Passez la porte des bars bien connus à Abidjan, et vous découvrirez des jeunes filles dans toute leur… nudité. La plupart s’assurent ainsi leur pitance quotidienne. Visite guidée.
En compagnie de notre guide, N.Y., ancienne serveuse dans un célèbre bar du quartier résidentiel des 2-Plateaux dans la commune de Cocody (nord d’Abidjan), nous entamons la visite de quelques uns de ces bars qui font les nuits de la capitale économique de la Côte d’Ivoire.
Première étape, Bietry. De l’extérieur, rien ne permet de deviner ce qui se passe dans la salle. Mais N. Y. a averti:
«Ce sera torride là-dedans!»
Le vigile de service nous donne l’autorisation d’entrer. A l’intérieur, le spectacle est surprenant: des filles, toutes aussi belles les unes que les autres, nues sur la seule piste de danse, faisant du striptease ou alors dansant avec des postures osées pour aguicher les clients.
Une trentaine de cadres ivoiriens en pleine extase devant ces créatures de rêve. Tous ces hommes sont des habitués.
«Ce bar est pratiquement privé, ces clients sont là depuis des années. C’est parce que le vigile me connaît qu’il nous a laissés entrer», explique N. Y.
Tant bien que mal, nous trouvons de la place près de la tenancière de la caisse. Une jeune femme d’environ 1m75 dont Dieu a pris soin d’embellir le physique.
«Tu vois la plupart de ces filles, elles sont des étudiantes, confie la guide. J’ai travaillé avec certaines lorsque j’étais encore serveuse. Je ne sais pas comment elles font pour suivre les cours le lendemain sur le campus.»
Elle n’a pas fini de parler quand l’une des filles l’a reconnue, et s’approche: «On dit quoi ma chérie, tu te fais un peu rare là! Tu es venue nous voir aujourd’hui avec ton gars (copain). Je vous sers quelque chose?»
Ce sera deux sodas pour passer le temps. Le spectacle se poursuit avec des scènes de plus en plus obscènes.
Ceux des clients qui n’arrivent plus à tenir en place, se mettent d’accord avec des filles pour se retrouver dans l’une des pièces annexes du bar. Cette fois, loin des regards. On imagine la suite…
L’argent, rien que l’argent
Après ce premier acte, cap sur la commune de Cocody. N.Y., décidément parfaitement introduite dans le milieu, s’arrête devant un nouveau bar très discret, non loin de la cité universitaire Mermoz.
Celui-là, bien plus grand, accueille deux fois plus de clients que le premier. Ici, c’est le même spectacle. A une différence près: ici, les clients ont le droit de poser la main sur les filles en tenue d’Eve.
Le bar est pris d’assaut par des noceurs de 35 à 50 ans.
«Quand les filles arrivent ici, elles sont bien habillées. C’est dans les toilettes et les pièces annexes qu’elles se débarrassent de leurs vêtements», explique N.Y.
Pourquoi se livrent-elles à une telle débauche? Aucune ne veut répondre. C’est N.Y. qui le fait à leur place:
«C’est le besoin de gagner de l’argent! Pour elles, c’est un boulot comme tous les autres. Le pays est dur, on ne s’en sort pas et ces filles ont compris que le sexe Après une soirée, elles repartent au minimum avec 50.000 francs CFA (76 euros), ce qui est énorme.»
Dans la foulée, elle ajoute:
«Ce ne sont pas les étudiantes seulement qui dansent nues dans les bars. Il y a des élèves, des déscolarisées et même des filles fiancées ou mariées qui viennent tromper leurs hommes. Ou même qui se produisent avec la caution de leur compagnon, afin de permettre au couple de joindre les deux bouts. Parce que les temps sont difficiles, tout le monde se cherche.»
Des mineures dans la danse
A côté des étudiantes et des jeunes filles désœuvrées qui pratiquent «ce métier», il y a malheureusement des mineures. Dont l’âge varie entre 14 et 16 ans. Vu leur dextérité et leur manque de complexe dans les exhibitions, on se doute qu’elles sont dans le milieu depuis un certain temps.
«Elles sont nombreuses les petites filles qui dansent nues dans les bars. Il y a des adultes qui aiment les ‘’fraîchnies’’, et comme la police des mœurs est corrompue, les petites sont là tous les soirs», précise la guide.
Direction Yopougon, la dernière escale. Le bar possède deux pistes de danse pour permettre aux filles de «s’exprimer» comme on le dit dans le milieu. Et elles ne se font pas prier. Allant jusqu’à passer à l’acte sexuel dans des isoloirs contigus aux pistes de danses. Au vu et au su de tous. Sans que personne ne s’émeuve.
La police des mœurs a démissionné
«Il n’y a plus de police des mœurs en Côte d’Ivoire», lance de façon laconique un client très emballé par le spectacle proposé.
En effet, dans tous les bars visités cette nuit-là, aucun des tenanciers n’a été inquiété.
«Les policiers viennent souvent mais on s’arrange, eux-mêmes savent que le pays est dur, lance le gérant du bar. Nous avons connaissance de la dépravation des mœurs dans les bars d’Abidjan, confie plus tard un officier de police. Mais lorsque nous prenons des propriétaires sur les faits et que nous essayons de fermer le bar, les ordres viennent de nos supérieurs pour nous demander de fermer les yeux là-dessus. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’on travaille?»
L’été dernier, Alain Lobognon, à l’époque ministre de la Jeunesse, avait bien poussé un coup de gueule: «C’est une honte pour un pays comme la Côte d’Ivoire! C’est une honte pour les jeunes de Côte d’Ivoire! Une honte pour les parents qui vont en boîte de nuit pour regarder ces filles nues. Et nous devons avoir le courage de dénoncer ces parents-là. Nous devons dénoncer également les filles qui vont en boîte de nuit pour se déshabiller pour des billets de banque.»
Il avait demandé aux maires des différentes communes d’Abidjan de faire des rondes dans les boîtes de nuit et sanctionner ceux qui s’adonnent à ce genre de pratiques. Un cri d’indignation sans lendemain.
Les autorités ne font rien à part de beaux discours. Ceux qui dirigent le pays sont souvent les meilleurs clients de ces bars. Il n’est pas rare de voir une importante personnalité entrer dans l’un de ces salons en laissant ses gardes du corps à l’entrée.
Quand la brigade des mœurs prévoit une descente, les patrons sont évidemment prévenus. Alors que faire pour mettre fin au dévergondage général, à ces scènes dignes de Sodome et Gomorrhe? Certains conseillent de s’en remettre à Dieu. Comme s’il n’existait plus d’autres solutions.
Cyril Gnantin