La CDPA-BT et la manifestation du 1er août 2020

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1- L’évolution de la situation politique depuis l’éclatement de la C14 en 2019 et les conditions d’organisation des élections du 22 février 2020 montraient clairement que ce scrutin présidentiel allait se dérouler de la même façon que tous ceux qui l’ont précédé depuis 1993. Il était évident qu’il ne serait ni transparent, ni équitable ; que le régime allait confisquer encore, et dans la confusion, la victoire du candidat de l’opposition qui serait élu ; qu’on appellerait pour la énième fois « le peuple à défendre sa victoire » ; que cette revendication n’aboutirait jamais en raison de l’état du rapport des forces ; et qu’en fin de compte, l’élection ainsi pipée d’avance, permettrait au régime de continuer à se maintenir au pouvoir, et à se faire passer, une fois de plus, pour un régime politique démocratique.

2- C’est pour toutes ces raisons et à cause de toutes les pratiques déloyales du régime que la CDPA‑BT avait demandé à l’opposition de boycotter ce septième scrutin présidentiel, en prenant les dispositions requises pour faire de ce boycott une stratégie d’action pour faire avancer la lutte d’opposition. D’autres organisations de l’opposition ont tenté, de leur côté, de demander aux candidats de l’opposition de se retirer du processus électoral ; mais les six candidats de la mouvance ont tenu à participer à tout prix au scrutin dans ces conditions-là, c’est‑à-dire en sachant très bien qu’aucun d’entre eux ne prendra le pouvoir à l’issue de ces présidentielles du 22 février, elles aussi pipées d’avance par le régime comme les précédentes.

3- En fermant pieusement les yeux sur l’état du rapport des forces Opposition/Régime, le porte-parole de

la Dynamique Kpodzro, Fulbert Attisso, le laissera entendre clairement dans ses propos tenus lors

de la conférence de presse du 8 avril 2020 : « Quand nous avons rencontré le G5, nous avons dit à ces Ambassadeurs que les institutions qui organisent les élections ne sont pas fiables, que nous ne leur faisons pas confiance. Mais néanmoins, nous sommes des politiques ; nous ne laisserons pas le terrain libre ; nous allons affronter le pouvoir malgré que le cadre électoral n’était pas sain ». Et la Dynamique a mis le turbo sur le discours de « l’alternance pour 2020 » dans cet esprit de rivalités incessantes entre partis d’opposition pour le pouvoir. Le « candidat unique de l’opposition », choisi par Dieu, va « arracher l’alternance pour le peuple en 2020 » parce qu’il est choisi, lui, par Dieu ! L’électorat de la Dynamique a cru au discours. Il ne s’attendait pas à se retrouver en situation de « défendre la victoire du peuple » ; et il n’a pas été organisé pour cela.

4– Ce qui était devenu prévisible depuis les élections législatives du 20 décembre 2018 et la prétendue réforme constitutionnelle du 8 mai 2019 arriva. Le régime s’arrogea la victoire des urnes comme d’habitude. La CENI distribua les points aux candidats de l’opposition, et fit le classement en mettant le candidat de la Dynamique en tête des participationnistes de la mouvance de l’opposition. La Dynamique engagea aussitôt le combat pour la « défense de la victoire du peuple », en appelant les autres candidats opposants à la rescousse. Mais ceux-ci se sont mis à traîner les pieds pour des raisons compréhensibles par ailleurs, puisqu’au sein de l’opposition le processus électoral était installé d’emblée dans le climat délétère des rivalités habituelles entre leaders de partis d’opposition pour le pouvoir.

5– Comme on devrait s’y attendre, la manifestation du 28 février à l’appel de Mgr Kpodzro pour remettre en cause les résultats proclamés par la CENI fut violemment réprimée, pour dissuader toutes autres tentatives de contestation populaire. La Cour constitutionnelle avalise les résultats proclamés par la CENI le 24 février 2020. Le 3 mai 2020, Faure prête serment pour son quatrième mandat. Après l’interpellation des responsables de la Dynamique le 21 avril 2020, la revendication de la victoire émigre dans la Diaspora togolaise avec un usage intensif des réseaux sociaux. Une Coordination internationale de la Dynamique Kpodzro annonce son existence. La contestation se réduit désormais à des appels répétés, lancés sur les réseaux sociaux pour demander aux Togolais d’aller manifester pour chasser Faure du pouvoir. Depuis le 15 juillet 2020, le 1er août est annoncé comme l’assaut final du combat, et la date buttoir où la population descendrait massivement dans les rues pour « chasser Faure du pouvoir ».

6La CDPA-BT respecte bien entendu la Dynamique Kpodzro en tant qu’organisation en lutte contre la dictature, comme elle-même. Mais elle estime qu’au sein de l’opposition les partis d’opposition ont un devoir de vérité les uns vis-à-vis des autres, et surtout et par-dessus tout vis-à-vis de la masse des opposants. C’est au nom de ce principe que la CDPA-BT déclare ce qui suit :

aLa CDPA-BT considère que les responsables de la Dynamique ont commis beaucoup d’erreurs politiques tout au long de ce processus électoral, et qu’ils continuent d’en commettre d’autres jusqu’à présent ; au point que leurs discours et leurs pratiques politiques par rapport à leurs propres objectifs, et surtout par rapport à l’objectif essentiel de la lutte d’opposition, sont totalement contreproductifs.

b– La manifestation du 1er août 2020, que les responsables de la Dynamique demandent à la population de faire pour « chasser Faure du pouvoir » soulève une série de problèmes dont il n’est pas possible de faire le tour dans ce bref communiqué. Le peuple est capable de très grandes choses. À condition qu’il soit organisé, qu’il soit encadré, et qu’il soit respecté en tant qu’acteur politique potentiel. L’organisation de la masse des opposants pour en faire une force politique capable de résilience ne s’improvise pas sur les réseaux sociaux en l’espace de quinze jours.

c- La CDPA-BT est convaincue que la démocratie pour laquelle la Dynamique se bat, comme elle, est une démocratie participative. Elle laisse une place privilégiée aux citoyens togolais et par conséquent à la masse des opposants. Les partis d’opposition situés dans cette logique se doivent donc de se retenir de tout ce qui peut apparaître comme une manipulation de la population, tant sur le plan du discours que sur le plan de la pratique politique.

7- Si la CDPA-BT a prôné le boycott des présidentielles du 22 février, c’est pour, entre autres, éviter à l’opposition de s’engager, comme lors des présidentielles précédentes, dans des combats d’arrière-garde qui lui font perde du temps et des moyens inutilement, en raison de l’état du rapport des forces.

Qu’on le veuille ou non, le pays est confronté au « quatrième mandat de Faure ». Au lieu que l’opposition continue d’aller à des élections pipées d’avance, la CDPA-BT lui demande une fois de plus d’accepter de se donner une nouvelle organisation plus conséquente avec l’objectif de la lutte d’opposition, pour rendre celle-ci plus efficace au cours de ce « quatrième mandat de Faure ».

Fait à Lomé le 30 Juillet 2020

Pour la CDPA-BT

Le Premier Secrétaire

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