Guillaume Soro: oracles incertains [Par Jean-Baptiste Placca]

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A Ouagadougou, comme à Abidjan, les gens sérieux admettent que ce document peut difficilement être un faux

Il y a ceux qui perçoivent, dans les petits désagréments parisiens de Guillaume Soro, un coup de semonce, qui en annonce de bien plus graves, et ceux qui préfèrent y voir une victoire du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Où donc se situe la vérité, dans cette affaire qui a failli ébranler les relations entre la France et son ancienne colonie ?

Tant mieux pour Guillaume Soro, si ses partisans estiment pouvoir tirer un motif de contentement de la levée de ce mandat d’amener. Il n’empêche que, dans le fond, ce type d’affaire ne grandit personne. Il aurait peut-être suffi, pour le deuxième personnage de l’Etat ivoirien, de répondre, d’une manière ou d’une autre, aux convocations du juge, pour ne pas se retrouver ainsi dans l’actualité. Les propres amis de Guillaume Soro, au sein de l’Assemblée nationale, en lui apportant leur soutien ont, sans le vouloir, souligné les inconvénients, pour l’image de leur institution, du refus de répondre aux convocations. Ainsi, lorsqu’ils protestent de ce qu’un tel mandat avait pour conséquence de minimiser la qualité et l’importance de l’institution parlementaire ivoirienne, ils ne font que souligner la gravité de la faute, qui a consisté, pour leur président, à faire le mort. L’on est toujours perdant, à traiter la justice par le mépris.

Cet incident semble clos, mais personne n’a oublié que depuis près de deux mois, Guillaume Soro s’invite dans l’actualité, avec des signaux peu rassurants, qui sont autant d’atteintes à l’image de l’institution qu’il préside.

Vous faites sans doute allusion à la fameuse bande-son de cette écoute, dans laquelle la voix que l’on prête à Guillaume Soro planifie l’élimination physique de quelques hommes politiques burkinabè, tout en reconnaissant quelques assassinats passés. Mais ses conseils contestent l’authenticité de ce document.

Pour une affaire d’une telle gravité, il faut bien plus que de simples dénégations, pour réfuter la paternité des propos en question. A Ouagadougou, comme à Abidjan, les gens sérieux admettent que ce document peut difficilement être un faux. Et si c’était le cas, alors, il faudrait instaurer un Prix Nobel de l’imitation, et l’attribuer définitivement aux auteurs. Certaines des personnes désignées, dans ce document, comme ne méritant pas de continuer à vivre, disent même avoir détecté quelques codes, qu’elles seules connaissent, en dehors de leur ancien ami, devenu président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.

L’authenticité de cette écoute a, du reste, été validée par le Premier ministre de la transition, au Burkina, et l’on imagine qu’il a bien plus d’éléments d’appréciation que nous autres, citoyens ordinaires. Si votre question est de savoir qui, de Soro ou de Zida, est le plus crédible, nous devons humblement admettre que nous n’aimerions pas avoir à répondre à une telle question. Parce que cela reviendrait à dire qui, des deux, a le parcours le plus solide ou le moins tortueux, et qui a les plus mauvaises fréquentations.

Toujours est-il que les incidences de cette bande sont d’une gravité qui ne saurait être résolue par une tentative d’étouffement de cette affaire.

Et puis, très sérieusement, il n’est pas concevable que l’on tue autant, ou projette de tuer aussi facilement, si l’on veut que la démocratie, sur ce continent, et tout particulièrement dans cette sous-région ouest-africaine, s’enracine durablement.

Mais, qu’est-ce qui peut bien, aujourd’hui, perturber la quiétude du leader des ex-Forces nouvelles ?

Très concrètement, Alassane Ouattara, le chef de l’Etat ivoirien, a conquis son second mandat et y est entré de plain-pied, désormais. Cet homme, qui a un souci scrupuleux de son image, et probablement de la place que lui fera l’Histoire, n’a certainement pas l’intention d’y apparaître comme l’homme qui n’a voulu la faux et le glaive que pour ses adversaires. A présent qu’il n’a pratiquement plus rien à craindre ni à perdre, d’un point de vue politique, il va devoir concéder quelques gages à la justice. A la justice de son pays, comme à la justice pénale internationale.
Et si, par quelques imprudences dignes de novices, un ex-chef de guerre, absout et ennobli par le suffrage universel, ouvre lui-même le placard de ses cadavres, lui, le chef de l’Etat ivoirien, n’aura qu’à compatir, si la CPI venait à se saisir de ces imprudences pour lui demander de répondre de son passé.

Par Jean-Baptiste Placca
RFI 

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