Avant hier sur le plateau de Canal+, l’ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy, Dominique Paillé s’en est pris à Alassane Ouattara, lors de la diffusion d’une émission dénommée « La matinale » dans laquelle l’invité est soumis, dans une rubrique appelée « J’aime /j’aime pas », à dire ce qui le rebute dans l’actualité nationale ou internationale ou qui, au contraire, lui procure de la satisfaction. On aurait pu l’appeler la séquence émotion. En raison de l’implication de cet homme dans ce qui est advenu pendant la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Car au moment où l’armée française bombardait la résidence de Laurent Gbagbo, pendant ce qu’il est convenu d’appeler l’épilogue sanglante de l’élection présidentielle ivoirienne, Dominique Paillé était encore le porte-parole de Nicolas Sarkozy, président de la république française en fonction.
Comme lui, les militants de l’UMP, alors au pouvoir, affirmaient avoir imposé la démocratie à la Côte d’Ivoire et débarrassé le pays d’un odieux dictateur. Cette ligne de défense que ceux qui connaissaient la réalité ivoirienne savaient être une imposture, Dominique Paillé l’avait quand même défendue. Même si visiblement, il semble nettement le regretter aujourd’hui. Car lorsque l’animatrice de l’émission « La matinale », proposée chaque matin de bonne heure aux téléspectateurs de la chaîne cryptée, demande à l’ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy, s’il a aimé le rôle joué par la France dans la crise ivoirienne, Dominique Paillé n’hésite point. Pour lui, c’est d’ailleurs le non catégorique : « je n’aime pas vraiment », avoue-t-il, surtout après que l’un de ses proches aie subi, à Abidjan, des tortures infligées par les FRCI. « J’ai été extrêmement marqué par un épisode qui m’a bouleversé. Le fils d’un ami a été victime, à Abidjan, il y a 48 heures de tortures innommables. On lui a coupé les deux bras ; il avait 30 ans. C’étaient, d’après mon ami, les forces de Ouattara».
Face à une telle bestialité, Dominique Paillé en vient à regretter le choix de Ouattara comme chef de l’Etat de Côte d’Ivoire. Aveu intrigant s’il en est parce que la France a toujours indiqué que c’est Ouattara qui avait gagné les élections et que Paris n’avait alors fait que respecter la volonté des Ivoiriens. Or si on pouvait en douter au regard de la cartographie électorale de la Côte d’Ivoire et des chiffres sortis des urnes, on l’est davantage après avoir lu ces lignes : « je m’interroge si vraiment nous avons fait le bon choix en Côte d’Ivoire », affirme l’ancien porte-parole de Sarkozy. Signe que le choix du chef de l’Etat ivoirien fut avant tout français, comme l’a sans doute clairement attesté le niveau d’implication de la France dans la guerre contre Laurent Gbagbo.Révulsé par le témoignage du calvaire du fils de son ami, Dominique Paillé s’est montré particulièrement ulcéré sur le plateau de Canal+ « Je suis plus qu’indigné », assène-til. Certes l’indignation de l’ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy ne va sans doute pas dépasser l’espace du plateau télé. Peut-être si quand même, et parcourir quelques cercles de l’ancien pouvoir qui reste toujours aussi actif à Paris qu’à Abidjan où les sarkophiles conservent toute leur nocivité de 2010. Cela dit, le vrai débat continue de rester celui de la légitimité du pouvoir d’Alassane Ouattara. C’est ce que démontre en creux Dominique Paillé. Un chef d’Etat sûr de sa popularité n’aurait sans doute jamais encouragé de telles tortures. D’où les regrets et le remords de ce proche de Nicolas Sarkozy qui sait forcément de quoi il parle en raison de sa proximité avec l’ancien président français. Cela dit, la position de Dominique Paillé relance aussi un autre débat : celui du respect des droits de l’homme en Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara s’était présenté au monde comme un démocrate respectueux de la vie humaine. Les faits lui donnent tort.
Car en plus des expéditions punitives et les tortures auxquelles se livrent les FRCI, le pouvoir continue d’encourager par son laxisme l’occupation des maisons des adversaires dont les comptes sont toujours par ailleurs gelés. Ce n’est que hier, à la suite de la menace du FPI de faire organiser des marches éclatées dans tout le pays et, au besoin, de lancer des mots d’ordre d’opération « villemorte » qu’Alassane Ouattara s’est engagé hier à présenter une liste de quarante huit personnalités à dégeler. Le chef de l’Etat étant passé maître dans l’art du double discours, il faut sans doute attendre avant de voir si l’annonce d’hier se concrétise. En attendant, le pays est toujours bloqué, le dialogue politique en premier. Et malgré des apparences d’ouverture, le pouvoir intensifie la répression de l’opposition dont plusieurs centaines de militants sont encore détenus dans les goulags connus ou inconnus du régime.
L’ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy se sent d’autant plus interpellé que son régime a joué un rôle capital pour l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir. Signe que la France est prise de remords ? Signe aussi qu’elle va enfin changer de fusil d’épaule ? L’avenir nous le dira certainement.
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