Lynx.info : De Gaulle grand vainqueur de la deuxième guerre mondiale n’avait pas autant humilié le maréchal Pétain. Comment expliquez-vous qu’Alassane soit sans pitié pour Laurent Gbagbo ?
Maître Cheikh Koureyssi BA : Je vous remercie de votre invitation. Permettez-moi, avant de répondre à votre question, de communier en pensée avec les frères et sœurs en Islam qui sont en train d’observer le jeûne du mois sacré de Ramadan. Puissent-ils sortir purifiés de cette épiphanie, plus forts et meilleurs afin que Allah, dans Sa grande miséricorde, continue à nous dispenser, à nous tous, Ses innombrables bienfaits. J’associe à cette prière les frères et sœurs des autres religions et croyances à travers le vaste monde. Fasse Dieu qu’ils puissent également bénéficier des récompenses promises à tous ceux qui se sont attachés dans ce mois de pénitence à observer scrupuleusement les prescriptions de ce pilier essentiel de la foi musulmane qu’est le jeûne. Je pense particulièrement au peuple frère de Côte d’Ivoire, frappé par un sort cruel qui semble s’acharner sur lui depuis le second tour de cette maudite élection présidentielle du 28 Novembre 2010 censée lui apporter enfin la paix. Contraint d’endurer les rigueurs du Carême sous les bombardements des « alliés » décidés à installer leur valet, privé de célébrer la fête de Pâques, le voici encore obligé de vivre des épreuves autrement démoralisantes en ce Ramadan !
Pour en venir à votre question, je vous demande pardon, mais elle me laisse une vague sensation d’embarras. C’est comme si vous me demandiez de faire le rapport entre Angleterre et pomme de terre ! Je vous avouerais d’emblée mon incompétence ! Quoique je fasse, en effet, je ne vois aucun début de lien, aucun commencement de rapport ! Alassane Dramane Ouattara, c’est un truisme, n’est pas Charles De Gaulle. Les ayants droit de ce dernier seraient, au demeurant, fondés à vous demander des comptes, si vous persistez à faire une telle comparaison! D’un autre côté, le maréchal Pétain n’est pas Laurent Gbagbo, c’est également une évidence. Et là ce sont tous les dignes fils du Tiers-Monde que vous risquez de blesser dans leur chair en persévérant dans l’offense de comparer un vicaire capitulaire, fût-il maréchal, à l’empereur de la nouvelle Afrique!
Cela dit, votre question est fondamentale, encore qu’il me paraît important de procéder d’ores et déjà à un aménagement de détail. Quoiqu’il puisse faire, l’imposteur adoubé par la communauté internationale ne pourra jamais porter atteinte au moral du président Laurent Gbagbo. Ce dernier se situe à une altitude où rien de vil venant de ce triste personnage ne pourra l’atteindre. Il n’a donc aucune pitié à demander à qui que ce soit, encore moins à un préfet transporté par les chars de l’armée française et imposé envers et contre tout à un peuple qui l’exècre au plus haut point.
Cet aménagement de détail fait, il convient de retenir que le général De Gaulle et le maréchal Pétain, en dépit des vicissitudes de l’Histoire qui les ont opposés, avaient en partage des valeurs-refuge, au nombre desquelles la commune appartenance à la patrie n’était pas la moindre. Le simple fait d’être tous deux des enfants de la même patrie ayant servi, chacun à son niveau et à son heure, les intérêts supérieurs de cette patrie de la manière qui lui a semblé la plus appropriée, comporte des servitudes. Notamment la retenue, le souci de traiter l’adversaire malheureux avec respect et dignité, de se garder de l’humilier, la garantie de ses droits fondamentaux d’être humain, de citoyen français, qui plus est d’ancien chef de l’Etat. Ce sont des servitudes dans la mesure où le code d’honneur tiré des racines profondes de tout peuple impose une telle conduite aux vainqueurs quelle qu’ait été l’ampleur ou la férocité du combat ayant opposé des concitoyens.
Ouattara, lui, confirme a posteriori tout ce qui avait mobilisé les Ivoiriens contre sa personne, à savoir qu’il n’est pas des leurs. Ses actes, jusqu’aux tout derniers qu’il vient de poser, ne sont pas ivoiriens. Son discours tranche d’avec ceux des Ivoiriens. Même ses modes d’expression de la violence ne sont pas ivoiriens ! Il y a une raison à cela. Il faut aller la chercher dans ce que l’on appelle la nationalité. La Cour Internationale de Justice l’a définie dans un arrêt célèbre datant d’avril 1955 comme « un lien juridique ayant à sa base un fait social d’attachement, une solidarité effective d’existence d’intérêt, le sentiment joint à une réciprocité de droits et de devoirs ». Cela signifie qu’entre l’Etat et son national il doit s’opérer une osmose, une unicité d’action, ils doivent faire corps. Le lien qui rattache l’individu à un Etat doit être effectif, cette effectivité étant d’ailleurs, avec le principe de l’exclusivité, une des mamelles de la nationalité.
C’est pourquoi les juristes considèrent que l’effectivité est pour l’Etat et son national ce qu’est la possession d’état en matière de filiation entre les enfants et les parents. Venu pour la première fois à l’âge de 50 ans dans le pays pour devenir un national, Ouattara trahit encore à ce jour sa cruelle méconnaissance des réalités d’une nation qui a fini par lui faire de la place, mais qui n’a eu de cesse de le rejeter constamment du fait de sa propre inaptitude à s’intégrer. Sinon, le bon « dioula » ivoirien voit dans le frère bété, plus qu’un cousin à plaisanterie, un totem ! Sinon l’Ivoirien bon teint préférerait mourir cent fois que de supplier les grandes puissances de bombarder son pays, de tuer ses compatriotes, de les priver de médicaments et d’accès à leur compte en banque, de décréter un embargo sur les principaux produits qui les font vivre, et j’en oublie…Il faut être Ouattara, c’est-à-dire un aventurier-apatride honteux de ses racines pour oser se comporter de la sorte. Mais enfin, tout cela ne mènera à rien…
Lynx.info : Il paraît que Ouattara en veut au FPI de lui avoir refusé le droit d’être ivoirien. D’autres avancent l’humiliation du Golf Hôtel… C’est votre avis aussi ?
Non, mais je pense que ceux qui soutiennent ce point de vue n’ont pas entièrement tort. C’est au droit international d’abord que Ouattara aurait dû s’en prendre, ce droit lui-même lui déniant le droit de se réclamer ivoirien. Il pourrait s’attaquer ensuite au PDCI et à son chef, son nouvel allié Konan Bédié, pour avoir théorisé – à juste titre au demeurant- l’exclusion du jeu d’un intrus et pour l’avoir contraint à l’exil en lançant à son encontre un mandat d’arrêt pour avoir commis un délit d’autant plus grave que cette personnalité avait eu de facto la possibilité de diriger le pays durant trois années. Il n’oublierait pas, en passant, de s’en prendre à celui sous l’autorité de qui ce mandat de justice avait été émis, au lieu d’en faire son ministre de la justice et nouveau lécheur de bottes zélé, sans omettre d’ajouter aux représailles la plume si serve qui l’avait le plus insulté, au lieu de lui donner l’occasion de se racheter à la direction de Fraternité Matin par des articles dégueulasses qui dénotent d’un manque de vergogne hallucinant.
Dans le souci de mettre un terme à une situation de ni guerre ni paix qu’elle-même entretenait, la communauté internationale a demandé en pleurnichant que des assouplissements soient concédés afin que tous participent à l’élection de sortie de crise. Le FPI a décidément bon dos, alors que seuls le sens politique aigu et la disponibilité démocratique de ses dirigeants ont permis de décanter la situation, là où le PDCI n’avait rien voulu entendre.
Sinon ce que l’histoire, petite ou grande, a retenu, c’est que c’est bien Gbagbo qui a mis fin au drame de son pauvre opposant en lui permettant de participer à une élection présidentielle en CI. Et ceci, en recourant à un artifice qui lui a été pour ainsi dire arraché au nom de la paix, à l’occasion des accords de Tschwane ex-Pretoria : éviter à Alassane Ouattara un recours humiliant au référendum sur l’article 35 de la Constitution, ses sponsors sachant qu’il n’aurait bénéficié au mieux que de 25% de l’électorat, son poids maximum estimé. Donc lui faire la charité de mettre en œuvre l’article 48 de la même loi fondamentale prévoyant les pouvoirs exceptionnels du Président de la République pour lui accorder, à lui qui n’est pas ivoirien, la possibilité de participer à une présidentielle dans le pays ! Tout cela parce que les pâtissiers avaient leur agenda secret…
Vous savez, la question de la nationalité est cruciale, l’on ne s’amuse pas avec. Tout Etat, pour fonctionner, exerce trois types de compétences : la compétence territoriale, la compétence fonctionnelle et la compétence personnelle. Cette compétence personnelle s’appuie sur le lien juridique qui unit personnellement l’Etat à un individu.
J’ai évoqué tout à l’heure la notion d’effectivité de ce lien ; il y a une autre notion tout aussi importante, celle de l’exclusivité qui se décline ainsi qu’il suit : l’Etat est seul compétent pour déterminer quels sont ses nationaux dans l’état actuel du droit international. Donc les questions de nationalité se trouvent dans le domaine réservé à la compétence exclusive de l’Etat. Ainsi avait décidé la Cour Permanente de Justice Internationale, l’ancêtre de la C.I.J., le 7 Février 1923 dans l’affaire tout aussi célèbre dite des traités de nationalité en Tunisie.
La Convention de La Haye du 12 Avril 1930 prescrit d’ailleurs en son article 1er : « Il appartient à chaque Etat de déterminer par sa législation quels sont ses nationaux ». Depuis son accession à la souveraineté internationale, l’Etat de Côte d’Ivoire s’est dotée de son arsenal juridique en la matière : un code adopté en 1960 et des décrets d’application pris les années suivantes. Comme on le sait, il y a deux systèmes utilisés séparément ou conjointement par les législations nationales des Etats : le système de la nationalité du lien de sang (liens de filiation ou de mariage), le système de la nationalité du lieu de naissance. La Côte d’Ivoire a choisi le système de la nationalité du lien de sang, comme la plupart des pays où la fraude sur l’état civil est un sport national.
C’est donc à la souveraineté que renvoie la notion de nationalité, les deux vocables ramenant à la même réalité. D’où la haine morbide que nourrit le sieur Ouattara à l’endroit de ce pays, allant jusqu’à jurer de le rendre ingouvernable, ce qu’il a réussi à faire d’une façon si parfaite que son pouvoir fantasque est la première victime de cette menace. Cet homme en veut donc à toute la Côte d’Ivoire, et même ses alliés du RHDP le savent, qui ne perdent rien pour attendre.
S’agissant du vaudeville du Golf, vous devriez plutôt parler d’une auto-humiliation. En fait, rétrospectivement, qu’un homme comme Alassane Ouattara, qui a réuni tous les observateurs sur son manque de courage physique vu ses prouesses en escalade de mur et ses fuites restées célèbres dans les annales, qu’un tel héros eût pu choisir de se barricader dans son Q.G. augurait déjà d’un coup d’Etat en préparation. Les allées et venues de ceux que j’ose appeler les ambassadeurs de France et des USA dans ce bivouac placé sous la haute protection de l’Onuci préfigurant l’ampleur du coup en préparation. Cela n’a pas empêché le président Gbagbo, visiblement navré, d’en appeler au sens éthique de ces marginaux au cours de son message de nouvel an qu’il avait mis à profit pour leur demander de se ressaisir et de libérer ce trou où personne ne les avait plongés. Evidemment, il n’avait aucune chance d’être entendu, tout ce beau monde ayant à ce moment précis évalué les chances de réussite du sale coup qui allait être porté contre la nation ivoirienne et son pouvoir légitime.
Ce qui peut étonner, par contre, c’est que l’homme Ouattara persévère comme le diable qu’il est dans le projet vain de détruire à tout prix un homme qui ne lui a rien fait, qui n’a eu, au contraire, que compassion pour lui, je suis bien placé pour le savoir ! Comment cet homme, après avoir persécuté toute une nation durant plus d’une décennie sans prendre un seul jour de repos, arrive-t-il à trouver le sommeil ? Il ne va quand même pas nous dire qu’il dort sans problème après avoir anéanti méthodiquement toutes ces vies ? A croire que les hurlements des femmes et des bébés éventrés, les cris des adolescents, des hommes dans la force de l’âge et des vieillards torturés puis abattus de balles dans la tête, les supplications des fillettes et femmes violées à répétition avant d’être affreusement égorgées, les gémissements de douleur de ces hauts responsables gardés au secret et dont l’Afrique digne ferait un tout autre usage, toutes ces horreurs résonneraient donc à ses oreilles comme autant de mélodies symphoniques…Y a pas à dire, cet homme est un sadique !
Lynx.info : Si nous partons des chiffres de la CEI, sur 100 ivoiriens, 46 ont voté pour Laurent Gbagbo. Ouattara semble ignorer tout ce grand monde. Comment vous l’expliquez ?
C’est tout dire. Alassane Dramane Ouattara est un piêtre politique, il n’y connait pas grand-chose, que voulez-vous attendre de sa part dans ces conditions ? Ensuite il est le parfait étranger ! Etranger à la Côte d’Ivoire qu’il tient à diriger vaille que vaille, étranger à un peuple qu’il n’arrive toujours pas à connaître, ce qui est le comble, étranger à l’art de gérer la cité. La démocratie ? Il ignore à quoi ce vocable galvaudé renvoie. Que l’on ne s’étonne pas alors qu’il ait, en moins d’un trimestre d’exercice du pouvoir, transformé ce beau pays en désert juridique, en zone de droit, en ghetto sordide où la misère a pris ses quartiers et en terre de feu sur laquelle des hordes de criminels jamais repus de sang humain exercent souverainement leur droit de vie ou de mort sur qui ils veulent.
Tout cela parce qu’il traîne le complexe incurable du métèque à la rancune tenace qui entend faire payer tous ceux qui ne lui ont pas fait confiance, tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Encore heureux qu’il soit freiné dans son élan génocidaire par ses propres alliés, sinon son ambition secrète est de transformer Abidjan en un gigantesque cimetière à ciel ouvert.
Lynx.info : Finalement Alassane n’a pas seulement utilisé ses seigneurs de guerre. Il tient à travailler avec eux. Y a-t-il une explication à cela ?
Pourtant les accords de Ouagadougou avaient été on ne peut plus clairs, s’agissant de ces gens de sac et de corde : ils devaient être envoyés d’office à la retraite et bénéficier d’une rente confortable destinée à leur consommation de joints et de barbituriques, vu qu’ils se sont enrichis à coups de milliards avec les trafics illicites de toutes natures auxquels l’état d’anomie durant une décennie leur a permis de se livrer depuis la partition du territoire ivoirien. Au lieu de cela, leur chef les a nommés à la tête d’unités significatives dans la chaîne de commandement ! Pouvait-il faire autrement ? Assurément non !
Contraint et forcé de composer avec eux vu les menaces qu’il reçoit à longueur de journée, le chef rebelle ne peut plus se séparer de ses frères! Leur devise est : à la vie à la mort, ton pied mon pied ! Ils ont pris le pouvoir ensemble, et c’est ensemble qu’ils vont l’exercer. Comme quoi, l’on peut aimer le poison, mais non s’en trouver bien !
Je ne pousserai pas la désobligeance jusqu’à vous demander de vous mettre à la place de ces rebelles, mais tâchez au moins de comprendre leur position : ils ont été chouchoutés par les sponsors de leur chef, financés, reçus dans les palais et résidences cossus des grands décideurs, médiatisés comme des libérateurs, encouragés à semer la mort et la désolation sur leur passage sans se gêner le moins du monde, assistés dans un pillage sans nom et sans précédent, cela pendant neuf longues années. Ensuite, l’ONU, la France, l’Union Européenne, la grande Amérique soi-même les ont biberonnés, chaperonnés, armés et transportés jusque dans le cœur d’Abidjan pour cueillir à leur place un président légitime et le leur remettre gracieusement…
Voilà maintenant que par une singulière opération du Saint-Esprit les commanditaires et instigateurs de leurs odieux crimes, ceux-là-mêmes qui leur ont procuré aide et assistance durant toutes ces années, se mettent à leur demander des comptes, à les dénoncer et à les menacer de poursuites pour cette effroyable boucherie, comme quoi le diable n’a pas d’ami ! Un comble ! Ceux-là qui leur disaient de ne jamais déposer les armes sont aujourd’hui les mêmes à leur demander de le faire au nom de la loi et de la justice internationale. A moins d’être fou, Alassane Ouattara est donc placé dans la contrainte majeure de composer avec ses chefs de guerre, en étant certain que leurs destins sont désormais irréversiblement liés. Je suis sûr qu’il est en train de maudire le jour où l’idée satanique lui est venue de prendre langue avec ses auxiliaires et mercenaires, tout en méditant ce qu’a écrit Machiavel à propos de tels compagnons : « Cette force peut être utile et bonne en elle-même ; cependant, elle est presque toujours dommageable à ceux qui y font appel : si elle perd, tu subis leur défaite ; si elle gagne, tu deviens son prisonnier. L’histoire ancienne est remplie de cas semblables ».
Lynx.info : Il paraîtrait que le nord de la Côte d’Ivoire a une économie parallèle ? A votre avis, Alassane Ouattara a-t-il les moyens pour stopper ses alliés d’hier ?
C’est un secret de Polichinelle. Toute rébellion est d’abord économique. Aussi la partition du territoire ivoirien dès le 19 Septembre 2002 s’est-elle faite avec la bénédiction de la France, du Burkina et du Mali, rejoints plus tard par l’Onu. L’occupation de Bouaké, deuxième place financière de l’Uemoa, où l’Etat rebelle a posé ses baluchons, a permis la sanctuarisation de l’ensemble du nord ivoirien. Puis les tentacules de cette rébellion vont s’étendre insidieusement à tout le centre-ouest à l’exception de quelques poches imprenables.
Les brigands ont commencé par le casse des banques (celui de la seule Bceao de Bouaké en Septembre 2003 ayant rapporté 20 milliards!), le racket généralisé, l’exploitation du secteur minier (notamment à Séguéla et Tortiya), et tous ces réseaux informels (trafics en tous genres, diaspora, aides officieuses du Burkina et du Mali, dons d’Alassane Ouattara). Cette manne difficilement quantifiable a permis de jeter les bases financières de l’Etat rebelle que les Ivoiriens à l’humour légendaire ont appelé Côte d’Ivoire Deux !
L’autre partie des recettes, la plus importante, provenait du racket en plein jour qui se faisait avec la bénédiction de la France. Ce racket qui n’a épargné personne (des gens à pied sur les check-points aux grumiers, en passant par les camions de denrées, de vivriers, de marchandises diverses et les bœufs allant à l’abattoir), a joué le rôle primordial dans le financement de la branche militaire de la rébellion. Le grand problème du père de la rébellion consiste dans l’assèchement de cette source, qui s’est d’ailleurs déplacée dans la ville d’Abidjan occupée, avec les mêmes forces à la baguette, tenant tous les quartiers sous leur joug !
Le fruit de ce racket remontait au petit chef rebelle Guillaume Soro, qui amassait des centaines de milliards de francs Cfa à partir des trafics sur le bois, le cacao, le coton et le sucre, ces deux derniers produits inondant les marchés burkinabé et malien. Le cacao, pour sa part, était envoyé au port de Lomé via le Burkina, pays qui a du reste organisé sa propre filière cacao en direction du Ghana cette fois, exportant 250.000 tonnes de ce produit sur une production de 1.300.000 tonnes, excusez du peu pour un pays aride au sol ingrat où ne pousse le moindre plant de cacaoyer ! Les populations des zones productrices de l’ouest ivoirien ayant été décimées, un grand nombre de Burkinabés sont devenus des planteurs au nombre desquels on dénombre onze milliardaires du cacao et du café dont le point commun est d’être des prête noms de Blaise Compaoré !
N’oubliez pas que tous les chefs rebelles en second, les six commandants de zones à qui Soro redistribuait le quart de la masse à partager, ont institué, chacun sur son périmètre, un système de racket pour se procurer également un trésor de guerre. La sécession molle du pays a de ce fait permis la métastase de brigands multi milliardaires dans les zones les plus misérables d’une Côte d’Ivoire irrémédiablement détruite par Alassane Dramane, ses sbires et ses parrains. Il en est ainsi des villes de Bouaké (Chérif Ousmane), Bouna (Ouattara Morou), Korhogo (Diarrassouba), Man (Fofana Losséni), Odienné (Tonkoura) et Séguéla (Koné Zakaria), encore et toujours sous l’autorité de leurs adjoints à présent que les chefs valeureux ont reçu une promotion méritée dans l’armée républicaine…
Le résultat singulier auquel a abouti aujourd’hui ce brigandage décennal de haut vol est que le principe de l’unicité des caisses de l’Etat, déjà mis à mal, est devenu une vue de l’esprit ! L’administration fiscale et douanière n’ose pas se déployer dans ce no man’s land en dépit des appels répétés de l’agent causal de cette déplorable situation. Aussi la décision de dissolution de la « Centrale » de la rébellion annoncée triomphalement par les autorités ivoiriennes ne fait au plus qu’amuser la galerie. On attend le maçon au pied du mur, en quelque sorte, car Ouattara ne récoltera que ce qu’il a semé pour s’être allié au diable…
Lynx.info : …. Mais on dit qu’il a le soutien de la communauté internationale, le Nigéria et la Cedeao….
Grand bien lui fasse ! Tout cela est virtuel, vous savez. Son régime sera soufflé comme un fétu de paille quand viendra le temps, et je serais curieux de savoir de quelle utilité lui seront ces faux amis après tout ce qu’ils ont subi comme pertes dans cette honteuse razzia dans un pays frère à l’instigation de leurs maîtres.
Lynx.info : Les organisations des droits de l’homme ont beau crier sur le non-respect des droits de l’homme, Alassane semble être sourd. Comment expliquez-vous cette indulgence des pays riches à son égard ?
Solidarité entre frères d’armes oblige ! Mais il ne fait pas la sourde oreille ! Il préfère, toute honte bue, opposer des dénégations effrontées, rejeter avec humeur ces cris d’orfraie et se la jouer poète angélique, pendant que ses épigones affolés crient au complot. Comparez avec Gbagbo : à chaque sortie de ce genre d’organisations, il a toujours exigé qu’une enquête soit ouverte immédiatement, et invité invariablement les accusateurs à s’y associer si tel était leur désir. C’est cela la posture d’un homme honnête qui n’a rien à se reprocher!
En revanche, il ne perd rien pour attendre, Ouattara. Ceux que vous appelez les pays riches, en réalité des PPTE, Pays Puissants Très Endettés, n’ont pas d’amis. En plus ils ont des comptes à rendre à leur opinion publique. Sous la pression des événements et avec la dissipation de l’épais rideau de fumée qui a embrouillé un moment la visibilité de cette opinion publique sur la situation en Côte d’Ivoire, ces puissances ne vont pas tarder à se défausser sur ce libéral africain sanguinaire et le soumettre à l’audit humanitaire qu’il mérite. Le flop magistral de sa visite aux Etats-Unis qu’il a été obligé d’écourter du fait des humiliations subies n’est qu’un signe avant-coureur de ce qui lui est réservé.
Il y a cependant des non-dits dans cette affaire de coup d’Etat sanglant en Côte d’Ivoire. L’ONU, notamment, n’est pas exempte de tout reproche, et si elles veulent vraiment faire œuvre utile, ces organisations de défense et de promotion des droits de l’homme devraient enfin dire ce qu’elles savent des manœuvres criminelles de Young Ji Choï et de son staff, en les invitant tout simplement à s’expliquer sur les nombreux décès suspects des hauts- fonctionnaires onusiens qui avaient été assignés aux tâches électorales et qui ont presque tous connu une fin brutale, soit en recevant une balle perdue, soit en perdant la vie dans des douteux crashes de coucous justes bons pour la casse, soit en décédant des suites de courtes maladies, bref des versions loufoques que les familles acceptent avec fatalité, alors qu’il est avéré que ces cadres, une fois la mission accomplie, étaient devenus pour la plupart encombrants ou trop indiscrets…
Les avoirs de ce fonctionnaire sud-coréen, de son chef de New-York et de leurs collaborateurs qui ont activement soutenu l’imposture de Ouattara devraient également, dans un souci de transparence, être passés au peigne fin. Il faut que ces organisations sortent de leur ronronnement sélectif et à double vitesse pour se rendre enfin dignes de leur mission. Ouattara et ses tueurs à gages doivent tomber, mais pas seuls !
Lynx.info : Parlant de « l’ivoirité », son initiateur qui n’est autre qu’Henri Konan Bédié parle d’un petit malentendu avec son petit frère Ouattara. Est-il sincère à votre avis ?
Vous savez, si le successeur du président Houphouët-Boigny était un produit de consommation courante, il aurait déjà atteint la date limite de consommation. C’est vous dire qu’il est périmé, irrémédiablement ! Toutefois, ayant atteint sans trop de mal la ménopause politique, il aurait pu consacrer le peu d’énergie qui lui reste à laisser un moins mauvais souvenir aux générations futures, à la postérité. Qu’attend-il encore de la vie, serais-je tenté de lui demander, pour se renier de la sorte et aller jusqu’à flirter avec l’homme qu’il déteste probablement le plus sur terre ! Ce qui fait mal en Afrique, mais qui est de nature, paradoxalement, à réconforter les franges jeunes, c’est la survivance larvée de cette sorte de délinquance gérontocratique sur la scène politique de nos différents pays. Il n’a pas suffi à ces pépés de vendre l’Afrique, il leur faut en plus narguer ses enfants dont ils ont sacrifié l’avenir…
Lynx.info : La réconciliation entre Ivoiriens, rêve ou réalité ?
Il me semblait pourtant vous avoir répondu lors de la dernière interview que vous m’avez fait l’honneur de m’accorder, en vous disant, et c’est ce que je suis malheureusement porté à croire s’agissant de Ouattara, que le mot « réconciliation » est aux antipodes de son histoire personnelle, inconnu dans son lexique et incongru dans sa bouche. Je n’en démords pas. Cet homme sans cœur continue, chaque jour que Dieu fait, de confirmer aux Ivoiriens que la sortie de cette crise ne peut que lui être arrachée dans la mesure où il manque cruellement de lucidité.
J’ai souvent caressé l’idée d’un retour de Alassane Ouattara à des sentiments d’humanité, je le concède. Il est tout de même investi du pouvoir de mettre un terme au cauchemar des Ivoiriens, non ? Mais il n’en a pas l’intelligence, encore moins les dispositions de cœur. Au constat de cette réalité têtue, je me suis fait une religion définitive à son propos. C’est pourquoi je ne puis m’empêcher de penser à un cadavre quand je vois cet homme dont la méchanceté et la perversité sont la marque de fabrique poursuivre allègrement son œuvre de destruction quotidienne des acquis de toute une nation.
Je l’invite à méditer ce proverbe Massaï : « La vie est bien sage de ne pas nous révéler ce qu’elle nous réserve, sinon beaucoup d’entre nous choisiraient de ne pas naître »…
Lynx.info : Je vous remercie, Maître Cheikh Koureyssi BA.
C’est moi !
Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info