Guillaume Kigbafori Soro, du crime au sacerdose

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Mais de qui se moque-t-on ? Ouattara chantre de la démocratie ?

Le PAN Guillaume Soro, sur son mur Facebook, nous livrait hier une petite méditation pascale avant d’embrayer sur sa campagne électorale de soutien au candidat Ouattara, espérant secrètement remplacer très bientôt ce dernier lorsque ses forces l’abandonneront, et s’apprêtant à répondre « présent ! » au cas où la communauté internationale viendrait brusquement à lâcher son patron. Comment ne pas aimer un dauphin si attentionné ? « Nous avons clôturé en prières, en famille et dans l’union des cœurs, le long week-end pascal 2015, entièrement dévoué à la sincérité et à l’examen de conscience. A chacun de nous de voir en quoi il renaît des cendres de sa vie passée, pour mieux affronter les défis du présent et de l’avenir, dans l’harmonie et la joie retrouvées en Côte d’Ivoire. » Ecrit –il pour introduire son appel à venir massivement voter pour Ado le magnifique.

Seulement voilà : si nous revenions sur un autre week-end pascal, celui de 2011, écrit en lettres de sang juste après les événements du 11 avril ? Notre confit en dévotion aurait-il écrit la même chose?

Où se trouvaient « la sincérité et l’examen de conscience à Pâques 2011 » ? Notre pieux Soro Guillaume Kigbafori, rebelle en chef, élevait-il vraiment la coupe des délivrances (Psaume 118) ? ne buvait-il pas plutôt en ce temps-là le sang des Ivoiriens, quitte à faire passer cela pour une forme de communion à leurs souffrances ? Hypocrisie quand tu nous tiens !

La plaie béante et l’infection née du refus de recompter les voix sont toujours visibles, signes manifestes et nauséabonds d’une gangrène avancée. Comment soigner aujourd’hui ce mal sans percer l’abcès, mettre à nu cette purulence, couper les chairs mortes, pour que la plaie puisse enfin cicatriser ? Comment prétendre que la Côte d’Ivoire est en bonne santé quand la moitié de sa population, bafouée sans relâche depuis tant d’années, souffre toujours dans son corps et dans tout son être? Croyez-vous qu’une affection non soignée puisse guérir d’elle même? Où est le sacerdoce du prêtre Soro, plus que jamais marié au passé, au présent et à l’avenir du RDR ? Car rien n’a changé : coups bas, sang versé, toute une carrière de rebelle putschiste… Suffirait-il de quelques jolies paroles, pieusardes à souhait, pour effacer tout cela d’un revers demain ? Satan aussi citait les Écritures lors de la tentation de Jésus, comme si D.ieu était au cœur de sa vie ! « Au commencement était la Com  » : ainsi pourrait s’ouvrir l’évangile selon Guillaume Soro, l’homme au verbe creux, vide du moindre écho de la vraie parole : parole vivante du D.ieu Créateur et agissant.

Croyez-vous que l’on puisse encore séduire une femme trompée, malmenée, torturée, dont on a tué les enfants, cela moyennant quelques fleurs, quelques sourires, quelques promesses? Si l’on appelle « syndrome » de Stockholm le lien pervers unissant parfois la victime à son bourreau, n’est-ce pas pour décrire une situation anormale, assortie de sentiments anormaux ? Ne s’agit-il pas d’une maladie dont il faut sortir? Comment un bourreau pourrait-il devenir le défenseur de sa victime, sans réparations ? Monsieur Soro, qui se targue de sentiments chrétiens, ignore-il que la Bible est remplie d’appels à la justice et au droit ? Ignore-il qu’il n’existe aucun tort qui n’exige réparation, aucun coupable qui ne doive être puni, aucune victime qui ne doive être indemnisée et consolée ? Comment chanter les louanges de l’assassin, du destructeur, du pilleur et du vandale en agitant des rameaux d’olivier ? Comment prendre au sérieux celui qui sourit de toutes ses dents blanches, mais dont les mains dégoulinantes de sang tiennent encore une kalachnikov ? Comment prêcher la réconciliation à des êtres meurtris, empêchés de faire leur deuil par le simple fait que les autorités légitimes de Côte d’Ivoire sont en prison, tandis que les assassins courent toujours, poussant le cynisme jusqu’à jouer, comme Soro, dans leurs écrits et devant les médias, les défenseurs du droit, l’appui de la veuve et de l’orphelin ?

« Avec Ouattara, gagner ensemble la bataille de l’émergence consolidée de la démocratie ivoirienne ».

Quel programme ! Sommes-nous encore en guerre pour gagner une bataille ? Certainement, mais alors il faut se demander, qui l’a déclenchée. Au terme d’un premier « mandat » placé sous le signe de la stérilité, que s’agit-il de bâtir enfin, sur ce champ de ruine abandonné depuis quatre ans ? Qu’espérer,en guise d’émergence, sinon l’éclosion de quelques chardons, de quelques ponts et autoroutes payants, délabrés aussitôt que terminés ? Émergence de quoi ? Vitalité, jeunesse heureuse, malades bien soignés, salaires en rapport, économie florissante ? Bien sûr que non : que pourrait-on s’attendre à voir émerger du chaos, de la corruption, de la violence, des prisons et des cimetières ?

« Le président Ouattara incarne aujourd’hui la meilleure option gagnante pour notre pays », écrit-il plus loin. Or Ouattara n’en est pas à briguer un premier mandat, mais un second. A ce stade, il est d’usage de miser non plus sur de vagues options prometteuses, mais sur des acquis susceptibles d’engendrer d’autres acquis.

Mais qu’en est-il cette « émergence » récemment mise à la mode? Voilà bien un concept de technocrate, sorti d’un chapeau d’illusionniste. Il nous dit tout et son contraire. Lorsqu’une terre lointaine émerge de la brume, elle devient peu à peu visible; la brume une fois dissipée, la terre est bien là, dans toute sa réalité : ici, pas de construction, pas de chantier. Si par contre on se mettait en tête de renflouer le Titanic, un Titanic écrasé par le poids de l’eau, totalement dévasté par la rouille, on ferait émerger une épave totalement inutile, ne servant qu’à attirer les badauds…

Alors, cette Côte d’Ivoire émergente, qu’est-elle ? Un paysage idyllique dissimulé aux regards par la brume d’une crise passagère, paysage dont les contours commencent à se révéler ? A en croire Ouattara, Soro et consorts, il n’en est rien, la bataille de l’émergence ne faisant que commencer; la Côte d’Ivoire n’est pas derrière la brume, déjà visible quoique floue; elle est encore au fond de l’eau, et tout l’enjeu de la « démocratie » ivoirienne façon Ouattara et Soro, c’est de renflouer ce qui, à terme, ne pourra que faire figure d’épave : d’où la complaisance avec laquelle on s’attache à éterniser l’émergence, en reculant l’échéance du vrai bilan !

Mais de qui se moque-t-on ? Ouattara chantre de la démocratie ? Les victimes de sa guerre préélectorale, celles qui n’ont pu se soigner à cause de l’embargo sur les médicaments, celles qui ont croisé les FRCI et autres bandits de grand chemin sur leur route, voilà les morceaux d’épave qu’il faut à tout prix continuer à cacher aux regards, en prolongeant les vertus d’enfumage de la thématique de l’émergence. Du moins Soro a-t-il la décence de ne pas associer le nom du FPI d’Affi N’guessan à son émergence consolidée par une bataille menée par le RDR, ses associés rattrapés et le reste de la démocratie aux ordres, version marchepied et brosse à reluire.

« Oui, Alassane Ouattara, c’est la Côte d’Ivoire qui gagne! »

Ado-solution est définitivement rangé aux oubliettes, place maintenant à la Côte d’Ivoire qui gagne, celle qui gratte le bon ticket, qui joue au loto, tire au sort deux étudiants lors des « 4èmes Assises de la Jeunesse », leur offre du travail et les exhibe comme si tous les jeunes en avaient fini avec le chômage !

Joël N’guessan, porte-parole du RDR, a déjà prédit 80% de suffrages pour Ouattara, et ce dès le premier tour ! Cette annonce en dit long, quant aux malversations qui se préparent en coulisses, avec le probable appui logistique des meilleurs spécialistes français du trucage électoral. Soyons en sûrs, le 25 octobre, tout sera prêt : résultats précuits, diffusables dès la clôture des bureaux de votes; urnes bien bourrées, listes de votants associant électeurs vivants et morts; foules de naturalisés de fraîche date, et dont les votes acquis au Burkinabé d’Abidjan seront validés en dépit de leur incapacité à émarger pour cause d’analphabétisme; les milliers d’expropriés, de déguerpis non localisables dont les votes seront d’office enregistrés, alors qu’ils n’auront pas pu voter; sans compter les exilés, bien sûr, à qui on fera d’office accorder un blanc sein à celui qui leur a permis de prendre de si longues vacances à l’Étranger.

Et le Petit-Gros, notre chantre du jour, humble disciple du Christ de terminer ainsi :

« La démocratie ivoirienne, issue du long processus de paix concrétisé par l’APO de Ouaga, est une promesse féconde de paix, de bien-être, de justice et réconciliation sincère pour tous les enfants de ce pays et pour l’Afrique émergente ! »

Mr Soro! Votre com est parfaite, presque parfaite, parce je me demande si une promesse peut féconder la paix, le bien-être, la justice et la réconciliation; quatre concepts à la fois ! Comment vont s’appeler les rejetons? Concepts ou réalité ? Vent ou bruit de vent ?

Comment une promesse sans lendemains qui chantent – les accords de Ouaga – peut-elle féconder des concepts aussi disparates que paix, justice, réconciliation et bien être ? Est-ce l’accord politique de Ouagadougou du 4 mars 2007 qui va encore garantir la paix, le bien-être, la justice et la réconciliation ? Où en sont les fruits depuis cette date? Sont-ils encore verts, ou sont-ils tombés avant terme, à l’image du figuier qui parfois perd tous ses fruits avant qu’ils n’arrivent à maturité ? Un tronc de promesse qui n’a donné ni fleurs, ni fruits depuis plus de 7 ans, faut-il encore le bichonner?

Le moment n’est-il pas venu de réclamer, ici et maintenant, une authentique réconciliation autour de celui qui seul est encore en mesure d’en garantir l’effectivité, le Président Gbagbo ? N’est-il pas temps de forcer le destin de sa libération et de son retour au pays, pour qu’émerge enfin de la brume cette Côte d’Ivoire impatiente de voir tous ses fils et filles rentrer du plus profond de leurs exils; pour que se lève une génération digne de prendre en main cette Eburnie nouvelle où les occidentaux, bienvenus en touristes, seront à tout jamais bannis comme prédateurs; où fauteurs de troubles et assassins seront jugés à l’aune de la véritable justice, une justice retrouvée à l’ombre de celle d’En-haut.

Shlomit Abel

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