision) mènerait à l’instabilité politique et économique », a fait valoir M. Odinga. L’annonce de sa précédente défaite, alors face au président sortant Mwai Kibaki en décembre 2007, avait débouché sur les plus graves violences au Kenya depuis l’indépendance (plus de 1.000 morts et 600.000 déplacés).
« Bien que nous puissions ne pas être d’accord avec la totalité (du jugement), notre foi dans le constitutionnalisme est (notre valeur) suprême », a poursuivi le Premier ministre sortant.
Le président français François Hollande et le Premier ministre britannique David Cameron, ainsi que la Commission européenne, ont félicité samedi M. Kenyatta, ce qu’ils s’étaient abstenus de faire en attendant l’issue du recours en justice, contrairement à la Chine et à de nombreux pays africains.
MM. Kenyatta et Ruto sont poursuivis par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité pour leur participation présumée aux violences ayant suivi le précédent scrutin présidentiel de décembre 2007. Plusieurs ambassadeurs européens, dont le français et le britannique, avaient fait savoir avant le scrutin qu’ils limiteraient aux « contacts essentiels » leurs relations avec M. Kenyatta s’il était élu.
La Commission électorale kényane (IEBC) avait proclamé le 9 mars M. Kenyatta vainqueur avec 50,07% des suffrages au premier tour et 8.000 voix seulement au dessus de la barre de la majorité absolue des votants exigée par la Constitution.
Le camp Odinga et les associations requérantes arguaient d’irrégularités dans la liste électorale, lors du scrutin et de son dépouillement.
Les arguments de la Cour n’ont pas été dévoilés dans l’immédiat. « Le jugement détaillé contenant les raisons de la décision de la Cour sera publié dans les deux semaines », a expliqué son président.
Le scrutin et la proclamation des résultats de la présidentielle du 4 mars se sont déroulés sans incident notable, démentant les craintes d’une répétition des terribles violences sur lesquelles avait débouché la précédente présidentielle.
La décision de la Cour, créée par la Constitution de 2010, était guettée avec énormément d’attention au Kenya et perçue comme un test pour cette institution à la réputation encore intacte dans le pays, selon les analystes.
« En ce moment historique, la Cour suprême a rempli son devoir constitutionnel. C’est désormais au peuple kényan, à ses dirigeants, à la société civile, au secteur privé et aux médias de remplir le leur, afin de garantir que l’unité, la paix, la souveraineté et la prospérité de cette nation soient préservées », a déclaré M. Mutunga après lecture de l’arrêt de la Cour.
Les audiences de la Cour, devant laquelle les avocats des camps Kenyatta et Odinga, des associations requérantes et de l’IEBC avaient exposé arguments et contre-arguments, avaient été retransmises en direct et en intégralité sur plusieurs chaînes de télévision et largement suivies dans le pays.
Afp