Le régime d’Alassane Ouattara entrave les initiatives et la libre expression de la Convention de la société civile, dont le siège à Abidjan est occupé par des hommes en armes.
Un régime « démocratique » ? Le gouvernement d’Alassane Ouattara a franchi un pas de plus, vendredi dernier, avec le déploiement policier destiné à perturber la tenue d’un séminaire de la Convention de la société civile dans le quartier de Cocody, à Abidjan. «Malgré la présence de représentants de l’ambassade de France, de l’Union européenne, de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest et même du ministère de la Justice, et alors qu’aucun trouble public n’était à craindre, nous avons assisté à un déploiement policier clairement destiné à empêcher ce rassemblement», relate un participant.
Les démêlés de cette coalition (132 associations, syndicats et organisations professionnelles) avec le ministère de l’Intérieur ont commencé lorsque le précédent président de la Convention, Patrice N’Gouan, a passé la main. Défenseur des droits de l’homme, ce dernier fut, durant la crise postélectorale de 2011, une précieuse voix de paix. Lors du passage de relais, profitant de la confusion qui régnait dans les organisations syndicales, dont certaines ont été décapitées par la répression qui a suivi l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, a tenté d’imposer son propre neveu, Sidiki Bakayoko, à la tête de la Convention de la société civile. Celle-ci avait pourtant porté à sa tête une personnalité indépendante, le Dr Christophe Kouamé, un pharmacien. La bataille judiciaire engagée avec l’appui du pouvoir s’est conclue par la fermeture des comptes bancaires, l’interdiction d’activité et l’occupation du siège par des hommes armés.
« Si l’on accepte ce diktat, c’en est fini de la société civile en Côte d’Ivoire. Prétendant à la succession d’Alassane Ouattara, le ministre de l’Intérieur tente de faire taire tous ceux qui peuvent faire entendre une voix dissonante. Mais notre indépendance n’est pas négociable, nous résistons», résume une dirigeante de la Convention qui reçoit régulièrement des appels anonymes la menaçant d’arrestation ou même de mort. Si les militants sont pris pour cibles, les artistes critiques envers le régime ne sont pas épargnés. Chanteur de reggae, Jah Prince a passé onze mois derrière les barreaux, sans raison consistante. Tout son matériel professionnel a été confisqué, sa maison détruite par les FRCI, les ex-rebelles des forces nouvelles dont Ouattara a fait son armée. « Simplement parce que, en 2011, nous ne voulions pas de la guerre et que nous rêvons aujourd’hui à voix haute d’une Côte d’Ivoire unie»
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