Halte aux entreprises de recolonisation de la Cote d’Ivoire

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Retour sur une véritable agression ; une entreprise de reconquête néocoloniale de la Côte d’Ivoire.

Le 11 avril 2011, après avoir soumis à un véritable déluge de fer le palais présidentiel où s’étaient réfugiés le président Laurent Gbagbo, sa femme et certains de ses proches, les forces françaises ont contraint ces derniers à se rendre aux rebelles des FRCI. Les conditions de cette réédition, qui ont ainsi mis fin à « la bataille d’Abidjan », sont à elles seules symptomatiques de la situation qui prévaut en Côte d’Ivoire, et donnent tout leur sens aux événements qui s’y sont déroulés depuis ces dernières années.

En effet, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, cet épisode n’a pas sonné l’heure de la démocratie et du droit dans ce pays ; ce ne sont que la conclusion et l’acte final d’une entreprise dont l’objectif, poursuivi avec constance depuis 2002, était d’imposer par tous les moyens, à la tête de l’État ivoirien, ceux-là mêmes qui avaient échoué dans leur tentative de coup d’État du 29 septembre 2002 contre le gouvernement légal de Laurent Gbagbo, et qui, depuis lors s’étaient engagés dans une rébellion armée.

Cette entreprise a abouti grâce au soutien multiforme de la France : militaire, politique, diplomatique, médiatique en se couvrant du manteau des Nations Unies et de la prétendue « communauté internationale ». La France a réussi à se forger un alibi idéal, celui du droit et de la légalité, pour camoufler ses objectifs réels, à savoir la préservation de sa domination et de ses intérêts néocoloniaux sur la Côte d’Ivoire par le biais de ses valets de la clique Ouattara-Soro-Bédié.

L’intervention militaire française, décidée et accomplie quelques jours seulement après le début de la rébellion, s’inscrit dans cette politique, et nous offre un exemple du cynisme dont sont capables les grandes puissances lorsque leurs intérêts sont en jeu.

Dans le cadre de l’accord de défense qui lie la France à la Côte d’Ivoire, cette intervention aurait dû être logiquement dirigée contre les rebelles, à l’instar de ce qui s’est toujours passé jusqu’à présent : notamment au Gabon (1964), au Zaïre (1977 1978) au Tchad (2006), et même chez nous au Togo, avec l’intervention française en septembre1986 contre « les assaillants ». Dans le cas de la Côte d’Ivoire, on n’a pas tardé à se rendre compte que la France visait moins à réduire les putschistes et rebelles, qu’à leur apporter un appui militaire et politique contre le gouvernement légal.

C’est ainsi que les forces françaises se sont contentées de se positionner en « force d’interposition », et d’établir une ligne de démarcation (cyniquement baptisée « zone de confiance ») entre les troupes gouvernementales et les rebelles. Ce qui revenait en fait à mettre ces derniers à l’abri d’une éventuelle tentative de reconquête gouvernementale, et par conséquent, à les préserver militairement et à les imposer sur le plan politique.

Une vaste campagne de communication pour discréditer et isoler le gouvernement légal.

Les événements des 6 et 7 novembre 2004 sont une illustration flagrante de cette politique cynique. On se rappelle, en effet, qu’à la suite du bombardement, le 6 novembre 2004 par l’aviation ivoirienne du cantonnement français de Bouaké, bombardement qui causa la mort de 10 personnes dont 9 militaires français, l’armée française, sous prétexte de représailles, a procédé le lendemain, à la destruction totale de la force aérienne ivoirienne.

Mais le plus curieux, c’est que les circonstances du bombardement du cantonnement français demeurent non élucidées à ce jour. Ce sont les autorités françaises, pourtant particulièrement concernées par la mort de 9 de leurs compatriotes, qui se montrent les moins disposées à voir cette affaire éclaircie, et ce au grand dam des familles des victimes.

Nous rappellerons à ce sujet l’épisode de l’arrestation au Togo de ressortissants biélorusses, manifestement impliqués dans l’affaire du bombardement, et que les autorités togolaises ont dû relâcher tout simplement parce que la France s’est refusée à les réclamer. Mais on peut se faire une idée des tenants et aboutissants de ce mystère et comprendre les raisons de l’attitude de la France, si l’on mesure les effets et la portée de sa riposte.

Il ne fait aucun doute en effet, que la destruction de la flotte aérienne ivoirienne a neutralisé les capacités offensives de l’armée gouvernementale, et qu’elle a par conséquent rendu un fier service à la rébellion, conforté la position militaire des rebelles putschistes. Tel était donc le but recherché.

Ajoutons que l’émotion suscitée à cette occasion, a permis d’alimenter une vaste campagne de communication pour discréditer et isoler le gouvernement légal, et à l’inverse, assurer la promotion médiatique et politique des rebelles putschistes de la clique Ouattara-Soro. Cet appui militaire de la France est donc venu en complément de son soutien politique.

Il ne fait aucun doute, en effet, que la France s’est d’emblée politiquement placée dans le camp de la rébellion. Dans ce sens, le geste accompli par le ministre Villepin qui n’a pas hésité à se rendre, le 4 janvier 2003 en zone rebelle pour saluer ostensiblement Guillaume Soro, est un signe très fort : c’est le signe de la reconnaissance politique et de la légitimation des rebelles putschistes par le gouvernement français.

La tournure prise par l’intervention militaire française est un autre signe : en interdisant dans les faits la zone rebelle au gouvernement légal, en empêchant toute tentative de reconquête militaire, la France n’a laissé à ce dernier en guise de solution, que la négociation avec les rebelles putschistes : c’était une manière d’imposer au gouvernement légal la reconnaissance politique et la légitimation de ces rebelles.

L’accord de Marcoussis-Linas, qu’elle a concocté, organisé et piloté, a permis à la France d’élargir au plan international cette reconnaissance politique et cette légitimation de la rébellion, et de couvrir du sceau des Nations Unies et de la prétendue « communauté internationale » ses manigances en Côte d’Ivoire. On le voit à travers la résolution 1464 du Conseil de Sécurité (mars 2003) : reprenant à son compte les termes de l’accord de Marcoussis.

Résolution qui s’est contentée d’appeler à une « solution pacifique de la crise ». En même temps, on passe sous silence le fait qu’à l’origine de cette crise, il y avait une tentative de putsch suivie d’une rébellion armée, c’est-à-dire une tentative d’atteinte à la sûreté de l’État ivoirien suivie d’une atteinte à l’intégrité territoriale de la Côte d’Ivoire. Comme il fallait s’y attendre, la résolution s’est abstenue de désigner les responsables, les instigateurs du putsch et de la rébellion.

Dans ces conditions, c’est tout naturellement que ces derniers se sont sentis autorisés à faire ce que bon leur semble, sûrs de leur impunité. C’est ainsi que les diverses négociations n’ont rien donné. Mais entre-temps, la France et ses affidés ont pu saisir toutes les occasions pour grignoter et affaiblir le pouvoir du gouvernement légal, l’isoler sur le plan politique et le diaboliser auprès de l’opinion internationale grâce à un grand tapage médiatique. C’est dans ce contexte que s’est déroulée l’élection présidentielle de 2010. L’enjeu réel de cette élection présidentielle.

De cette élection, on a surtout retenu le deuxième tour dont le résultat contesté, ont servi à justifie la reprise des hostilités avec le résultat que l’on sait. Avec comme responsable désigné, Laurent Gbagbo, accusé de n’avoir pas voulu accepter le verdict des urnes, dont on ne cesse de répéter qu’il a été confirmé par « la communauté internationale », et notamment par les Nations unies.

Pour notre part, les nombreuses expériences malheureuses que nous avons vécues ces dernières années en matière d’élections dans notre pays, le Togo, les observations que nous avons pu faire au-delà de nos frontières dans ce qu’on appelle « le pré carré français » sont suffisamment édifiantes pour nous permettre d’affirmer que la présence d’observateurs étrangers et de délégation de ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale », ne garantit nullement la transparence et la justesse des élections.

Les conclusions de ces représentants étrangers n’ont jamais traduit la vérité des urnes. Les Togolais sont bien placés pour savoir que de ces représentants étrangers servent surtout à cautionner les mascarades électorales dont les résultats sont programmés d’avance.

Nos compatriotes ont depuis bien longtemps l’habitude de la formule convenue que les instances internationales leur servent à toutes occasions, à savoir que les manquements signalés « ne sont pas de nature à mettre en cause le résultat général ». Les Togolais savent bien qu’une telle formule sert seulement à couvrir et à cautionner les fraudes massives et les manipulations les plus grossières.

Nous ne sommes donc guère surpris de voir l’ONU apporter sa caution au résultat de ce second tour de l’élection présidentielle ivoirienne, alors que l’on recense des centaines de bureaux de vote où le nombre des votants est largement supérieur au nombre des inscrits, et des centaines de bureaux de vote où le pourcentage des voix favorables au candidat Ouattara est de 100% ! Nous savons que cette supervision de l’ONU n’est que du bidon.

Mais pour bien comprendre l’enjeu que représente réellement cette élection, il ne faut pas s’en tenir uniquement à cette question de comptabilité électorale ; il faut revenir au contexte politique dans lequel elle s’est déroulée. Nous rappelons en effet qu’au moment où se déroulait ce scrutin, une partie du territoire était toujours sous occupation d’une rébellion armée, que le principal allié du candidat Ouatttara, Guillaume Soro, était un chef de guerre, un dirigeant de cette rébellion qui refusait de désarmer, et ce en toute impunité.

Dans ces conditions, cette élection n’est qu’une manière d’achever la légitimation du clan Ouattara-Soro-Bédié, de donner un vernis légal à leur prise du pouvoir par la force. Nous relèverons, d’ailleurs, en passant qu’on ne parle plus désormais que de « la crise postélectorale », comme si tout avait commencé en Côte d’Ivoire en 2011, comme si rien ne s’était passé avant ! Ce n’est pas du tout un hasard. Il s’agit tout simplement pour la France, pour les Nations Unies et pour la CPI, de couvrir d’un voile, de faire oublier le passé et les menées putschistes des hommes qu’elles ont poussés au pouvoir, d’imposer l’idée que ces derniers sont des élus, et de leur donner ainsi une nouvelle virginité politique.

Une reconquête néocoloniale de la France

Mais comment expliquer cette politique d’opposition systématique de la France à Gbagbo, cette volonté de l’abattre à tout prix ? Après tout, ce dernier n’est pas un véritable démocrate anti-impérialiste, et il s’est bien gardé de s’en prendre aux intérêts des grands groupes français en Côte-d’Ivoire. La réalité c’est que GBAGBO est un bourgeois nationaliste qui voulait diversifier ses liens de dépendance, un peu à la manière, d’un Sylvanus Olympio des années 1958-1960 au Togo. Une telle démarche était intolérable pour l’impérialisme français soucieux de conserver sa position hégémonique, à la Françafrique et à leur représentant, Chirac et Sarkozy.

Bref, nous sommes tout simplement en présence d’une opération de reconquête néocoloniale qui montre bien que la France n’est pas disposée à renoncer sans combat à son rôle de gendarme en Afrique. Avec cette différence par rapport au passé récent, qu’elle tient compte des rapports de force actuels dans le monde et de la prise de conscience de nos peuples ; qu’elle bénéficie désormais d’une complicité active et de la collaboration actives de l’impérialisme américain ; que de plus en plus elle cherche à s’abriter derrière les Nations Unies, et la prétendue « Communauté internationale », et à utiliser les États qui sont à son service, comme le Togo de Faure Gnassingbé. C’est pourquoi, nous dénonçons la participation des FAT à cette entreprise d’agression menée contre le peuple ivoirien, sous le couvert de l’ONUCI.

L’expérience malheureusement que vit le peuple ivoirien à l’heure actuelle nous fait comprendre, une fois de plus, que la lutte pour la démocratie est liée à la lutte contre l’impérialisme et pour l’indépendance véritable, et que la démocratie véritable passe par la dénonciation des accords de sujétion, et notamment cet accord de défense avec les pays impérialistes, notamment avec la France.

Nous sommes certains que la peuple ivoirien trouvera en lui-même des ressources pour tirer les leçons nécessaires, et pour poursuivre la lutte jusqu’à sa libération concrète, condition nécessaire pour instaurer la démocratie véritable.

Togo En Lutte

Le Front des Organisations Démocratiques Togolaises en Exil

Bruxelles, le 11 avril 2015

Infos : www.togoenlutte.org

Contact : togoenlutte@gmail.com

Mouta W Maurice Gligli-Amorin

 

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