INAM : L’heure de vérité !

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Par Dr IHOU David, Ancien Ministre de la Santé et de la Population-Promoteur de l’Assurance Maladie Généralisée (AMG).

L’INAM a démarré ses prestations le 1er Mars 2012, par quelques formations sanitaires. Comme un bébé, l’INAM va apprendre à exister et à vivre, avec les réalités du quotidien…

Quelles sont les réactions des fonctionnaires de l’Etat, bénéficiaires des prestations de l’INAM ? Il est trop tôt pour recueillir et analyser de façon impartiale ces réactions.

D’abord, voyons la réalité des chiffres :

Il y a quarante mille fonctionnaires (40.000) qui bénéficient des prestations de l’INAM. Etant donné que moins de 10% des couples sont fonctionnaires (époux et épouse), sur les 40.000 fonctionnaires, il faut compter au moins trente mille (30.000) conjoint (e)s, ce qui nous fait déjà un total de soixante dix mille (70.000) bénéficiaires de l’INAM… 
Il y a plus de vingt trois mille (23.000) retraités vivants de la fonction publique togolaise, qui doivent bénéficiaires aussi des prestations de l’INAM…
Il y a ensuite les enfants. L’INAM prend en charge quatre (04) enfants non majeurs par foyer. Si nous limitons de façon optimiste le nombre d’enfants à 60% (beaucoup de foyer n’ont pas 4 enfants, mais les nouveaux couples seront tentés d’en faire les quatre puisque couverts par l’Assurance), nous nous retrouvons au moins avec vingt quatre mille (24.000) enfants pris en charge par l’INAM.

Récapitulons dans ce tableau, les bénéficiaires des prestations de l’INAM :

-Fonctionnaires en fonction …………………………………………………40.000
-Conjoint(e)s ………………………………………………………………………….30.000
-Enfants pris en charge ………………………………………………………….24.000
-Retraités ………………………………………………………………………………. 23.000
                                                                                 
Total……………………………………………………………………………………….  117.000
                                       (Cent dix sept mille bénéficiaires)

Voyons maintenant les liquidités disponibles de l’INAM :

Combien d’argent l’INAM dispose aujourd’hui pour couvrir ses besoins de fonctionnement et les frais de couverture médicale de ses adhérents ?
En d’autres termes, combien d’argent dispose –t-il aujourd’hui pour prendre en charge à 80% (et parfois à 100% ) les coûts des consultations, des soins, des examens de laboratoires, de l’imagerie (radiographie, scanner, IRM), des rééducations fonctionnelles, de la dialyse etc. ?

Voyons les chiffres :

La masse salariale des fonctionnaires togolais est aujourd’hui de neuf (09) milliards environ (CFA).
A partir de ce moment, les 3,5% des salaires des fonctionnaires reviennent à :

-1% de 9.000.000.000    = 90.000.000 FCFA
-3,5% de 9.000.000.000 =  315.000.000 FCFA

Donc, les fonctionnaires cotisent par mois 315 millions CFA .

L’Etat apporte aussi 3,5% des 9milliards, ce qui fait aussi trois cent quinze millions (315millions FCFA) par mois…

Au total donc, nous avons en tout et pour tout 315.000.000 FCFA plus 315.000.000 F, ce qui fait au total six cent trente millions de FCFA (630.000.000 FCFA), en tout et pour tout, pour s’occuper d’au moins cent dix sept mille bénéficiaires de l’INAM chaque mois !…

Espérons que le compte y sera, parce que, mis ensemble, le coût de fonctionnement de l’INAM, qui s’annonce très lourd en bureautique (imposant), siège, personnel, prestataires, électricité, communication, eau… Heureusement (ou malheureusement pour les fonctionnaires) que les évacuations sanitaires à l’étranger ne sont pas couverts par l’INAM. Mais à quoi ça sert de faire des dialyses à Lomé, si, à moyen terme, on ne peut pas faire une transplantation rénale (à l’étranger) pour nos dialysés ? A quoi cela sert qu’un fonctionnaire (ou enfant de fonctionnaires ne puisse se pas bénéficier d’une cure chirurgicale de rétrécissement mitral par exemple à l’étranger toujours), alors qu’il est sensé être couvert par une assurance étatique ?

L’Assurance maladie n’est vraiment utile que si elle peut régler aussi et surtout les cas compliqués.

Par ailleurs, un des fondamentaux d’une Assurance maladie n’a pas été  pris en compte par l’INAM : le nombre de prestataires de soins.
Combien de médecins y a-t-il à Bassar, Guérinkouka, Mango, Tandjoare, Tohoun par exemple ? Si une enseignante fait une GEU (Grossesse Extra Utérine) à Guerinkouka , elle a 100% de malchance de mourir avant qu’une évacuation éventuelle et hypothétique ne l’achemine à Bassar ( y-a-t-il un gynécologue à Bassar actuellement ?) à Sokodé ou à Kara.

 Aujourd’hui, pour évacuer un malade grave de Badou à Atakpame il faut quatre à cinq heures de route, vu l’état calamiteux de ces routes. Un malade grave a toutes les chances de mourir…

A la lumière de ces deux exemples, nous regrettons que les dirigeants de l’INAM n’aient pas pris en compte certaines propositions contenues dans le projet d’Assurance Maladie Généralisé (AMG) présenté au Chef de l’Etat en 2008. Nous avions insisté sur l’impérieuse nécessité de doter les structures sanitaires « d’un maillage conséquent du territoire » par des médecins de toutes disciplines et d’assurer le transport des malades par un système performant d’ambulances fonctionnelles. C’est pourquoi nous avons proposé de recruter au besoin des médecins, même non togolais, pour combler le manque de praticiens dans nos viles et grandes localités. Ce n’est pas la peine de claironner qu’on a une Assurance maladie qui couvre les fonctionnaires, si tous les fonctionnaires des préfectures de Bassar et Wawa réunies n’ont pas quatre ou cinq médecins !

Nous avions estimé à 1.200 médecins, le nombre minimal des médecins pour que l’AMG soit bien performante…

Pire, si un assuré a une affection qu’on ne peut pas  opérer à Lomé et qu’on ne peut pas évacuer sur la Tunisie, le Maroc ou la France (parce que l’INAM n’évacue pas à l’étranger), à quoi jouons nous ? Pourquoi laisser mourir un assuré par ces clauses ? Si on ne peut pas évacuer certains cas, faisons venir des spécialistes à Lomé (si la structure sanitaire s’y prête, mais nous n’avons pas une structure hospitalière performante). Bien sûr que c’est cher, mais les assurances maladies ne sont pas faites pour faire des économies ou des bénéfices.

Tout ceci pour  conclure, qu’on aurait dû s’instruire aussi de l’expérience des ghanéens à côté, qui ont une couverture maladie plus performante, plus simple dans sa conception et dans sa réalisation, et bien informatisée. J’ai sous les yeux une carte d’Assurance maladie du Ghana, qu’une famille assurée ghanéens, mais vivant à Lomé, ma donnée. Pourquoi les dirigeants de l’INAM ne feraient-ils pas un petit séjour auprès des autorités compétentes ghanéennes, pour s’instruire de l’approche ghanéenne d’une Assurance maladie ? C’est cela aussi la coopération sous régionale.

Dr IHOU.

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