I – Ceux qui pensent que la Côte d’Ivoire va être un pays de paix et de liberté pour tous se trompent. Nous sommes au pays de l’irresponsabilité et il y aura de la mutinerie en permanence sous tous les régimes qui se succéderont aujourd’hui et demain. Ceux qui ont fait de l’armée ivoirienne une milice mono ethnique au service non pas du pays mais du pouvoir en place sont entrain de récolter les premières rafales prévisibles et méritées de leur propre aveuglement.
La grande difficulté se trouve dans le fait que personne n’a d’autorité sur l’armée. Le ministre de la défense séquestré et humilié au camp d’Akouédo, la prise de la télévision à Bouaké ainsi que la proclamation d’un couvre feu, la circulation bloquée à Abidjan et quoi encore, ou est l’autorité de l’Etat ? On est où là ? Ils sont combien les membres du gouvernement qui ont fait leur service militaire ? dans une telle affaire ou des chefs militaires depuis deux jours ont été bastonnés et tabassés par leurs hommes de troupe, pourquoi le premier ministre ne sort-il pas de son bureau climatisé aux portes capitonnées de la primature pour aller sur le terrain et trouver tout de suite une solution avec les mutins ?
Le chef d’état major actuel est-il l’homme qu’il faut à cette fonction ? il se croit encore dans la rébellion. S’il avait les compétences nécessaires, on en serait pas là ? Car face à des soldats qui le regardent de haut le général Bakayoko dont le parcours est connu de nous tous ne pourra jamais ramener de l’ordre dans une caserne. Cette affaire risque de prendre des proportions incontrôlables et ce sera honteux pour ceux qui gouvernent d’appeler l’ONUCI ou la force Licorne pour régler un problème domestique de l’armée FRCI d’Allassane Dramane Ouattara.
Combien coutera l’ensemble des arriérés réclamés par les soldats originaires du nord de la Côte d’Ivoire ? Le gouvernement ivoirien actuel a-t-il les moyens de payer les 8400 nouveaux baux administratifs pour des soldats quand on sait déjà qu’il y a plusieurs années d’impayés pour les logements des policiers ? Sans parler des impayés de carburant que l’Etat doit à la PETROCI. Pourquoi enfin avoir attendu une mutinerie alors que ce problème était évident depuis des années ?
Que fera ce même gouvernement quand d’autres serviteurs du service public, se mettront à utiliser les mêmes formes de revendications pour réclamer des soins et des salaires dignes de ce nom ? Le fait que ce même état affecte des élèves et étudiants dans des établissements privés sans payer leur scolarité est-il normal ? Toutes ces questions sont devant nous et on attend la prochaine grève ou mutinerie pour les régler au lieu d’utiliser les voies ouvertes de la concertation pour affronter toutes ces questions une bonne fois pour toute.
Qui est allé chercher ces illettrés dans leur village pour en faire des soldats de l’armée ivoirienne ? Certains ont été versés dans les corps de la douane, de la police, de la gendarmerie et même certains ont été nommés préfets de région au nom du rattrapage ethno tribale en vigueur en Côte d’Ivoire. Quelle est l’efficacité d’un service d’Etat, quand il est dirigé par un homme qui n’a ni la formation et la compétence ?
Le résultat est devant nous, ce n’est plus une armée nationale. On n’y trouve aucune discipline et c’est aujourd’hui qu’on nous parle de la mise en place d’un programme de formation des caporaux pour faciliter leur accès au grade. Voila que la médiocrité triomphe sous nos yeux à cause de l’ethnie comme ossature de l’armée nationale d’un pays. Et là encore au lieu de voir une vision obscure de la politique, on y verra des jaloux ou des ennemis à tous les coins de rues.
II – L’armée ethnique comme un handicap pour la défense du pays
Partout ou on a fait de l’ethnie l’ossature de l’armée nationale, cela fut un immense fiasco. Nous allons ici donner des exemples concrets et supplier nos contradicteurs d’aller au delà de leur vision ethnique pour vérifier et comprendre le risque que cela comporte d’agir avec une armée ethnique dans la gouvernance d’un pays. Hissène Habré, c’était appuyé sur son groupe ethnique les Toubous du nord du Tchad à travers l’ossature du FROLINAT.
Cette armée fut balayée par l’avancée des forces rebelles conduites par un certain colonel Idriss Deby, le 1er décembre 1990, provoquant la fuite et l’exil d’Hissène Habré au Sénégal.
L’armée Ougandaise d’Idi Amin Dada composé des membre de son groupe ethnique les Kakwa et les Lugbara, n’a pas fait le poids devant les troupes tanzaniennes dans lesquelles tous les autres groupes ethnique maltraités et méprisés par le régime tribal d’Idi Amin s’étaient enrôlés pour chasser le dictateur criminel ougandais, provoquant sa fuite vers le soudan et l’Arabie saoudite le 11 avril 1979.
L’armée mono ethnique hutu du général Habyarimana, s’était liquéfiée sous nos yeux devant l’avancée des troupes du front patriotique Rwandais fondé par Fred Rwigema dont les troupes dirigés par des soldats aguerris formés dans des grandes académies militaires américaines sous la conduite du général Paul Kagamé mettront en déroute l’Armée Hutu d’Habyarimana dont la mort le 6 avril 1994, provoqua le génocide des Tutsis du Rwanda.
Le dernier exemple nous crève les yeux et c’est ce que le Dr Allassane Ouattara est entrain d’appliquer en Côte d’Ivoire. Les FRCI sont en réalité la copie conforme des FAZ, les forces armées zaïroises, de Mobutu. La majorité des hommes de troupe et des officiers supérieurs étaient des ressortissants du groupe ethnique des ngbandi de la région équatoriale du zaïre dont était issue le maréchal président Mobutu.
Le chef d’Etat major interarmes était le général Donatien Mahiélé Lieko Bongo, le commandant de la Garde nationale était le général Baramoto Kpara l’Oncle de Mobutu, le commandant de la DSP, la garde présidentielle était le général NZIMBI, le neveu de Mobutu, la Marine était commandé par l’amiral Mavoua, tous de la l’ethnie Ngbandi. Tous les ministères de souveraineté étaient occupés par des Ngbandi. Le résultat final fut un immense fiasco. Le Zaïre n’existe plus, Mobutu est mort et enterré à l’etranger.
Lorsque la guerre avait éclaté dans l’est du pays les autres groupes ethniques considéraient que c’est l’affaire de Mobutu et de son ethnie, cela ne les concernait pas. (Comme la mutinerie d’hier est l’affaire des Dioula et non des autres ivoiriens.) chacun vit avec une séparation très nette dans être . Certains zaïrois allaient même s’engager volontaire dans les troupes de Laurent Désiré Kabila. La conquête en quelques mois d’un immense pays équivalant à plus de quatre fois la France en dit long sur la démotivation, la déliquescence et surtout le manque de discipline quand les officiers compétents sont mis de coté pour faire triompher le rattrapage ethnique.
Dans un tel cas, la population persécutée par les braqueurs, les coupeurs de routes, les bastonnades et les rackets de soldats illettrés et incorporés au nom de l’ethnie, cette population offre gite et couvert aux libérateurs d’un jour et leur indique les positions des soldats de l’armée ethniques pendant qu’elle prend elle-même l’initiative de régler ses comptes avec le groupe ethnique présidentiel qui hier encore avait le monopole de tout sur tout. Nous parlons ici de faits et non d’un roman de science fiction.
Ephémère tout est éphémère ici bas. Nous disons à ceux qui gouvernent de ne pas recourir à des violences inutiles car quand le nombre de mécontents devient majoritaire, le risque d’une coalition pour mettre le feu au pays devient une nécessité pour se libérer d’une dictature.
Observez le Burkina-Faso et la chute pitoyable de Blaise Compaoré, pour comprendre que c’est beaucoup plus ceux qui sont au pouvoir qui doivent éviter d’allumer les incendies qui peuvent conduire à l’embrasement général du pays. Voilà pourquoi nous en appelons depuis des années à rendre l’Etat à la nation par une vraie réconciliation nationale en sortant définitivement du rattrapage ethnique comme fondement de la gouvernance en côte d’ivoire.
III – La société civile ivoirienne et le problème des dozos et autres gogos
La mutinerie de ces jours va faire tache d’huile et si demain les 10 000 dozos, gogos et zozos, prenaient eux aussi les armes pour demander leur intégration dans les forces républicaines de Côte d’Ivoire ? La manière dont le drapeau ivoirien fut bafoué au ministère de la défense ce mardi matin a de quoi à nous inquiéter sur l’avenir de l’armée ivoirienne comme composante de la nation.
Le grand malheur des dirigeants politiques ivoiriens est qu’habitués à leur cour et à leurs courtisans, ils considèrent que tous les esprits libres sont des affamés qui ont reçus de l’argent d’officines privées soutenants leurs adversaires et que des gens comme nous sont payés pour dire du mal d’eux et de leur extraordinaire réussite dans la direction de la Côte d’ivoire.
Certains ont même détaché leurs chiens de coure pour nous menacer en oubliant que tout pouvoir ici bas est éphémère. De Franco, à Salazar, de Mobutu à Habyarimana en passant par Blaise Compaoré, Dieu seul est le maitre du temps. Nous sommes de ceux qui n’ont jamais voulu mettre les pieds dans les partis politiques.
La quantité d’énergie qu’on y déploie pour se combattre, pour s’épiler, pour se chamailler dans des querelles stériles, les plans de carrières qui s’y construisent et les intérêts personnels en présence, obligent ceux qui sont jaloux de leur libre arbitre à fuir les partis et leur incapacité permanente à résoudre leurs contradictions internes.
Ils sont sclérosés et n’arriverons pas au regard de leur fonctionnement à féconder le bonheur commun. Nous pouvons donc nous exprimer librement sur les questions nationales sans passer par eux. La société civile ivoirienne réclame depuis des années une rupture claire et nette entre les dozos et le pouvoir ivoirien. L’image ridicule des dozos en congrès avec le ministre de l’intérieur hante encore le sommeil des ivoiriens des autres régions notamment à l’Ouest, pris en otage par des gens qu’on a fait venir d’ailleurs pour chasser les autochtones ivoiriens de chez eux.
Ceux qui sont au pouvoir ne se rendent même pas compte de l’immense travail pédagogique que fait la société civile ivoirienne. Elle est là ou l’état à démissionné, qui fait fonctionner les écoles en langue française au Liberia près des camps de réfugiés ? qui paie les enseignants de ces écoles? Elle réconforte les familles, elle va jusqu’au Liberia pour apporter de l’aide, vivres, livres, cahiers, médicaments dispensaires dans des zones inaccessibles le moment viendra ou comme le balai citoyen au Burkina, leur mots d’ordre sera déterminant dans la crise finale.
Les dozos n’ont pas le droit de porter leurs armes en se pavanant dans nos villes et villages y compris nos petits hameau au fin fond de la forêt, si on ne les désarme pas, l’Etat se met en mauvaise posture quand les chasseurs Bété, Koulango, Agni ou baoulé porteront leurs armes pour racketter les commerçants malinké ou occuper les maisons des sénoufo et autres bambara. Nous savons à l’avance que ce que nous disons ici nous vaudras des menace de pendaison ou même d’égorgement des membres de nos familles, mais le pouvoir et ses sbires ne diront pas demain qu’ils ne savaient pas.
IV – Postulat de conclusion générale
Les ivoiriens avaient pensé au matin du dimanche, 7 août 1960, qu’en sortant de la nuit coloniale, ils allaient tous dans la même direction portant ensemble une sorte de communion fraternelle pour bâtir une nation à leur service. Ce fut une grave erreur d’appréciation.
C’est donc par une sorte de malédiction découlant d’une tragique inculture qu’aujourd’hui avec l’aide des spécialistes qui ont fait leurs preuves ailleurs que, des ivoiriens se retrouvent torturant, pillant et tuant d’autres ivoiriens. Les prisons sont pleines à craquer. Les coupeurs de routes, les braqueurs, les occupants des maisons des autres, ils viennent d’où ? Pourquoi est-il si rare que la police les arrête ?
On vous traitera d’anti-Allassane Ouattara si vous posez ces question qui sont nécessaires à l’émergence d’un Etat juste et vivable pour tous chez nous. La première fonction d’un gouvernement, n’est-il pas de rassurer ses citoyens ? Quand la menace, la force, la violence et le meurtre deviennent des instruments de guidance de l’Etat, il y a de quoi a désespérer du pays.
C’est donc par tragique inculture qu’un gouvernement indépendant organise lui même la terreur et la dispersion de son propre peuple à travers la sous région, faisant de l’état de réfugié, qui est anormale, une situation normale qui soit désormais en cet univers de violence et de haine, qui prouve que les droits des hommes ont été bafoués, piétinés et détournés.
Il y a des choses à ne plus faire dans ce malheureux pays pour reconstruire la confiance qui permettra à la Côte d’Ivoire de se relever. Il faut arrêter les violences inutiles. Les occupations des domiciles, de plantations, les braquages, les vols de voitures qui favorisent un commerce juteux avec les pays voisins.
La situation des propriétaires de domiciles pillés et des femmes violées qui ne peuvent même pas aller dans un commissariat ou à un poste de gendarmerie pour ce plaindre fait de la Côte d’ivoire un pays pitoyable déserté par la raison et le bon sens.
La loi du fusil n’a jamais fait le bonheur de personne sur cette terre. Y a t-il encore quelqu’un qui a de l’autorité pour arrêter tous ces blessures inutiles ? Le Dr Allasse Ouattara, n’est-il pas pris à son propre piège ?
Quelle Côte d’Ivoire gouvernera t-il quand la barbarie poussera toutes les intelligences vers l’exil ? Car le risque est grand aujourd’hui pour ceux qui sont menacés jusque dans leur vie privée de se constituer en milice pour ce défendre à leur tour.
C’est de cette façon que sont nés les mouvements de guérillas en Amérique latine : Front sandiniste de libération nationale, au Nicaragua. Front Farambundo Marty, de libération nationale au Salvador. Le mouvement Maoïste du sentier Lumineux au Pérou. L’armée Zapatiste de libération nationale au Mexique. Sans parler des FARC de Colombie, qui ressemblent curieusement aux FRCI de Côte d’Ivoire.
Nous pensons que ce pays est allé trop loin dans son jeu avec le feu pour se permettre le luxe d’une instabilité chronique à la somalienne. Nous devons tous avoir à l’esprit ce qu’il ne faut plus faire pour retourner définitivement vers la paix. Pour Rechercher une solution de dignité aux frustrations et aux ressentiments des uns et des autres pour reconstruire le vivre ensemble.
C’est ce qui nous fait dire à la suite de notre maître le Pr. Joseph Ki Zerbo que : < < Seul l’avenir est grand, parce qu’il est avenir, nous pouvons l’invoquer, nous pouvons le convoquer, nous pouvons le domestiquer, comme une bête féroce qui vient vers nous >>.
Telle doit être selon nous, la nouvelle direction à prendre pour relever le défi de la paix et de l’instauration d’une démocratie réelle et participative en Côte d’Ivoire.
Merci de votre aimable attention
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication
Lugano (Suisse)
Tel.0041792465353
Mail. nicolasnzi@bluewin.ch