En ce 15 août 2011, jour de l’Assomption, la Vierge Marie aurait-elle chuchoté à l’oreille du locataire du palais de Sékoutouria ? En tout cas, ce jour-là, il a plu à son Excellence Monsieur le président de la République de Guinée, Alpha Condé, d’exprimer sa très haute magnanimité en accordant sa miséricorde à trente-sept de ses concitoyens.
Pour s’être rendus, le 3 avril dernier, à l’aéroport de Conakry pour accueillir l’opposant Celou Dalein Diallo de l’UFDG, les bénéficiaires de cette miséricorde s’étaient attirés les colères homériques du chef de l’Etat guinéen. La suite, on la connaît : interpellation, jugement et condamnation à des peines allant de six mois avec sursis à deux ans ferme.
Le message était fort, clair et limpide : la seule personne digne d’accueil triomphal, c’est moi, Condé, l’Alpha et l’Oméga de la classe politique guinéenne. Il ne saurait y avoir deux capitaines dans le Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. Sans doute cette amnistie contribuera-t-elle à apaiser un climat politique et social délétère : tentative de coup d’Etat ou d’assassinat du président, c’est selon, l’interdiction de l’autorité en charge de la régulation des médias de faire cas de cette affaire dans la presse et des misères faites à Celou Daleine Diallo, candidat malheureux mais non moins valeureux à la dernière présidentielle. A tout cela s’ajoutent les relents de suspicion qu’exhale la victoire, au second tour, de l’« opposant historique » face au candidat de l’UFDG.
Pour prophylactique, cette grâce présidentielle l’est sans doute, dans cette Guinée devenue depuis comme une cocotte-minute capable d’exploser à tout moment. Car avec cette nébuleuse affaire de tentative de déstabilisation au sommet de l’Etat suivie d’arrestation et de valse de hauts gradés au sein d’une armée déjà mécontente de son chef suprême, il ne fallait pas en ajouter en restant sourd à « la demande de clémence des familles » des trente-sept condamnés, dont la seule faute fut d’avoir exprimé leur sympathie pour un opposant.
Espérons qu’en signant le décret de l’Assomption, Alpha Condé, qui semblait jusque-là flotté dans le fauteuil présidentiel, a véritablement pris l’envergure d’homme d’Etat. Pourvu que ça dure, cette mue nécessaire dont la Guinée et les Guinéens ont besoin pour panser les stigmates de plus d’un demi-siècle de dictature sékoutouréenne et d’oligarchie de bas étage sous le règne du chef fainéant Lanssana Conté !
Par Alain Saint Robespierre
L’Observateur Paalga