Exclusif ! Gilbert Bawara : Nous ne faisons pas les élections pour plaire à la communauté internationale et aux bailleurs de fonds…

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La rétention de l’information n’est pas Gilbert Bawara ! Alors qu’on se posait la question au Lynx de savoir après le passage en force de la prestation de serment des membres de la Ceni si le ministre de l’Administration du Territoire et des Collectivités Locales, chargé des élections législatives allait fuir notre micro ou pas, que nenni ! Fidel à sa philosophie de parler, parler et toujours parler, nous avions pu entre des réunions et un calendrier chargé arracher quelques mots au ministre Gilbert Bawara. Pour tout journaliste Gilbert Bawara est un sésame. Lui au moins parle au niveau du RPT aujourd’hui Unir, parti dans lequel on dit qu’il serait une pièce maîtresse. Dans cette interview, le « doublon de Faure » lance des piques à l’opposition tout en les caressant dans le sens du poil. Attaques tout azimut sur sa personne, élections législatives à venir, ce que les Togolais pensent de Faure Gnassingbé, communauté internationale, marche de « Sauvons le Togo » et « d’Arc-en Ciel » dans le quartier Adewi… le ministre dit tout et tout. Un condensé de la politique togolaise en un clic. Lecture !

 

Lynx.info : Monsieur le ministre, c’est pour quand les élections législatives au Togo ?

Gilbert BAWARA (GB): Avec le renouvellement des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la prestation de serment, nous venons de franchir une étape importante et d’entrer dans une phase active du processus électoral. Dans la foulée, la CENI est appelée à mettre en place son bureau et à adopter son budget et le chronogramme des élections. L’étape suivante, décisive celle-là, consistera dans la refonte complète du fichier électoral. Il est réconfortant de constater que le Togo a été précurseur et est aujourd’hui nettement en avance sur la plupart des pays africains dans l’utilisation de la biométrie pour le recensement électoral, avec l’obligation de délivrance immédiate des cartes d’électeurs et un fichier électoral fiable et de bonne qualité. Une fois les listes et les cartes d’électeurs disponibles, le scrutin pourra intervenir à tout moment. Mais il est primordial de prévenir et d’éviter en amont toutes les improvisations et toutes les impréparations et précipitations qui peuvent être sources de contestations et de crispations postélectorales. C’est ce qui explique la patience et la ténacité observées jusque-là par le gouvernement en insistant sur le dialogue et la recherche de compromis politique. Cette persévérance témoigne de sa bonne foi et de sa volonté à réaliser des élections libres, honnêtes, transparentes et irréprochables ne pouvant souffrir d’aucune contestation sérieuse. Hélas, la surenchère, la supercherie et le radicalisme ont été privilégiés par une frange de l’opposition qui cherche manifestement à installer un climat délétère et d’agitation, à escamoter le calendrier républicain ou à créer d’ores et déjà les conditions de la contestation des résultats. Cette attitude de blocage est contreproductive et déplorable.

Lynx.info : N’est-ce pas là une tentative de passage en force de la part du pouvoir en place, avec des risques de lendemains incertains et agités ?

Il n’y a aucune tentative de passage en force. Tous les observateurs objectifs sont témoins du refus persistant et systématique du dialogue de la part de certains partis politiques qui ont délibérément rejeté les multiples initiatives de concertations politiques préconisées depuis 2010 par le président Faure et les différents gouvernements. Ces initiatives devaient justement permettre un débat serein en vue de parvenir à un large consensus au sein de la classe politique pour approfondir et consolider les réformes politiques, y compris le réaménagement du cadre électoral et de la carte électorale. A titre d’exemples, rappelez-vous de l’invitation à renouer le dialogue lancée par le Chef de l’Eta en juin 2010 dans la foulée du scrutin présidentiel et des travaux du CPDC rénové. Dans le courant de 2012, le gouvernement Houngbo avait même initié un dialogue limité exclusivement aux partis politiques parlementaires et dirigé par un membre éminent de l’ANC. Contre tout bon sens, cette initiative a buté sur des divergences liées à l’agenda des discussions alors qu’il s’agissait justement de se consacrer en priorité aux questions touchant aux élections législatives et de poursuivre les discussions dans la foulée sur les réformes constitutionnelles et l’élection présidentielle de 2015. Au lendemain de la démission du précédent gouvernement, le chef de l’Etat a une fois encore engagé des consultations en encourageant les partis politiques à prendre part à la nouvelle équipe gouvernementale avec pour objectifs, entre autres, de préparer et organiser les prochaines élections de manière participative et consensuelle. Enfin, nous avons fraichement en mémoire les consultations et le dialogue engagés par le premier ministre AHOOMEY-ZUNU, etc. Si ces initiatives et ces efforts constants n’ont pas permis tous les résultats escomptés, c’est essentiellement en raison de l’attitude atypique, d’obstruction et de blocage d’une frange de l’opposition avec des litanies d’exigences et de préalables inconsidérés et irréalistes. Malgré ces blocages, le cadre électoral togolais dont l’accord politique global demeure le soubassement a connu des améliorations et des avancées notables qui renforcent les conditions garantissant un processus électoral libre, démocratique, fiable et transparent. Le renouvellement de la CENI et les autres préparatifs en vue des élections s’opèrent dans le strict respect du cadre électoral et des dispositions du code électoral. Il appartient désormais à la CENI de faire preuve d’impartialité et d’indépendance dans la conduite du processus électoral et de se conformer aux normes et aux standards internationaux en matière d’élections libres, transparentes, honnêtes et fiables.

Lynx.info : Certains contestent la recomposition de la CENI et le fait que l’UFC puisse figurer dans l’opposition parlementaire ?

En l’absence d’un texte juridique définissant les notions d’opposition et de majorité parlementaires, il s’agit là d’un débat et de polémiques purement politiques et partisans. Il suffit d’interroger la situation au moment où commence la législature avec l’adoption du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la formation de son bureau et la mise en place des commissions parlementaires et vous verrez qu’il n’y a aucune ambigüité. Les impératifs de sécurité juridique et de stabilité institutionnelle nous obligent à figer notre raisonnement à un instant précis et un moment donné. La logique veut que cet instant et ce moment soient le début de la législature si nous volons échapper aux péripéties et autres contingences qui ne manquent de jalonner la vie politique. Dans cette logique, il est constant que l’opposition parlementaire est constituée de l’UFC et du CAR. Certains faits politiques, tels que la scission de l’UFC et la création de l’ANC relèvent plutôt des événements conjoncturels qui peuvent survenir et qui ne sauraient nullement changer fondamentalement la réalité institutionnelle et juridique préexistante. Sinon que ne dirait-on pas si quelques députés de la majorité parlementaire décidaient aujourd’hui de se dissocier de l’action gouvernementale et de devenir soit des non-inscrits ou de constituer un nouveau groupe parlementaire parce que ne partageant plus la ligne politique de la majorité ? Où les placerait-on sans que certains ne crient au scandale ou à des manœuvres? Pour autant le gouvernement a démontré qu’il est attaché à l’esprit de compromis et à une CENI représentative et inclusive. Vous pouvez le constater à travers le souci du pluralisme qui caractérisé la désignation des représentants de la société civile et des partis politiques extra-parlementaires au sein de la CENI renouvelée. Le gouvernement a aussi cherché à convaincre l’ANC d’accepter de participer adéquatement à la CENI, mais sans succès. Le président Faure n’a pas varié dans la politique d’ouverture et de main tendue et dans sa volonté constante de faire participer toutes les tendances politiques et toutes les forces vives à la réconciliation nationale et au redressement du pays. Cette politique demeure respectueuse des convictions et des orientations politiques de chacun. Ce sens du compromis et d’apaisement et cet esprit d’alliance constructive ont conduit depuis 2005 à la constitution de gouvernements de large ouverture qui correspondent à l’attachement du chef de l’Etat pour le pluralisme politique, seul capable de forger de façon durable le progrès et la consolidation de la démocratie dans toutes nos institutions.

Lynx.info : Si le gouvernement a fait preuve de patience jusque-là et que les délais constitutionnels sont dépassés, alors quelle est l’urgence d’organiser les élections sans consensus politique préalable ?

Au-delà des considérations liées au respect du calendrier républicain et des échéances constitutionnelles, la tenue périodique des élections répond à l’exigence de régulation et de régénérescence de la vie démocratique. Cette exigence dépasse les désidératas et les calculs des partis politiques. C’est une question d’intérêt général. Pour le gouvernement, le processus électoral et son accélération sont désormais une priorité absolue et une nécessité incontournable. Nous restons à l’écoute et demeurons ouverts à toutes les idées et propositions de mesures concrètes et pratiques pouvant contribuer au renforcement de la transparence et de la crédibilité du processus électoral. Généralement, il s’agit de mesures qui peuvent être mises en œuvre par la CENI ou par l’administration. En parallèle, le dialogue peut continuer avec tous les partis politiques qui le souhaitent afin de régler les autres questions pendantes qui nécessitent des réformes constitutionnelles et qui touchent à l’élection présidentielle prévue en 2015. Dans le contexte actuel de construction démocratique et d’enracinement de l’Etat de droit, il nous faut à la fois éviter toute situation qui fragiliserait et affaiblirait les institutions démocratiques tout en persévérant avec un esprit de dialogue et de compromis.

Lynx.info : Pour être le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales, vous êtes aussi un acteur politique intéressant pour les Togolais. Le CST vous accuse d’avoir pris position pour la milice qui a attaqué ses sympathisants dans le quartier Adewi….

Je suis constamment l’objet d’agressions, d’affabulations et d’attaques. Rien ne m’est épargné. Mais cela ne m’émeut guère ni ne m’impressionne, surtout lorsqu’il est évident que tout cela relève davantage de la malveillance gratuite. Je ne prête aucune attention à des journalistes et aux journaux et médias qui sont rétribués par des officines pour calomnier, injurier et diffamer. Ma vocation n’est pas et ne sera jamais d’user de subterfuges, d’artifices et d’appâts pour plaire et être flatté, mais d’essayer de servir le pays le plus efficacement et le plus honnêtement possible dans le cadre des responsabilités que je dois assumer sous l’autorité du premier ministre et du président de la République. Je déteste les flagorneries, d’où qu’elles viennent. En tant qu’être humain, il peut m’arriver de me tromper dans mon jugement ou dans mes propos ou que je sois démenti par les faits. Dans ce cas, je suis prêt à faire amende honorable. J’ai des convictions et j’assume mon engagement, tout en respectant les idées et les opinions des autres. Je crois profondément à l’écoute, au dialogue, à la diversité des opinions et au pluralisme politique, à la tolérance et au débat d’idées qui sont consubstantiels à l’idée même de liberté et de démocratie. Lorsque le président-candidat Barack Obama traite son adversaire Mitt Romney d’amnésique, avec de surcroit un jeu de mot (« romneysique » parce que ce dernier a tendance à oublier rapidement ses engagements et à changer constamment de positions, je ne crois pas que l’opinion publique et les médias américains s’offusqueraient outre mesure. C’est sans doute une question de culture politique voire de culture tout court qui nous conduit à épiloguer et entretenir la polémique sur des choses qui n’ont pas l’importance que nous leur prêtons!

Lynx.info : Revenons plus précisément aux incidents et aux violences à Adewi le 15 septembre dernier

En périodes de tensions, chacun doit savoir faire preuve de retenue, de mesure, de modération et de responsabilité. Lorsque, suite au récent film anti-islam, le préfet de Paris a décidé des zones et des périmètres de Paris qu’il a interdits de toute manifestation et de tout regroupement sous peine d’emprisonnement et d’une forte amende pour les contrevenants, personne n’imagine que la France soit devenue une dictature pour autant. Lorsque l’opposition guinéenne (Conakry) dont plusieurs militants ou partisans ont été tués à balles réelles dans le cadre de manifestations, persiste dans une logique d’apaisement et de dialogue avec les autorités et maintien sa participation au processus électoral, elle démontre son sens de l’Etat et affiche son attachement aux valeurs démocratiques et républicaines. Au Sénégal dont les mouvements le M23 et le  Y’en-A-Marre semblent avoir inspiré le CST, les manifestations et les marches de protestation ne pouvaient avoir lieu que sur certains artères très limités et dans les environs de la place de l’Obélisque à la périphérie de Dakar. Mais les responsables de l’opposition sénégalaise n’ont jamais cherché à l’époque à se livrer à des violences gratuites.

J’estime qu’aucun carré ou millimètre carré de la République ne peut être accaparé par un groupe de personnes, quelle que soit la légitimité de leurs préoccupations. Dès lors, les jeunes d’Adéwi n’avaient pas à agir comme ils l’ont fait le 15 septembre 2012 en cherchant à se faire justice ou à assurer la police dans leur quartier. Pour autant, je comprends parfaitement leurs exaspérations et leur désapprobation face au désordre, aux violences, aux destructions et aux dégradations et destructions des biens et des infrastructures et édifices qui émaillent certaines manifestations. Les agissements des jeunes d’Adéwi sont condamnables et déplorables. Le gouvernement s’est engagé à agir de manière à prévenir le même genre de comportements, et c’est désormais chose faite puis que le FRAC vient de tenir une manifestation en partant d’Adéwi sans aucun incident. En revanche, les provocations délibérées, les stigmatisations permanentes et les agressions contre les forces de l’ordre et contre les passants et autres usagers des voies publiques, la volonté de susciter des affrontements, le bras de fer permanent, l’exaltation de l’intolérance et les discours de haine sont tout aussi condamnables.

Les partis et les acteurs politiques ainsi que les organisations de la société civile doivent agir avec le souci constant de contribuer à l’apaisement et d’œuvrer pour la consolidation de l’unité nationale et de la cohésion du peuple togolais.

Lynx.info : L’écrivain et politique Gerry Ta’ama, témoin oculaire écrit : « Les manifestants d’Adewi paradaient devant les forces de sécurité, brandissant leur armes blanches comme des trophées expiatoires ». On peut l’interpréter comme une faillite du pouvoir ?

Témoin oculaire, dites- vous ? J’avais cru comprendre que Monsieur Gerry Ta’ama se trouvait hors de Lomé en tournée dans la région de la Kara le jour même des incidents d’Adéwi. Il n’a donc pas pu être témoin oculaire des incidents évoqués, sauf s’il dispose d’un don d’ubiquité. Il aurait tort d’accorder foi et de donner du crédit à tous les récits et toutes fables rocambolesques du CST et des journaux qui sont leurs affidés. Dans leurs déclarations et leurs communiqués suite à la journée du 15 septembre 2012, des responsables du CST ont même fait état de massacres dans les rues de Lomé, alors que les Loméens circulaient et vaquaient à leurs occupations, hormis les saccages causés par les militants du CST le long de l’avenue de la Libération. Des noms de nos concitoyens ont été jetés en pâture comme étant les prétendus miliciens identifiés parmi les populations d’Adéwi. Pourtant certains parmi ces concitoyens se trouvaient en séjour hors du pays ou n’ont jamais franchi les portails de leurs maisons ce jour là. C’est vous dire le peu de sérieux, de crédibilité et d’objectivité des rengaines du CST et des journaux qui travaillent à leur solde. Il m’est déjà arrivé de voir sur votre site des montages grotesques montrant des cadavres jonchant les rues de Lomé à la suite des incidents qui émaillent les manifestations du collectif et de la coalition. Vous êtes peu diserts sur les violences, les agressions ainsi que les destructions et autres saccages perpétrés par les militants de ces regroupements ! Manifester pacifiquement et exprimer des revendications sont l’expression de libertés démocratiques qu’il faut respecter absolument. Mais bloquer le commerce et les activités économiques, entraver le travail des vendeurs ambulants et leur priver de leur gagne-pain ou empêcher nos sœurs et nos mamans des marchés de travailler pour nourrir leurs familles, chercher à créer une psychose susceptible d’effrayer les investisseurs et les touristes et donc porter délibérément préjudices à l’économie nationale, au travail et aux emplois des Togolais, ce sont là des agissements inconséquents et néfastes.

Lynx.info : Il paraît que la politique togolaise entre pouvoir et opposition est devenu un jeu de poker au détriment des populations. C’est pour cela que le chômage et la vie chère  sont relégués au second plan par le pouvoir ?

Justement je m’étonne que l’agenda des revendications du CST et de la Coalition arc-en-ciel porte presqu’exclusivement sur les sujets politiques et que les préoccupations, les attentes et les soucis véritables de la population soient délaissés et escamotés. A l’évidence, il y a de plus en plus une coupure et un décalage entre les élites politiques qui s’agitent à Lomé et la réalité du terrain. Il y a des sujets et des enjeux qui devraient susciter un élan d’union et de cohésion nationales, inspirer l’esprit d’unité du peuple togolais et nous amener à nous retrouver sur l’essentiel. La situation de la jeunesse confrontée au chômage, à l’inemploi et à la précarité, leur quête pour de meilleures conditions de formation et d’apprentissage, l’amélioration des systèmes santé, d’éducation et d’accès à l’eau potable, la revalorisation de l’agriculture sont, entre autres, des questions qui peuvent et doivent mobiliser des réflexions conjointes de la part des Togolais.

Lynx.info : On reproche beaucoup à Faure de ne pas contribuer à l’alternance au Togo en comptant sur ses soutiens comme l’armée et la communauté internationale. Votre avis ?

L’alternance doit être à la fois démocratique et pacifique. Et c’est au peuple d’en décider librement à travers les urnes. Nous n’allons pas rattraper toutes nos erreurs collectives, tous nos errements et toutes nos turpitudes du passé par des arrangements saugrenus et des combines entre élites politiques dont la légitimité et la représentativité ne sont pas toujours évidentes, ni à travers des contorsions politiques et juridiques sur le dos du peuple. Nos manques de discernement, de vision et de perspicacité politiques à certains tournants clés de la vie nationale, nos déconvenues et nos mésaventures personnelles ne doivent pas freiner la marche du Togo vers des progrès continus. Depuis 1991, il y a eu tant de rendez-vous manqués dans notre quête de démocratie, de libertés et de bien-être partagé. Les calculs politiciens, les tactiques, l’inconstance et la ruse ont souvent pris le dessus sur la lucidité et la volonté de compromis sincères. Dans notre marche vers la réconciliation, la démocratie, l’Etat de droit et des libertés accrues, il arrivera des moments d’épreuves et de difficultés. Certains événements et situations nous feront craindre des risques de résurgence des pratiques et des méfaits du passé. Mais nous ne devons pas nous laisser submerger par le traumatisme et la hantise d’une répétition de l’histoire.

Lynx.info : Revenons sur le dialogue que vous aviez dirigé avec les autres partis politiques. Leur taille en termes d’électorat n’est pas un échec de tout ce que vous aviez pris comme engagements ?

Le poids des partis et des leaders politiques ne peut être le fruit d’une alchimie intellectuelle. Même la crise politique factice ou les désaccords politiques qui existeraient ne peuvent être tranchés que par le peuple, à travers les urnes et des élections libres, démocratiques, crédibles, honnêtes et irréprochables. Pour tout démocrate, ce sont les élections qui peuvent et doivent départager les conflits d’ambitions et les problèmes de légitimité et de représentativité, et non des arrangements occultes. L’accord politique global a été le fruit des 22 engagements souscrits avec l’Union européenne en avril 2004. J’ai entendu des leaders du CST et de la Coalition Arc-en-ciel dénigrer, stigmatiser et mépriser des partis politiques tels que la CPP et le PDR. Pourtant, ces deux partis et leurs leaders furent visionnaires en œuvrant pour les 22 engagements au moment où d’autres partis et leaders excellaient dans l’intransigeance et le radicalisme !

Lynx.info : Beaucoup de Togolais pensent que Faure évite toujours un scrutin à deux tours. C’est pour cela que ce sujet à été reporté lors du dialogue ?

Les modes de scrutin comme les constitutions doivent correspondre aux réalités, à l’histoire et aux défis contemporains de chaque pays et de chaque peuple. Il n’existe aucun modèle politique, institutionnel et constitutionnel prêt-à-porter pour tous les pays du monde et tous les peuples de la terre. Cela étant, le gouvernement reste ouvert à la poursuite du dialogue et des concertations pour trancher définitivement cette question avant l’échéance présidentielle de 2015. En définitive, quel que soit le mode de scrutin, il reviendra au peuple et aux électeurs de trancher, l’essentiel étant de s’accorder sur les conditions d’élections libres, démocratiques, transparentes et loyales.

Lynx.info : Au FRAC, CST, Arc-en ciel, on pense que les accords ne lient que les signataires. Y a-t-il encore une chance pour un dialogue sincère au Togo ou c’est bien fini pour les absents ?

Les Togolais sont coutumiers de cette chanson depuis les accords de juin 1991 en prélude à la conférence nationale ! Mais ils savent aussi où cette philosophie a conduit le pays. Les positions tranchées, l’intégrisme ou le fondamentalisme politique et la surenchère sont incompatibles avec l’esprit de dialogue, de compromis et de consensus. Dialoguer, c’est accepter de se parler et de discuter de tous les sujets sans tabou ni préjugés, y compris des questions qui peuvent être considérées comme des préalables. Telle est la conception du gouvernement. On ne peut contester des réformes opérées par une Assemblée nationale jouissant d’une légitimité démocratique et demander à un citoyen, fut-il président de la République, de prendre des engagements unilatéraux comme mesure d’apaisement.

Lynx.info : Vous avez une idée de l’image que les actions féminines et les marches du CST et Arc-en-ciel donnent du Togo dans le monde ?

Les Togolais ne sont pas dupes. En ces temps d’internet et de mondialisation où l’information circule à grande vitesse, il existe à l’évidence une volonté d’accréditer un sentiment de crise politique, de susciter l’émoi, la compassion et les condamnations au sein de l’opinion internationale et des partenaires au développement. Même si cela passe par des sacrifices en vies humaines et par des destructions. Tout n’est pas parfait dans notre pays, mais les efforts consentis sont louables. Nous devons persévérer, intensifier, approfondir et amplifier les réformes politiques mais aussi les efforts de relance économique et de création de richesse. Les recommandations de la CVJR appellent une véritable refondation de l’Etat notamment dans le cadre de la décentralisation, du renforcement de la bonne gouvernance, la lutte implacable contre les prévarications, les détournements et les abus de biens publics. Ces recommandations nécessitent l’amélioration tangible et continue de la gouvernance politique, administrative, économique et sociale pour construire une société de justice, d’égalité et de progrès partagé. Ceci ne se fera pas en un jour, mais à force de volonté et de détermination et en cultivant les vertus du dialogue, de la recherche du compromis et de la conjonction des efforts et des énergies.

Lynx.info : Sans langue de bois. C’est le pouvoir qui est si réfractaire aux revendications ou c’est l’opposition qui demande un peu trop ?

L’essentiel n’est pas de rejeter la faute sur les uns ou sur les autres. Quels que soient les malentendus et les incompréhensions, nous devons transcender les ressentiments et éviter d’être prisonniers du passé, si lourd soit-il. La crise de confiance que certains invoquent est entretenue artificiellement pour justifier une philosophie politique fondée sur l’intolérance et le radicalisme. En toute hypothèse, la confiance se construit pas à pas, elle ne se décrète pas. Acceptons donc de nous tendre la main les uns envers les autres pour avancer ensemble vers des progrès politiques, économiques et sociaux.

Lynx.info : Dans une interview à Jeune Afrique, Faure a reconnu qu’il ne communiquait pas? C’est pour cela que le parti UNIR décolle avec peine ?

Le déficit éventuel de communication n’enlève rien à la réalité palpable et aux avancées concrètes qui sont enregistrées par le Togo depuis 2005. Au plan politique et institutionnel comme au plan des indicateurs économiques et sociaux, des pas de géant continuent à être opérés. Mais il reste énormément à faire pour faire face aux énormes difficultés et souffrances des Togolais. Ceci est indéniable, mais n’oublions jamais d’où nous venons après plus d’une décennie d’errements politiques et de délabrements socio-économiques. Pour ce qui est du parti UNIR, l’avenir nous dira quel est son poids réel et sa place sur l’échiquier national. Le parti est fondé sur la volonté de construire l’avenir sur de nouvelles bases en tissant des passerelles et des chaines de solidarité et de fraternité entre les Togolais, entre liant les générations les unes aux autres et en transcendant les clivages, les oppositions et les divisions politiques obsolètes d’autrefois qui n’ont plus de raison d’être aujourd’hui. Justement parce que les militants d’UNIR viennent d’horizons différents, le parti valorise l’ouverture, l’esprit de tolérance et de respect de l’autre et cultive le dialogue, le débat d’idées, la libre expression des opinions et la réflexion sur les aspirations et les préoccupations véritables des Togolais. Aucun sectarisme et aucune stigmatisation ne sont admis. Le paysan a autant de poids que l’enseignant ou le médecin. Le citadin est  considéré sur la même échelle que l’habitant du village et du hameau le plus reculé. Le parti valorise la réflexion et les propositions de ses membres, à tous les niveaux. Nous travaillons activement sur le terrain et nous nous préparons ardemment pour les élections avec sérénité et humilité.

Lynx.info : Que pensent la communauté internationale et les partenaires au développement par rapport au processus électoral ?

Je n’en sais rien. Nous ne faisons pas les élections pour plaire à la communauté internationale et aux bailleurs de fonds, mais dans l’intérêt primordial de notre pays. Nous sommes naturellement attentifs aux avis et aux suggestions des partenaires extérieurs, mais la volonté du gouvernement c’est de s’assurer que les prochaines élections consacrent des avancées tangibles par rapport aux élections de 2007 et 2010, qu’elles s’approchent autant que faire se peut des normes et des standards internationaux en matière d’élections libres, transparentes, fiables et crédibles et qu’elles permettent au Togo de franchir un palier supplémentaire dans la consolidation des bases de la démocratie et l’enracinement de l’Etat de droit. Toutes les mesures requises à cet effet seront prises et mises en œuvre. Ce que nous attendons des partenaires extérieurs ce n’est pas de la complaisance mais une attitude d’objectivité et de neutralité vis-à-vis de tous les protagonistes du jeu politique togolais et des positions respectueuses de notre dignité. Le processus électoral togolais ne doit en aucune manière être apprécié sous un prisme différent de celui appliqué à d’autres pays, notamment africains ou à l’aune de considérations subjectives.

Lynx.info : Merci

Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info

 

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