La France est la cause du retard économique des pays africains

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La France a des relations très complexes avec  le continent africain. Il revient très souvent dans l’opinion africaine, le sujet concernant le « Pacte colonial ». D’ailleurs, du côté français, le sujet n’est pas occulté puisque la politique africaine de la France est aujourd’hui encore en transition, tiraillée entre des options qui n’ont toujours pas été tranchées et qui témoignent de l’incapacité des autorités françaises à s’adapter à l’évolution des sociétés africaines du XXIe siècle. Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir en France, le pacte colonial entre la France et ses anciennes colonies a pris une dimension à tel point qu’il n’est pas redondant d’en parler. Le sujet est donc actuel.

Commençons donc par définir ce que recouvre le concept de « pacte colonial ». En économie politique, le pacte colonial est un système élaboré pour régler les relations douanières entre les colonies et les puissances européennes, par lequel le marché colonial est réservé à la métropole et le monopole du pavillon est réservé à la marine métropolitaine.  Ce pacte qui été signé entre la France et les premiers présidents africains, juste après les indépendances, est une convention par laquelle les premiers présidents, se considérant comme les propriétaires de nos ressources naturelles, se proposaient de les vendre à la France, en échange d’une longévité au pouvoir. Nous proposons en termes de méthodologie de revenir sur les fameux accords de défense entre la France et ses anciennes colonies. Ce sera le premier point à discuter. Une des conséquences de ce pacte est le contrôle que la France exerce sur les économies africaines. Ce sera le second point de notre discussion. Faisant suite à cette présentation, nous constaterons que le pacte colonial retarde le développement des pays africains. C’est donc le troisième point à rappeler. Finalement, nous terminerons cette discussion par un appel pressant des africains à sortir de ce pacte par tous les moyens afin d’entrer dans la mondialisation appropriée.

1.1.     Les accords de défense entre la France et ses anciennes colonies

Nous ne ferons pas ici une thèse sur l’historique du pacte colonial, nous rappelons seulement ses traits saillants.  Dès 1960,le Général De Gaulle  cherche à improviser des structures pour les petits États nouvellement indépendants, chacun avec un drapeau, un hymne et un siège aux Nations Unies. Aidé par  Foccart, l’architecte d’une série d’accords de Coopération avec chacun des nouveaux États dans les secteurs des finances et de l’Économie, de la culture et l’éducation, et de l’armée, le pacte colonial va se construire. Cet ensemble fut placé sous un nouveau Ministère de la Coopération, créé en 1961, séparé du Ministère des Affaires des Départements et Territoires d’Outre-mer (connus sous le DOM-TOM) qui les administraient tous auparavant.

L’élément essentiel de ce dispositif est l’accord signé entre la France et ses anciennes colonies. Cet accord ou ce pacte va embrigader ces anciennes colonies dans l’étreinte économique et militaire de la France. Ce pacte colonial non seulement créa l’institution du franc CFA, mais aussi, il créa un mécanisme légal sous lequel la France obtint une place de choix dans la vie économique et politique de ses colonies.

Pour aller vite, disons que les accords du Pacte colonial garantissent une préférence spéciale à la France dans les processus politiques, commerciaux et de la défense dans les pays Africains.  Les anciennes colonies doivent  satisfaire la France  en mettant à sa disposition les ressources naturelles et minières nécessaires au fonctionnement de son économie et ce n’est qu’après que les anciennes colonies peuvent espérer satisfaire les besoins de leur économie.

Selon l’Annexe II de l’accord de Défense signés entre les gouvernements de la République Française, de la République de Côte d’Ivoire, de la République de Dahomey et de la République du Niger le 24 Avril 1961, « la France a la priorité dans l’acquisition de ces « matières premières classés comme stratégiques ». En effet, selon l’article 2 de l’accord, la République Française informe régulièrement la République de Côte d’Ivoire (et les deux autres) de la politique qu’elle compte adopter concernant les matières premières et les produits, en tenant compte des besoins généraux de la défense, de l’évolution des ressources et la situation du marché mondial ».

Au niveau de la défense, il accepta deux sortes de contact continuel. Le premier était l’accord militaire ouvert sur la coopération militaire ou les accords d’Aide Militaire Technique (AMT), qui n’étaient pas légalement contraignantes, et pouvaient être suspendus selon les circonstances. Ils couvraient l’Éducation, la formation des soldats et des forces de sécurité Africaines. Le second type, secret et contraignant, consistait en des accords de défense supervisés et conduits par le Ministère de la Défense Français, qui servait de base légale pour des interventions Françaises. Ces accords permirent à la France d’avoir des troupes pré-déployées en Afrique ; en d’autres termes, des Unités de l’armée française présentes de façon permanente sur une base rotative dans des bases et des camps militaires en Afrique, entièrement gérées par les Français.

Cette pratique qui consiste à piller les ressources naturelles et minières des pays africains en échange de la protection que la France accordait aux présidents africains dociles, était encadrée par l’article 5 des accords :« Concernant ces même produits, la République de Côte d’Ivoire (et les deux autres), pour les besoins de la défense, les réserve en priorité pour la vente à la République de France, après avoir satisfait aux besoins de la consommation interne, et ils importeront ce dont ils ont besoin prioritairement de la France. »

C’est donc par la force que la France se présente sur le marché mondial des biens et services, elle ne peut rien avoir dans un système concurrentiel.

Au nom du pacte colonial, la France prit possession des économies africaines, elle contrôla les matières premières stratégiques de pays africains, elle posta des troupes dans ces pays avec le droit de libre circulation ; elle exigea que la formation de l’armée et de la police soient une affaire française. Elle exigea que les hommes d’affaire français soient autorisés à avoir le monopole des entreprises dans des secteurs clés (Eau, Electricité, Ports, Transports, Energies, etc.).

Ces accords de coopération et de défense, doivent être respectés comme des écrits saints car quiconque de ces « prétendus » chefs d’état africains francophones oserait les remettre en cause ou les dénoncer  serait au mieux débarquer ou au pire assassiner. Les exemples sont légions, allant du président Youlou(Congo-Brazzaville) débarqué en 1963, à Laurent Gbagbo, en passant par Patrice Lumumba,Thomas Sankara, Lissouba et autres.

Finalement, il s’agit pour la France de maintenir son contrôle sur les économies des Etats Africains.

1.2.     Le pacte colonial maintient le contrôle de la France sur les économies des pays africains

Avec les accords de coopération et de défense, signés entre la France et ses anciennes colonies, les ressources minières et naturelles sont mises à la disposition de la France. Ce seul pays contrôle ainsi les ressources mobilisables pour le développement des pays africains.

Non seulement le pacte colonial assurait le contrôle de la France sur les matières premières des Etats africains mais aussi elle pouvait librement transférer les revenus issus de la vente de ses produits manufacturés par le biais d’une monnaie exotique, le franc CFA, dont les mécanismes sont taillés sur mesure, pour faciliter le pillage des richesses des anciennes colonies.

La création de la zone franc et par ricochet celle des banques centrales aux pouvoirs limités, est cette volonté manifeste de contrôler les économies africaines sur le plan monétaire et financier.
Techniquement, dans un système bancaire, la hiérarchie voudrait que la banque centrale chaperonne les banques commerciales. Et pourtant, au-dessus de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de la Banque  des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), il y a le Trésor français qui joue  dans les faits, le rôle de banque centrale. En effet, par le biais du système de « compte d’opérations », terme inconnu des livres de finance mais bréviaire de la zone franc, le Trésor français gère les réserves de changes des pays africains de la zone franc.Sur ce compte, la banque centrale de chaque pays est obligée de maintenir au moins 50% (BCEAO) de ses réserves de changes. Même si les pays eux-mêmes ignorent avec certitude le montant de leur argent au Trésor français, approximativement, plus de 8000 milliards de franc CFA des pays africains dorment en France alors que ces pays ont un besoin illimité de financement pour leur développement.

C’est ce que le Président Abdoulaye Wade du Sénégal a déclaré en ces termes : « L’argent du peuple africain bloqué en France doit être rapatrié en Afrique afin de profiter aux économies des Etats de la BCEAO. L’on ne peut pas avoir des milliards de milliards placés dans les marchés bousiers étrangers et en même temps dire qu’on est pauvre, et aller ensuite quémander de l’argent »

Les pays africains sont privés de sommes abyssales pendant que la France utilise ces grosses sommes pour s’enrichir et faire des prêts à ces mêmes africains. En contrôlant les économies africaines, la France, par le biais du pacte colonial retarde le développement des pays africains.

1.3.     Le pacte colonial retarde le développement des pays africains

Le pacte colonial retarde le développement des pays africains de deux manières au moins : le manque d’ouverture des pays africains sur le reste du monde et le maintien des  présidents dont les intérêts sont contraires à ceux du peuple.

Premièrement, les compagnies Françaises, Afrique francophone, ont un statut oligarchique ou de monopole, contribuant ainsi négativement à l’efficacité économique. Très souvent, on entend dire de façon récurrente que ce sont les seules entreprises qui paient des impôts pour financer le budget de l’Etat. Mais comment il peut en être autrement lorsqu’on empêche les autres entreprises de pénétrer le juteux marché des pays africains ?il est donc peu stimulant de dire que sans les compagnies françaises, l’économie des pays africains s’effondrerait.Les compagnies privées d’autres pays comme les USA , la Chine  et l’Inde pourraient contribuer substantiellement au développement du secteur privé des pays africains.  C’est une logique prédatrice de la France.
Pour le secrétaire général de l’organisation Africahumanvoice international, Jean-Claude Mayima-Mbemba, il s’agit sans doute du « plus grand scandale de l’humanité fait d’expropriation, de spoliation, d’escroquerie et d’esclavagisme ».

Deuxièmement, le pacte colonial assure le maintien des institutions qui ne favorisent pas le développement des pays africains. Ces mauvaises institutions sont la création des présidents-préfets africains. Pour l’équilibre du pacte colonial, il faut des présidents dictateurs, qui tournent le dos aux souffrances du peuple mais prompt à servir avec loyauté les intérêts de la métropole. Ces présidents ne peuvent pas pratiquer la démocratie au risque de faire face à la volonté du peuple, du coup, les mauvaises institutions (régimes présidentiels et l’étroitesse des relations entre le pouvoir et la justice etc.)Sont nécessaires à l’équilibre et à la pérennisation du pacte colonial.

« Celui qui remue la queue, rampe, lèche les bottes et garantit les « intérêts de la France », même s’il est mondialement reconnu criminel, celui-là est jugé apte à « gouverner » ses compatriotes.  La longévité de certains au pouvoir ou, a contrario, le règne éphémère des autres, illustrent parfaitement cette triste pratique. Ainsi va la politique de la France en Afrique, entre beaux discours et diplomatie conservatoire, soutenant à bout de bras le régime d’Idriss Déby au Tchad, appuyant la  prise de pouvoir par les armes de François Bozizé en Centrafrique  ou facilitant la succession dynastique du fils Éyadema au Togo et d’Ali Bongo au Gabon.

C’est la même réflexion que fait le professeur Mamadou Koulibaly en ces termes : « Ce pacte, depuis la fin officielle de la colonisation, s’est transformé en un étatisme […] La guerre absurde que mène la France est fondée sur l’idée tout aussi absurde que l’Etat ivoirien, par exemple, est géré par des hommes incapables de défendre et protéger les intérêts français en Côte d’Ivoire. […] La France ne fait que continuer une politique huilée des différentes autorités politiques françaises vis-à-vis de l’Afrique noire. Tromperie, dissimulation, simulation et autres coups tordus sont monnaie courante pour déstabiliser ou pas des régimes, selon qu’ils sont ou non définis par le monarque comme non-conformes ou politiquement incorrects. »

Le pacte colonial est moralement inacceptable, il faut donc en sortir.

1.4. Sortir du pacte colonial pour entrer dans la mondialisation appropriée

Avec le pacte colonial, la France   impose aux pays africains ses produits et empêche ces pays de profiter des gains du libre-échange. Les pays africains ne peuvent pas dans ces conditions des avantages de la mondialisation.

Si les nations africaines veulent assurer leur croissance, et prendre part pleinement aux opportunités de la globalisation, elles doivent être libérées des fers de cet albatros colonial. C’est en tout cas, ce qui transparaît dans les propos du professeur Mamadou Koulibaly de la Côte d’Ivoire lorsqu’il écrit : «l’interdiction totale ou partielle du marché colonial aux produits étrangers ; l’obligation d’exporter les produits coloniaux exclusivement ou principalement vers la métropole ; l’interdiction, par la colonie, de produire des objets manufacturés, son rôle économique se bornant à celui de productrice de matières premières et de débouché commercial ; le traitement de faveur accordé par la métropole aux produits coloniaux, accompagné d’une aide politique, militaire, culturelle et souvent économique, fournie par la métropole. » (Les servitudes du pacte colonial (CedaA/Nei, Abidjan, 2005)

Parce que les français n’aiment pas la concurrence, ils sont  si inquiets concernant l’ouverture à la compétition sur le marché.

Les conséquences du pacte colonial sont légions : manque de compétition, dépendance de l’Économie française, dépendance de l’Armée Française  et la politique porte-ouverte pour les entreprises privées françaises.

Le pacte colonial produit donc un effet d’éviction des pays africains sur le marché mondial, les cantonnant à 2% du commerce mondial. Aujourd’hui, la politique française est restée dans l’ambivalence de conceptions passéistes du continent et d’arbitrages non assumés. Entre la tentation du retrait et la volonté de maintenirdesliensprivilégiésaveclecontinent;entrelanormalisationetla personnalisation des relations ;entre des tendances à la multilatéralisation et à l’européanisation et le souci de conserver une politique d’influence bilatérale; entre la conservation d’un «précarré» francophoneetl’affermissement des liens avec de nouveaux partenaires politiques et commerciaux ;entre la modernisation de l’appareil de coopération militaire et la perpétuation d’une vieille politique d’ingérence (Tchad,Centrafrique); entre conditionnalités démocratiques et soutien à de vieilles dictatures ripolinées; entrerecherche de nouveaux intérêts économiques et reproduction devieilles alliances politiques;entre aide-programme et aide-projet, etc.

Mais face au caractère « schizophrénique » de la politique africaine de la France, les africains doivent se souvenir sans cesse  des propos très audibles de l’universitaire Mamadou Koulibaly : « En Afrique, nous n’avons pas besoin des armes, nos problèmes ne sont pas dus au manque d’argent. Ma conviction est que nous devons premièrement déclarer clairement nos droits d’appartenance sur notre propre terre et aux ressources de notre sol qui furent emportées par les colons lorsqu’ils conquirent nos pays, et qui sont encore emportés à travers le Pacte Colonial »

Dr Prao Yao Séraphin
Délégué national au système monétaire et financier à LIDER

 

 

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