Maintenant que nous savons que c’est Robert Bourgi, un des grands parrains encore vivant de la Françafrique, qui payait les costumes de Fillon à 7 000 euros pièce, cette communication de Fillon montre le grand savoir-faire mensonger dont cet homme est capable, lui qui, malgré sa mise en examen, ose se présenter à la présidence de la République française en mai 2017. Bien que non-croyants, prions, mes frères et sœurs d’Afrique et d’ailleurs, pour que super-menteur ne devienne jamais président de la Françafrique .
Il y a six ans, le 20 juillet 2011, cinq jours après ce fameux discours de François Fillon, une lettre ouverte à notre Premier ministre de l’époque a été publiée sur le site du CADTM. Il fallait dénoncer ce qui était d’évidence un énorme bobard destiné à masquer la politique néocoloniale de la France. Un désastre pour la vie des peuples africains, le climat, les forêts et toutes les ressources naturelles volées à ce continent ultrapauvre, politique de pillage organisée à laquelle le couple Sarkozy-Fillon participait bien évidemment, comme ensuite l’a fait Hollande et le fera très probablement le prochain Président français [1].
On imagine bien que Robert Bourgi, en faisant ces « petits cadeaux entre amis » au lendemain de la victoire de Fillon à la primaire fin 2016, était quasi certain de récupérer le centuple. Cela par un renvoi d’ascenseur approprié de celui qui devait être élu président de la République. Sauf que sa mise en examen pour détournement de fonds publics dans les grandes largeurs a changé la donne.
Tempo étonnant, deux mois après la déclaration d’Abidjan, « le 11 septembre 2011, Robert Bourgi a expliqué au Journal du dimanche avoir, dans les années 1990, à de nombreuses reprises, transporté « des millions d’euros » d’États africains faisant partie de la « Françafrique » au profit de Jacques Chirac, précisant que Dominique de Villepin était au courant de cette situation ».
Le système Françafrique en bref
La France, depuis de Gaulle et les indépendances des pays colonisés par notre pays, participe à travers des réseaux secrets voire mafieux (Foccart, Pasqua, « Papamadit », fils de Mitterrand, etc.) à des coups fourrés voire des assassinats de chefs d’État et des guerres néocoloniales, particulièrement en Afrique francophone.
En imposant un corruptible à la place d’un démocrate nationaliste, la France oriente la politique et l’économie de ces pays en faveur des entreprises et multinationales françaises extractivistes : le pétrole en est le cas le plus emblématique. La corruption a été majoritairement pratiquée à travers des prêts détournés par ces dirigeants avec l’assentiment des pays prêteurs comme la France.
Ces dettes illégitimes, remboursées par les peuples, les ont durablement appauvris. Elles ont aussi été le vecteur de la dévastation de leurs richesses naturelles. Pour rembourser des emprunts qui n’avaient pas été investis, il suffisait d’exporter de l’or, du bois, du cuivre, du pétrole, du cacao, mais attention, en brut, sans transformation et à travers une entreprise française, si possible.
Plus-values et emplois industriels étaient et sont encore réservés aux pays dits « développés » ou plutôt néocoloniaux, comme la France. Cela avec l’accord des bourgeoisies et dirigeants locaux qui prélèvent un fort pourcentage. Ainsi, ces gouvernants en sont venus à diriger leur pays non pour le bien être de leur peuple mais pour le bien de multinationales étrangères, et bien sûr aussi le leur : c’était le but, c’est ça la Françafrique !
Cela n’a jamais cessé depuis un demi-siècle, malgré les dénégations de tous les présidents français lors de leur investiture. Lumumba assassiné au Congo-Kinshasa en 1962 a été remplacé par Mobutu l’hypercorrompu. Après la guerre atroce menée par la France au Cameroun avant son indépendance, Ahmadou Ahidjo, devenu président en 1958, est remplacé arbitrairement en 1982 par Paul Biya, président-dictateur toujours au pouvoir en 2017 et vivant à Paris.
Thomas Sankara, qui refusait ces politiques impérialistes et voulait l’autonomie de son pays, a été assassiné en 1987 par Blaise Compaoré le corrompu, qui, éjecté du pouvoir en 2014 par une révolte populaire, a pu se réfugier au Maroc grâce à la protection du président Hollande.
Omar Bongo au Gabon, Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville, Idriss Déby au Tchad… d’autres inamovibles présidents-dictateurs ont détourné l’argent du pétrole, certains avec l’aide de la multinationale Elf rachetée par Total. Souvenons-nous du procès Elf et de la condamnation de son président Loïk Le Floch-Prigent ou du procès, toujours en cours en France, pour « biens mal acquis » (immeubles et voitures de luxe) de Teodorin Obiang, le fils du président de Guinée équatoriale.
Les politiciens français de gauche comme de droite seront arrosés pendant des décennies, à travers des transports de valises d’argent liquide. Robert Bourgi en sera un des grands porteurs, comme l’a avoué ce grand ami d’Omar Bongo. Ce dernier mourra après quarante-deux ans de règne, sans grande perturbation, malgré ces colossaux détournements et l’état de grande pauvreté du peuple gabonais. Il le doit aux valises qu’il distribuait, et donc à tout ce qu’il savait sur nos politiciens, et aux 500 parachutistes français basés à Libreville, ceci expliquant cela.
La Françafrique ne disparaîtra que par la lutte associée des peuples de France et d’Afrique, conscients des drames humains, (pauvreté, migrations), des vols (matières premières, accaparements de terres, poissons, etc) et des désastres environnementaux (réchauffement, déforestations) que ces politiques néocoloniales entraînent. Nous appelons tous ceux et celles qui continuent à vouloir abolir les relations néocoloniales entre la France et l’Afrique à maintenir et renforcer leurs luttes.
[1] Matthieu Goar, « L’avocat Robert Bourgi a bien réglé les costumes Arnys de François Fillon », Le Monde, 18 mars 2017.
[2] Nicolas Sersiron, « Lettre ouverte à Monsieur François Fillon qui a déclaré le vendredi 15 juillet 2011 à Abidjan : « J’appelle tous ceux qui continuent à vouloir évoquer les relations entre la France et l’Afrique en parlant de Françafrique à changer de vocabulaire. » », CADTM, juillet 2011.
Politis.fr
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