Pour trouver un président qui se cache après sa “brillante réelection”, il faut aller au Togo. “Je ne l’envie pas, ce jeune président. Que le Seigneur fasse que je ne me retrouve dans aucune situation qui me contraigne à l’appeler : monsieur le président… Ce sera pour moi un crime que mon statut et le devoir de vérité ne me permettent pas de commettre”. C’est ce qu’a confié un prélat contacté à Lomé au sujet de Faure Gnassingbé. Celui que la CENI et la Cour constitutionnelle imposent aux Togolais comme chef de l’Etat, président de la République pour les cinq prochaines années.
En réalité, lorsqu’on se réfère aux résultats de ce président aux mille et un cadavres qu’il traîne comme un boulet au pied, lorsqu’on revoit le film scandaleux de sa réélection, cette position tranchée de l’homme de Dieu qui est aussi celle de millions de Togolais, est sans nulle doute compatible au bon sens.
On pourra même dire que suite à la parodie du 4 mars dernier, Faure Gnassingbé a doublé le nombre de ses opposants et s’est mis à dos ceux qui, jusqu’à récemment, étaient indécis à son égard. Comment va-t-il s’en sortir sans faire basculer son pays dans le chaos ? Faure est en présence d’une équation compliquée, d’une victoire empoisonnée. Pour le moment, il se cache et fait mine d’avoir honte de sa victoire.Et dire qu’une cour qui se veut constitutionnelle n’a trouvé aucun mal à entériner cette victoire que beaucoup dans la sous-région qualifient du mal sur le bien, c’est un outrage fait à la Nation togolaise.
Jean-Pierre Fabre, le candidat du FRAC qui s’estime le vrai gagnant du 4 mars entend – quel qu’en sera le prix – accéder à la victoire qui lui est volée. Le Front multiplie les mouvements de protestation à travers le Togo. Le Régime – comme à son habitude – se tourne vers l’extérieur pour mendier, non sans peine, les messages de félicitations que Republicoftogo, le site officiel, brandit avec frénésie. C’est à croire que ces courriers diplomatiques protocolaires sont suffisants pour que le régime, totalement vomi, acquière la légitimité que le peuple lui refuse.
Un gouvernement d’union nationale : le leurre à venir
Plus jamais, rien ne se passera comme avant, c’est-à-dire comme s’il n’existe pas au Togo un peuple qui mérite respect et considération. C’est là où campe le FRAC. Avec les échauffourées du mercredi soir, le Togo est encore une fois de plain-pied dans une tourmente dont on ne peut dire, à ce jour, qui aura le dessus. Mais, il se profile à l’horizon une échappatoire dont raffole le parti au pouvoir, le RPT : un Gouvernement d’Union Nationale. Cela n’a jamais marché, ni au Togo, ni ailleurs. A quoi ressemble ce schéma ? C’est généralement un cabinet fourre-tout dont le chef ( Premier ministre) fait figure de paravent. On va donc bientôt assister au débauchage par le pouvoir d’une personnalité de l’opposition pour ce poste sans importance réelle au Togo. Le haut fonctionnaire, pieds et mains liés, passera le temps à avaler les couleuvres de la jungle RPT avant d’être brutalement débarqué comme un malpropre.
Et, la question “ à quand l’alternance au Togo” reste entière. Sans réponse. On le voit, cette re-élection de Faure Gnassingbé dont la cote de popularité est plus que rabougrie, pour ne pas dire nulle, n’est pas la solution. En conflit permanent avec son tribunal intérieur et les mânes de ses victimes de 2005, il passera plus le temps à noyer ses innombrables soucis dans les futilités qu’à diriger réellement le pays.
C’est pourquoi des Togolais, surtout ceux de la diaspora, promettent d’user de tous les moyens pour lui barrer la route. Ceux-ci ont compris que la prétendue re-élection de Faure n’est rien moins qu’un cyclone qui risque de rayer le Togo de la carte du continent , si son mandat, fictif, devait aller jusqu’à son terme.
Même son de cloche, mais d’un ton beaucoup plus modéré, chez un romancier togolais basé à Paris, Théo Ananissoh, dans son nouveau roman ténèbres à midi, paru il y a deux mois chez Gallimard : “Mon pays, depuis une bonne quarantaine d’années, est un lieu sans intelligence et sans aucune vertu. Je voudrais en faire le portrait pour ceux qui viendront après nous”. On ne peut pas mieux décrire l’esprit qui prévaut majoritairement au Togo.
Les Togolais et une bonne partie de la communauté international (USA,Pays scandinaves,Allemagne,Canada, Ghana…) se demandent si Faure Essomzina a réussi son pari d’une élection à la ghanéenne comme il l’avait promis tambour battant ? Aussi aimeraient-ils savoir quand, comment et avec qui le jeune président va t-il faire sa réconciliation nationale ?
Kodjo Epou