Frère, quand oublieux deviennent les compagnons
Dans ce bled aux couleurs blêmes de jactance
La gloire te reste d’humilité, d’humanité
Et si je te chante à la lueur de l’ombre
C’est pour graver ton nom sous l’aile tendre du temps
Ignorant dans l’espace les fiers amnésiques
Frère, la nuit a taclé l’éclat du jour lacté
Te voilà toujours debout et splendide
Ton beau corps défie l’oiseau messager noir
Perché sur le fromager du septentrion
Au lugubre croassement menteur de jour
Non, point de désespérance point de chagrin
Frère, c’est ta métamorphose d’adieux ici-bas
Tu pars tutoyer là-haut le Dieu des braves
Que tonne donc au firmament le tam-tam sacré !
Le tambour au son ivre qui vire à l’autre rive
Ponctué des chants polyphoniques des filles pubères
Des battements de pieds frénétiques des évala
Frère, écoute la voix grave du glaive de feu
Qui dit ta noblesse que nul affront ne blesse
Ecoute la mélodie Kamou qui t’accompagne
Jusqu’à la porte grande ouverte du paradis
Dans ta digne armure nobiliaire qui brille de paix
Toi le combattant victorieux des palangres
Frère, écoute ces mélopées, ces thrènes qui entraînent
Les âmes dans le beau et doux combat corps à cœur
Pour qui sont-ils si différents, sinon pour toi
La pirogue sur l’eau qui se rit des xylophages
Le rônier de la Kozah vainqueur des foudres
Je chante ton corps où tiédissent les fureurs fumantes
Frère, les sorciers sourient aux quatre vents des bourgs
Sont-ce les sûrs bourgeons de nos songes hardis ?
Dis, toi qui as goûté à l’eau de l’au-delà
La parole nouée qui rend vertical le vert
Volant de l’arc-en-ciel sceptre du spectre
Créateur au double signe déjà couleur jade
Frère, Nlabalè ! Nlabalè ! Grand merci !
Voici la grêle mystique qui règle léger l’envol
Je dis : la pluie cure-ciel sésame des âmes marquées
Va ! Le soleil ne se plaint pas d’insolation
Va ! Vaillant Marc Palanga sans nulle autre pensée
Que d’aider à panser la béante plaie Togo.
Eloi Koussawo
Bruxelles, juin 2009.