Bernard Doza : Ouattara et la France n’en veulent plus de Guillaume Soro !

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Lynx.info : Beaucoup d’analystes disent que la France et Ouattara misent sur le facteur temps et la lassitude des ivoiriens en envoyant le président Gbagbo loin des siens. C’est ça ?

Bernard DOZA : Les choses ne sont pas aussi simples. Parce qu’il faut prendre en compte, principalement, la dimension hautement politique de l’arrestation et de la déportation de Gbagbo. D’abord au nord ivoirien, qui est un symbole dans l’histoire de la déportation des résistants depuis l’époque coloniale pour comprendre que le transfèrement de Gbagbo au TPI, qui dépasse la petite personne de Ouattara et de Sarkozy est surtout, l’œuvre du lobby colonial dont le président français et le sous-préfet local d’Abidjan sont  les exécutants.  

Comment expliquez-vous qu’Alassane ait choisi le tribunal des blancs que l’arbre à palabre à l’africaine pour le président Gbagbo ?

Ce n’est pas Alassane qui a choisi. Il a obéit à un ordre, de ceux qui l’ont imposé au pouvoir. Il n’était donc plus question de l’arbre à palabre, dans la mesure où le discours anticolonial de Gbagbo (amplifié par les patriotes de Charles Blé Goudé), visait plus les intérêts de la France, que, le débat sur la question de la gestion, du pouvoir d’Abidjan.

Du côté de la France,  les politiques de gauche comme de droite se frottent les mains. Mr Doza, Ouattara va plus donner les ressources du pays que Gbagbo n’en a donné ?

Ce qui est tout à fait normal car dans la question de la protection, des intérêts supérieurs de la France, il n’y a pas de position de gauche encore moins de droite.  En France, toute la classe politique s’accorde sur ce point. Maintenant, à savoir si Ouattara vendra la Côte-d’Ivoire plus que Gbagbo (qui avait le dos au mur) je crois que le bombardement d’Abidjan pour installer le nouveau sous-préfet local, l’explique mieux que moi.
 
On parle aussi d’une trop grande fierté chez le président Laurent Gbabgo. Pour vous qui l’aviez connu, qui était cet homme ?

Fierté, dans le combat pour l’émancipation du peuple ivoirien, oui. Et pour cela, Il avait tout perdu en 1983. Quand il arrivait à Paris, il avait sous le bras, comme témoignage, un manuscrit : « Côte-d’Ivoire, pour une alternative démocratique ». Et pourtant Félix Houphouët, le dictateur, venait de le dénoncer dans les médias d’état avec les professeurs Zadi Zaourou et Pierre Kipré comme étant les têtes pensantes « d’un complot bété », tapis dans l’ombre à l’université d’Abidjan, s’activant à renverser le gouvernement ivoirien.  C’est le Gbagbo, que j’ai connu et promotionné médiatiquement, dans l’exil à Paris de 1983 à 1988.
En avril 1989, il a envoyé Louis Dacoury Tabley à Paris me chercher, pour venir dans la lutte à Abidjan, j’ai refusé. Car je considérais que ma tâche dans les médias français, contre la désinformation sur la Côte-d’Ivoire, n’était pas achevée. Donc, je n’ai pas côtoyé le président Gbagbo dans l’exercice du pouvoir d’Abidjan, entouré qu’il était déjà, dès 1990, par des manges-mils, venu de la droite local, qui l’ont entouré et géré(en entretenant le mensonge et la calomnie sur ses amis politique), pour mieux le posséder et ensuite le vendre à l’impérialisme français, en 2010.

 La France y  décline toute responsabilité dans le transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI.Ses médias le disent d’une manière très masquée…

Ce qui ne me surprend pas, car la tactique de l’impérialisme français, c’est d’abord, avant toute intervention dans un pays tiers, la diabolisation des dirigeants locaux. Ceci, pour s’octroyer la bienveillance, de son opinion publique, primordial, pour la gestion future, du discours électoral.

Le premier ministre Guillaume Soro trouve que Gbagbo est à la CPI parce le FPI a refusé de se repentir et d’aller aux élections…

Après cette sortie de Guillaume Soro, sur les raisons qu’il donne,  de Laurent Gbagbo, pour sa déportation, je l’ai mis en garde, en disant : « Qu’il sera frappé, lui et son pouvoir, dans peu de temps ». Je lui ai dit dans une interview, accordé à un quotidien ivoirien, ce mois-ci, parce qu’il pousse, trop loin le bouchon de la provocation. Car, il y a un moment, où il faut savoir s’arrêter, devant l’émotion de tout un peuple, qui a vu son leader déporté, au pays des blancs, livré qu’il était, par ses propres frères de race, dont les arguments avancés, ne reposent sur aucun sentiment africain … 
 
Pour vous qui  êtes un fin analyste de la Côte d’Ivoire, quels avantages Ouattara en tirent quand Gbagbo est loin de la Côte d’Ivoire.

L’absence de Gbagbo sur le territoire ivoirien permet à Ouattara et a ses alliés d’asseoir le pouvoir impopulaire du RDR issue du bombardement franco-onusien d’Abidjan, le 11 avril 2011.
C’est une logique simple, le leadership Gbagbo était la seule stature mobilisatrice donc le transfèrement, achève toute volonté de résistance interne, pour la gauche.
  
Appelez-vous cynisme politique quand la jeunesse du PDCI dit  dans un communiqué que c’est Gbagbo qui a gagné aux élections et que c’est Ouattara qui a créé tous les problèmes actuels ?

C’est une vérité, qui est dite. Mais, pourquoi vient-elle en retard, surtout de la part du PDCI, qui découvre, après avoir porté Ouattara , au pouvoir, qu’il s’est trompé de candidat.  Aujourd’hui, le PDCI recherche des alliés, pour combattre Ouattara (pris à la gorge par les FN), parce qu’il ne respecte pas les accords préélectoraux, de partage du pouvoir. Donc le PDCI fait les yeux doux au FPI pour une éventuelle coalition anti-Ouattara…

Demander à Ouattara de livrer ses partisans à la CPI n’est pas au fait lui dire de se tirer la balle dans le pied ?

C’est vrai, mais Ouattara a besoin (et c’est son souhait) de se débarrasser de Guillaume Soro, que la France ne veut plus, pour s’être aguerris au combat pendant les neufs ans de la rébellion. Deux fois, Premier ministre, et de Gbagbo et de Ouattara, il a vite appris, les ficelles du pouvoir… Et la France n’aime pas beaucoup ces leaders de la rébellion, qui, parviennent dans les arcanes des pouvoirs africains, en sortant des maquis, avec un idéal. L’image de Jean-Pierre Bemba, vice-président du Congo-Kinshasa, arrêter à l’aéroport de Bruxelles et transférer au TPI pour crime contre l’humanité, est à méditer…

La peur qu’Alassane et ses partisans soient arrêtés après le pouvoir ne va pas  les amener à vouloir s’éterniser au pouvoir ?

Rien ne dit, que Ouattara et ses partisans seront poursuivi, une fois avoir quitté le pouvoir. Car, ces sont des commandos africains, commandité par le lobby colonial français, avec une mission : tué en Côte-d’Ivoire, pour créer les conditions de la peur. Cette peur, qui va éloigner, des années durant, le sentiment de l’indépendance nationale, dans la volonté populaire locale.  Donc, bien sûr, on donnera, à la foule, du menu-fretin, pour contenter les adorateurs des droits de l’homme…Mais les gros poissons ne viendront pas au TPI.

Charles Konan Banny dit que la réconciliation continue…

C’est le plus gros dindon actuel, de la politique ivoirienne, car il manque de dignité. On l’avait donné, pour démissionnaire, au lendemain de la déportation de Gbagbo au TPI. Mais ce fut, un effet d’annonce. Banny est resté aux commandes d’une pseudo-commission qui n’a plus de raison d’être.

Car, lui-même avait affirmé, que Gbagbo viendrait témoigner devant la commission pour apporter sa contribution à la réconciliation. Et sans son avis, Ouattara défère, (après un jugement en catimini, devant un tribunal à huis-clos) Gbagbo au TPI, logiquement il aurait pu démissionner, mais le manque de dignité est une plaie qui gangrène nôtre pays…

Beaucoup d’analystes disent qu’aucun partisan de Ouattara ni  lui-même n’iront à la CPI. Êtes-vous de cet avis aussi ?

Oui, je viens de le dire…

Un mot sur les élections législatives du 11 décembre 2011.

Ce fut un fiasco. Un désaveu pour le régime. Mais en Afrique, l’opinion n’existe pas. Alors, l’impérialisme français fabrique le président, l’impose et considère ce que ses poulains locaux lui rapportent.

Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info

 

 

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