Kenya: Tuerie au pays – Les internautes dénoncent l’indifférence de la communauté internationale

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Visant en priorité des chrétiens, l’attaque a fait 148 morts, dont la plupart étaient des étudiants

La comparaison, cruelle, n’a échappé à personne: il y a trois mois, les victimes de la rédaction de « Charlie Hebdo » et de « l’Hyper Cacher » de la porte de Vincennes avaient suscité un élan planétaire de mobilisation solidaire, dont la consécration ultime fut la manifestation du 11 janvier, restée dans les mémoires comme la plus grande marche jamais organisée dans les rues de Paris.

Malgré l’ampleur du carnage et l’extrême violence de cette tuerie, il n’ y aura pas à Garissa de marche des chefs d’Etat venus de toute la planète. Lesquels se sont révélés plutôt laconiques, voire carrément silencieux, face au pire massacre imputé au terrorisme cette année.

Pas non plus d’émissions spéciales pour tenter de comprendre cette sauvagerie inouïe, CNN se distinguant dès le premier jour en confondant le Kenya et l’Ouganda sur la carte de l’Afrique présentée sur ses écrans.

Visant en priorité des chrétiens, l’attaque a fait 148 morts, dont la plupart étaient des étudiants.

 » Je souhaite que la communauté internationale n’assiste pas muette et inerte à de tels crimes inacceptables, qui constituent une dérive préoccupante des droits humains les plus élémentaires », a ainsi déclaré le pape François, le 6 avril, à l’occasion d’une bénédiction de Pâques.

Emotion

Sur les réseaux sociaux, la mobilisation a commencé quelques heures seulement après le début de l’attaque.

Lancé par un Kenyan, le hashtag # JeSuisKenyan fait référence au # JeSuisCharlie dont le succès avait accompagné l’émotion planétaire après l’attaque contre la rédaction de l’hebdomadaire satirique le 7 janvier à Paris.

« L’absence de réaction internationale à l’attaque kenyane, comparée au # JeSuis Charlie, montre le peu de considération du monde face aux Africains », a tweeté un internaute à la veille du week-end pascal.  » La mort au kilomètre n’a jamais bien porté son nom ce matin dans les médias occidentaux: #Crash A320 Vs #GarissaAttack », a observé un autre.

#JeSuisKenyan n’est pas le seul mot-clé à être apparu après le massacre de Garissa. Les tweetos se sont aussi emparés du hashtag # 147 NotJustANumber (« 147 n’est pas qu’un nombre »), lancé avant que le bilan humain ne s’alourdisse encore un peu plus, pour mettre un visage sur chacune des victimes des djihadistes.

Et ce n’est pas la première fois que #JeSuisCharlie est repris pour rendre hommage à des victimes du terrorisme. Il avait aussi servi de modèle au #JeSuisTunisien, un mot-clé apparu après l’attaque du musée du Bardo à Tunis.

Sur les réseaux sociaux, nombreuses sont les célébrités qui ont pointé du doigt le contraste entre la vague d’émotion suscitée par les attaques de Paris et le peu de réactions suscitées par l’attaque de Garissa. C’est deux poids, deux mesures.

Parmi elles, l’Algérien Ali Dilem. Ce dessinateur a connu un franc succès sur les réseaux sociaux en représentant un djihadiste qui se gratte la tête , l’air décontenancé.

 » Tu casses une statue et toute la planète réagit… Tu massacres 147 étudiants (le dernier bilan fait état de 148 morts, ndlr) et tout le monde s’en fout », indique la bulle au dessus de la silhouette, référence sans détour à l’indignation suscitée par la destruction du musée de Mossoul en Irak.

L’INDIFFERENCE DES MEDIAS

De nombreux internautes se sont indignés de peu de place accordée par des médias occidentaux à cette tragédie. Les vies des Noirs ne comptent donc pas.

Les 150 morts du crash de Germanwings ont mobilisé non-stop les rédactions, tandis que les 148 victimes du massacre de Garissa au Kenya, n’ont suscité aucune édition spéciale. La différence de traitement médiatique entre ces deux événements survenus presque dans la même période est épatante.

Force est de reconnaître que la loi du mort-kilomètre bien connue de tous les journalistes ( l’intérêt d’un sujet croît en fonction de sa proximité géographique, temporelle, sociétale) est remise en cause aujourd’hui par la proximité que offrent Facebook et Tweeter.

Sous l’injonction des réseaux sociaux, les médias traditionnels se retrouvent à traiter des sujets qu’ils n’auraient pas forcément traités.

En fait, les réseaux sociaux deviennent complémentaires des médias traditionnels.

Avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), l’expression « On s’intéresse toujours plus au meurtre de son voisin » perd sa substance, se vide, se fane…

« LA HONTE DE L’AFRIQUE! »

Mais comment expliquer l’assourdissant silence des chefs d’Etat, si prompts à réagir après « Charlie »?

François Hollande a certes proposé son aide au Kenya dès le lendemain du massacre et a brièvement évoqué le drame, lundi 6 avril, lors de la commémoration de la déportation des enfants d’Izieu. Ni lui ni aucun de ses pairs occidentaux ne sont allés plus loin. Sans doute, la tuerie de Garissa leur paraît trop lointaine, trop anonyme.

Sur la Toile, c’est l’immobilisme des dirigeants africains qui a suscité les réactions les plus indignées.

L’écrivain Congolais, Alain Mabanckou, a ainsi posté une photo des chefs d’Etat africains présents à la marche du 11 janvier, accompagnée de ce commentaire:

« Ces présidents africains étaient en France pour #JeSuisCharlie. Ils ne sont pas allés au Kenya… » La photo de groupe est barrée d’un bandeau: « La honte de l’Afrique! « 

Qui a entendu le Gabonais Ali Bongo, le Sénégalais Macky Sall, le Nigérien Mahamadou Issoufou ou le Malien Ibrahim Boubacar Keita, pourtant bien présents dans le cortège parisien?

Il est vrai que les deux derniers, le Nigérien Issoufou et le Malien « IBK », ont payé cher leur présence à Paris, confrontés dans leur pays à des manifestations hostiles, dénonçant leur engagement en faveur de #JeSuisCharlie.

Reste que leur silence aujourd’hui ne pourra que conforter ces manifestants qui rejetaient toute affinité avec les tueries parisiennes.

Robert Kongo

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