De la nécessité d’aller aux élections en rangs unis

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Le 28 Février 2010 les Togolais sont appelés à aller aux urnes pour désigner celui qui va présider leur destinée pour les 5 ans à venir.
Comme de coutume, le RPT va encore s’arroger le droit du peuple en vidant les élections de leur substance. La question aujourd’hui est de savoir si l’opposition a maintenant retenu les leçons du passé. Il y a eu 1998, 2003 et 2005 ou elle a tout raflé tel un torrent, renversant tout sur son passage. Qu’a-t-elle fait de sa victoire? Rien du tout ou peu. Comment peut-on gagner les élections et aller aux négociations en se laissant dicter la conduite à tenir et en se contentant des miettes que le pouvoir vomi du RPT lui donne.

Ce comportement lâche de l’opposition a fait qu’il y a aujourd’hui péril en la demeure. Elle doit donc chercher en son sein le bon candidat qui au soir des élections doit nous emmener au pouvoir. La donne a changé. Il ne faut plus aller aux élections pour revenir dire qu’on a gagné tout en concédant l’exercice du pouvoir au perdant. Il faut être vraiment incapable pour laisser le RPT gouverner avec seulement 7% des suffrages comme cela a été le cas en 2005. “On ne change pas une équipe qui gagne”, dit-on souvent. Au Togo, l’opposition a érigé en règle le contraire. Pour elle, on ne change pas une équipe qui perd. A chaque grand rendez-vous, comme à la Conférence Nationale Souveraine, en 1992, 1993, 1998,2003 et 2005, l’opposition a brillé par son incapacité et surtout son impuissance à occuper le terrain et à organiser la résistance. Elle laisse toujours le peuple éteindre le feu qu’ils ont allumé. Apres avoir joué au pyromane, elle se refugie qui dans les maquis, qui à l’extérieur, en envoyant le peuple abandonné à l’abattoir pour ensuite tenter de revenir jouer le rôle du sapeur pompier.

A nouvelle donne, nouvelle mentalité. L’opposition doit accepter aller à l’école du sacrifice, du partage et de l’union. Elle doit s’assimiler à son armée comme elle s’identifie à son peuple. Ensuite, chaque leader doit faire une introspection en reconnaissant ses limites et surtout en reconnaissant les mérites et les aptitudes de l’autre. La délivrance et la conquête du pouvoir sont à ce prix

L’armée, cette énigme

Comment peut-on vouloir le soutien et l’appui d’un corps dont on ignore tout: son langage, ses attentes et surtout ses appels du pied. Il faut arrêter de lui tirer dessus à boulets rouges car les vrais coupables sont à rechercher ailleurs. Les leaders doivent d’abord comprendre la complexité de l’armée togolaise avant de porter sur elle un quelconque jugement.

Pendant longtemps, les militaires qui sont nos frères, nos enfants et nos pères ont été identifiés comme la branche armée d’abord d’Eyadema, ensuite du RPT. En réalité, il y a une minorité de perturbateurs, composée du clan (frères, cousins, enfants, neveux et gendres) qui détient tout l’appareil du commandement. Tout le reste est tenu en respect par le “pacte d’allégeance et de fidélité”. Toute entrave ou tout égarement est sanctionné par la mort. Le parcours de survie du supplicié passe par un passage rédhibitoire qui est le féticheur Tanaw de Djamdé, véritable cauchemar des officiers. Sa potion magique peut s’avérer être un puissant poison mortel (Lieutenant Amouzou, Colonel Assila, Colonel Merlaud et Capitaine Francisco. Le refus de se présenter devant Djamde expose aussi les récalcitrants à la mort par assassinat (Gaston Gnéou, Osseyi, Koffi Kongo). Certains qui ont eu le courage de critiquer les dérives de l’armée ont été purement et simplement assassinés ou exécutés. C’est le cas d’Ameyi, de Tepe, d’Akpoh, d’Epou, de Tokofai, etc.

Tout comme le peuple, l’armée cherche son rédempteur. Tant qu’elle ne l’aura pas trouvé, elle ne franchira pas le Rubicon, d’où la nécessité de désigner un leader à la fois dur et souple, intraitable et flexible. L’armée s’engagera clairement et résolument quand elle aura identifié ce leader intrépide.

Où était l’opposition quand on a voulu assassiner le Général Bonfoh? Le Général Tidjani a eu la vie sauve grâce à la bravoure et à la témérité du soldat Gbessa (ancien chauffeur du Colonel Biténéwé) quand Ernest a tenté de l’assassiner au camp Landja. Le Colonel Biténéwé a été sauvé du glaive par le clergé, mobilisé de la base au sommet, tandis que le Capitaine Pelo et le Colonel Assih ont dû choisir entre la mort et l’exil. Le jeune Lieutenant Innocent Kpandang et bien d’autres encore ont été empoisonnés. Face à toutes ces tragédies, les leaders de l’opposition n’ont pas cru bon de lever le petit doigt, s’enfermant plutôt dans leurs calculs mesquins, cherchant à éliminer un candidat jugé dangereux pour leur accession à la présidence. Ils ont ignoré l’appel au secours de l’armée qui leur envoyait des “SOS”.

Aujourd’hui que nous voulons une refonte de l’armée dans la société, il incombe à l’opposition de désigner en son sein l’oiseau rare, celui là même qui pourra répondre à l’appel de l’armée tout en restant près du peuple.

De 1990 a 2010, soit pendant 20 ans, nous avons pu voir nos leaders (à l’exception d’un seul, Gilchrist Olympio) à l’œuvre. A la moindre incartade, ils sont hors des frontières, abandonnant le brave et courageux peuple à son sort. Agboyibo, Gnininvi, Jean-Pierre Fabre en passant par Edouard Kodjo, Adani Ifê, Zarifou Ayeva, Jean-Lucien Savi de Tové ont tous été sur le terrain. Certains ont eu le courage, il faut le noter , de retourner leur veste. C’est le cas de Zarifou Ayeva, d’Edouard Kodjo, de Jean-Lucien Savi de Tové, et plus récemment de Léopold Gnininvi.

D’autres comme Agboyibo ont été échaudés par leur expérience carcérale (qui a émoussé sa verve). Le plus inquiétant cependant est le cas de Jean-Pierre Fabre, l’homme aux deux visages. En effet, le plus proche collaborateur de Gilchrist Olympio a profité d’un instant de faiblesse de celui-ci, terrassé par la maladie pour le poignarder dans le dos; acte diabolique et lâche à la faveur d’un pacte dénommé contrat social avec Faure Gnassingbé.

Pourquoi sont-ils tous hors course?

D’abord, le patriarche Apollinaire Yaovi M. Agboyibo

Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est a Dieu. Dans l’opposition, il est celui qui a marqué son temps après Gilchrist Olympio. A la tête de la CNDH, il a abattu un travail incommensurable et par la subtilité, il s’est engouffré dans la brèche ouverte par Me Djovi Galli et surtout les étudiants de l’université du Benin à la recherche de leur camarade Nayone porté disparu après une réunion des étudiants du Nord Togo où il a émis des critiques à l’encontre du régime. Malheureusement, il a dilapidé tout ce capital de sympathie accumulé, à cause de son inexpérience politique et de sa soif du pouvoir qui l’emmènera certes à la primature, mais le coupera de sa base, véritable cordon ombilical, qu’est le peuple. Dans la vie, il faut savoir quitter les choses avant que les choses ne vous quittent. Il est temps pour lui de tirer sa révérence et de passer véritablement la main aux jeunes de son parti. Il doit aussi faire preuve de sagesse, d’amour de pardon et de patriotisme en mettant de coté ses ressentiments personnels en serrant la main de ceux qui l’ont offensé. Il doit mettre au-dessus de toute considération, l’intérêt supérieur de la patrie. L’union de l’opposition passe par la réconciliation de ses leaders.

Ensuite, il y a la CDPA de Gnininvi et de Brigitte Adjamagbo-Johnson

En réalité, ce parti a cesse d’exister depuis la mort d’Eyadema qui a coïncidé avec l’abdication de son Secrétaire General, Gnininvi. A tour de rôle, les membres du bureau ont commencé à aller à la soupe RPT en commençant par Gnininvi et Aduayom. C’est maintenant autour d’Hilaire Logo Dossouvi et de Brigitte Adjamagbo-Johnson a qui des promesses de portefeuilles ministériels ont été faites. La stratégie est de laisser la CDPA aller aux élections pour enlever à la vraie opposition une partie de l’électorat, ce qui profitera au RPT. D’ailleurs les jeunes loups du parti que sont Tino Agbelenko Doglo, Adje Kpade et Eloi Koussawo l’ont très tôt compris et se sont désolidarisés de la ligne prise.

Nicolas Lawson l’anti héros

Voila un monsieur qui avait tout pour rentrer dans l’histoire et qui a tout perdu par la faute de sa cupidité.

Nicolas Lawson avec Jean Yaovi Degli, Gabriel Agah, Alain Koumondji, Jacob Tevi Lawson et feu Bertin Kangni Folly sont ceux qui ont soutenu et financé les étudiants en 1990 et en 1991 dans leur lutte contre la dictature d’Eyadema. Apres la grève des étudiants, ils se sont taillé la part du lion en mettant sur le carreau les pauvres étudiants. Les trois premiers cités vont d’ailleurs convaincre les étudiants d’abandonner le terrain au COD qui a été précipitamment créé pour entamer les négociations avec le pouvoir. Koffigoh et surtout Agboyibo devaient ainsi récupérer ce cadeau généreusement offert par ce trio moyennant des promesses. Nicolas Lawson va cependant claquer la porte après avoir dénoncé le non respect des promesses par Koffigoh. Depuis, il a décidé de vendre son âme au diable en se présentant aux élections avec le cautionnement du RPT pour diviser les voix de l’opposition.

Le mystère Péré

En 2003, des pasteurs et surtout une partie du haut commandement de l’armée avaient approché l’opposition pour lui demander d’investir Maurice Dahuku Péré comme son candidat pour affronter Eyadema. La démarche était d’enlever au Général Président l’éternel argument de la division Nord-Sud et avait 2 objectifs: fédérer des énergies nouvelles autour de Péré pour se débarrasser d’Eyadema et avoir l’assurance qu’il n’y aurait pas de chasse aux sorcières.

Le choix était clair aux yeux de l’armée:

-Designer Péré comme candidat de l’opposition et recevoir l’appui militaire, ou

-Designer quelqu’un d’autre et faire face aux conséquences.

Comme il fallait s’y attendre, l’opposition a rejeté cette proposition qui la réconciliait avec son armée en espérant se servir de la rue pour chasser Eyadema.

Déçu, Péré s’enferme dans la foi chrétienne qui a fini par l’éloigner du rationnel. Il a désormais du mal à communiquer sa pensée. Il se voit désormais investi d’une mission divine, celle de délivrer le Togo. Il ne peut pas se présenter aux élections faute de caution.

Kofi Yamgnane, l’inconnu qui intrigue

L’avenir lui tendait les bras. Il avait tout pour être le candidat de l’union. Comme Gilchrist Olympio il ne s’est pas mouillé. Il est du Nord et il a les relations internationales. L’armée croit enfin avoir trouvé l’homme qu’il faut et le pouvoir en place l’a compris. Kofi Yamgnane donne le tournis et de l’insomnie au RPT qui voit en lui un réel danger. Les réunions se succèdent les une après les autres pour trouver la bonne raison pour le mettre hors d’état de nuire. Debbasch, Bodjona et Bawara sont formels. Pour eux quelque soit le cas de figure, Kofi Yamgnane ne doit pas aller aux élections. Le laisser aller est un risque que le pouvoir ne doit pas prendre car il attire de la sympathie dans les populations, surtout du Nord et dans la grande muette. En effet, il a la confiance des officiers Bassar et de certains officiers restés fidèles à Kpatcha. Enfin, il a l’oreille attentive d’une certaine France qui voudrait à tout prix le départ des Gnassingbé.

Pour l’écarter de la course, trois scenarii ont été retenus: la nationalité, la résidence et la naissance. Le premier a été très vite abandonné faute d’arguments convaincants d’autant plus que la plupart de nos dirigeants possèdent eux-mêmes la double nationalité. Le deuxième aussi a été écarté parce qu’ils n’avaient pas d’argument béton. Logiquement, ils se sont rabattus sur le troisième scenario qui leur offrait une brèche. Pour ce faire, il fallait avoir l’aval de la Cour Constitutionnelle. Son Président, Abdou Assouma a été convoqué au haut commandement militaire pour se voir intimer l’ordre de signer une déclaration qui éliminait Kofi Yamgnane de la course présidentielle. Le Président Assouma refusa d’obtempérer arguant du fait que le rejet n’avait aucune base juridique. Pour le décider, les militaires font planer des menaces sur sa famille et le séquestrent. Ecœuré et éreinté, le vieux Assouma abdique le lendemain à six heures du matin après une nuit difficile. Il est autorisé à rentrer chez lui après avoir signé le document rédigé par Bodjona et introduit par “une certaine armée”.

Le pouvoir RPT est un rouleau compresseur qui ne laisse rien sur son passage. Il écrase toute velléité de résistance même au sein de l’armée, de la CENI et de la Cour Constitutionnelle.

Jean Pierre Fabre le fourbe

Seul face à sa conscience il pourra avouer ce qui l’a poussé à poser cet acte. Jean Pierre Fabre est simplement dangereux. En politique, il n’y a pas de sentiment. C’est la dure leçon qu’il a donnée à son mentor. Tout a été calculé, préparé avec minutie. Qui peut expliquer comment en 24 heures Jean Pierre Fabre a rassemblé tous les documents pour sa candidature de recours?

En réalité, il avait son dossier prêt depuis 2005 où il avait demandé à Gilchrist Olympio de le proposer plutôt que Bob Akitani. Depuis le refus du Président de l’UFC, Jean Pierre Fabre lui voue une haine viscérale, se refugiant sous son ombre, tel un félin tapi dans l’ombre, attendant l’occasion propice. La maladie de Gilchrist Olympio et surtout son éloignement lui donneront cette occasion.

En fait, voilà sa démarche, au commencement était un pacte dénommé contrat social entre le RPT et le groupe de Jean Pierre Fabre. Le deal était clair:

– Jean Pierre Fabre et son groupe écartent Gilchrist Olympio des élections et apportent un gage au camp RPT qu’il n’y aurait pas de poursuites pour crimes économiques, crimes de sang et pour trafic de drogue.

– En retour, le camp RPT s’engage à donner un joli pactole, des portefeuilles ministériels et surtout à passer la main en 2015 au camp de Jean Pierre Fabre.

Voila ce qui est ressorti de l’entretien qu’ont eu les deux camps, l’un, représenté par le Ministre d’Etat Pascal Akoussoulelou Bodjona et le bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Alexis Coffi Aquereburu, et l’autre, représenté par Isabelle Ameganvi, Georges Latevi Lawson, Patrick Lawson, Ruben Doe Bruce et Jean Pierre Fabre.

Le groupe de Jean pierre a exigé et reçu du RPT l’implication du médiateur Blaise Compaoré, comme garant de l’accord. C’est pourquoi au lendemain de sa candidature, Jean Pierre voulait se rendre à Ouaga prétextant aller défendre la candidature de Monsieur Olympio. Le but du voyage en fait était d’aller expliquer au médiateur les raisons de la mise a l’écart de Gilchrist et surtout la nécessite d’une alternance en 2015.

D’ailleurs, l’avez vous depuis entendu dénoncer l’impréparation de ces élections? Son regard est déjà tourné vers 2015, considérée par son camp comme année de l’alternance.

Jean Pierre Fabre n’est pas Gilchrist Olympio. Il n’est pas le leader de l’opposition pour demander aux autres de se joindre à lui pour aller aux élections. C’est l’erreur à ne pas commettre car alors, ce sera donner le pouvoir au RPT sur un plateau d’or.

Pour rappel, hier, quand le peuple était dans la rue pour combattre la dictature, Jean Pierre Fabre s’était refugié sous l’ombre de son ami Djoua qui était son voisin d’en face à la résidence du Bénin, celui là même qui incarnait la face visible de la répression. Djoua avait positionné des éléments qui assurraient la garde de Fabre et de Massan Osseyi, épouse Dagadzi.

Apres avoir trahi Gilchrist Olympio, il pousse le cynisme en le forçant à avaliser la forfaiture en parlant à sa place, lui jetant des fleurs au passage, histoire de l’embrasser pour mieux l’étouffer. La démarche est d’emmener Gilchrist Olympio à lui apporter un soutien public. Il sait que l’UFC est toute la vie du leader et qu’il fera tout pour préserver son unité. Pour ce faire, le seul recours qu’il aura sera lui Jean Pierre, même si c’est à son corps défendant.

A l’analyse, on dirait que Jean pierre ne connait pas bien l’animal politique qu’est Gilchrist.

Nul n’a besoin de montrer à Monsieur Olympio la voie à suivre. Sa tâche est plus ardue qu’il sait que même, en se ralliant à la candidature de Jean Pierre, sa base fidàle ne le suivra pas. D’ailleurs, beaucoup reprochent à Monsieur Fabre son arrogance et son mépris pour les gens.

Face a cette situation du “cul” entre deux chaises on se demande ce que Gilchrist ferait, non pas pour son parti l’UFC, Mais pour le Togo et pour l’Histoire.

Gilchrist Olympio, héros malgré lui

40 ans dans la vie d’un homme c’est beaucoup. Voila ce que Gilchrist Olympio a donné au peuple pour qui il a tout tenté. C’est d’ailleurs pourquoi ce peuple a fini par s’identifier à lui. Pour rester dans la ligne qu’il s’est tracée, Gilchrist doit justement penser à ce peuple en se prononçant sur l’avenir du pays et sur le choix à faire en votant utile.

Le véritable ennemi de Monsieur Olympio est sa popularité. Il est craint et détesté par le clan Gnassingbé-RPT et par les autres leaders de l’opposition. C’est un peu le “Robin des bois” de la politique togolaise. Tout ce que le pouvoir et ses amis de l’opposition lui ont pris, la rue le lui a toujours retourné.

Marqué par la mort de Tavio Amorin et de Marc Attidépé et éprouvé par les attaques mesquines des autres leaders, il se réfugie dans l’isolement et la solitude. Face à son destin, il a fini par faire tout seul sa mutation. Il confiait encore récemment que cette lutte n’est pas l’affaire d’un parti, encore moins d’une seule personne. Il disait qu’il faut rassembler les forces vives engagees dans le changement vrai, donner sa place à l’armée dans la cité et tendre la main a tous nos frères égarés qui veulent revenir dans le droit chemin.

Ce changement de ton malheureusement lui coûtera cher. Le nouveau langage dérangeait aussi bien le pouvoir que le camp de Jean Pierre Fabre qui le présentaient aux yeux de l’opinion comme élément de blocage du processus démocratique dans un climat apaise. Pour étouffer ce changement dans l’œuf, ils ont donc décidé de l’écarter en passant a l’acte. Le soin est laissé à ses propres amis du parti de lui porter l’estocade finale. “Ô Dieu garde moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge”. Par cet acte abject et immonde, ils ont voulu l’enterrer. Ils se rendent compte qu’ils l’ont au contraire réveillé. Ils veulent le pousser à parler car son silence ne les arrange pas. Pour réellement prendre la main Jean Pierre attend le passage de témoin, ce qui lui donnerait une légitimité et une base électorale pour 2015.

A défaut, le camp Fabre se contente du mutisme de Monsieur Olympio, se refugiant derrière l’adage “qui ne dit mot consent”. Le silence de Gilchrist est coupable et ne sert pas la cause nationale, cette cause pour laquelle il a tout donné.

Il est incontournable et pour rentrer dans l’Histoire il doit parler. L’ironie veut qu’il soit aujourd’hui le faiseur de roi. Gilchrist doit pouvoir transcender les considérations de personne pour se projeter dans l’avenir. Au passage, il doit se débarrasser de sa casquette de leader de l’UFC pour revêtir plutôt celui de rassembleur, du leader incontesté de toute l’opposition, la vraie. Il doit choisir entre son cœur et la raison, entre l’ami et le candidat utile, entre la vieille méthode qui consiste a gagner les élections et a laisser le RPT gouverner a la place et celle plus pragmatique qui consiste a gagner les élections et a récupérer le pouvoir des mains de l’usurpateur.

Au soir des élections, le peuple ne voudra plus entendre que l’opposition a gagné mais voudra marcher derrière son leader pour aller prendre ce qui lui appartient, sans ciller ni trembler. En ayant le courage de poser cet acte Gilchrist Olympio rentrera dans l’Histoire du Togo comme celui qui a mis fin à l’imposture. La postérité retiendra de lui ses qualités d’homme intègre et de défenseur des causes perdues.

Pour revêtir ce manteau, Gilchrist doit commencer par joindre l’acte à la parole en tendant la main à Kofi Yamgnane, Yaovi Agboyibo, Maurice Dahuku Péré et à Messan Agbéyomé Kodjo. C’est à ce seul prix que le Togo survivra.

Messan Agbéyomé Kodjo, victime ou coupable

Il ne laisse personne indifférent. On l’aime ou on ne l’aime pas. Agbéyomé Kodjo aura réussi par son attitude arrogante à mettre beaucoup de personnes sur son dos. Il faut reconnaitre que l’homme a cependant appris depuis sa traversée du désert et son expérience carcérale.

Néanmoins, pour se faire une nouvelle virginité, il doit avoir le courage d’aller vers tous ceux qu’il a” froissé” pour faire son mea culpa franc et sincère. Il a déjà beaucoup fait, mais c’est insuffisant. Il doit cultiver l’humilité et la simplicité. Agbéyomé doit vider son contentieux avec Agboyibo qui doit accepter les excuses de son cadet et pardonner les griefs.

Trois éléments aujourd’hui constituent un frein à ses aspirations:

– Sa déclaration a la Conférence Nationale Souveraine (CNS)

– La tuerie de Freau jardin

– Et son implication dans l’incarcération d’Agboyibo.

On serait tenté de le clouer toute suite au pilori. Mais a y voir clair, Agbéyomé est beaucoup plus victime que coupable. Il a été l’instrument dont le clan Gnassingbé s’est servi pour régler ses comptes.

D’abord le plus grave, la tuerie de Freau jardin. Agbéyomé a eu le Malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, étant Ministre de l’Intérieur au moment des faits. Mais à la lumière des analyses et des recoupements faits, les leaders de l’opposition sont plus coupables que lui. Ils ont laissé se dérouler une manifestation à laquelle eux-mêmes n’ont pas pris part. Ils ont eu la vie sauve parce que Agbéyomé les avait dissuadés d’y aller. Ce qu’ils ne disent pas, c’est qu’il leur avait demandé aussi d’annuler la manifestation parce que l’unité de la “brigade rouge” au sein de la police nationale, constituée de militaires et de policiers tous issus de Pya, avait prévu d’assassiner des manifestants et des leaders pour décourager et dégoûter les gens de manifester encore. L’opposition a refusé d’annuler la manifestation parce qu’elle voulait ainsi exposer la véritable face du pouvoir aux Ministres Allemand et Français de la Coopération. Avec du recul, plutôt que de pointer un doigt accusateur vers Agbéyomé, il faut au contraire poser la question à Agboyibo, Edouard Kodjo et Gnininvi de savoir pourquoi ils n’étaient pas à la marche de Freau jardin alors qu’ils ont appelé le peuple à venir massivement. Il faut préciser que Gilchrist est exempt parce qu’étant absent du territoire.

Il y a ensuite l’arrestation arbitraire et le jugement inique du leader du CAR. Là aussi, il faut avouer qu’Eyadema est passé maitre dans l’art de diviser. Il a utilise Agbéyomé, qui malheureusement s’est prêté au jeu, pour affaiblir moralement et surtout écarter un concurrent gênant.

Cependant, l’homme n’est pas complètement blanc puisqu’il a déclaré en larmes à la CNS qu’il était au service d’un homme, Eyadema. Il lui revient de venir expliquer le sens de ses propos. Il est courageux de reconnaitre ces erreurs mais il est héroïque de se tenir devant Eyadema et les caciques du régime pour dénoncer les dérives du pouvoir. Deux hommes ont eu le mérite de le faire, Maurice Dahuku Péré et Messan Agbéyomé Kodjo.

Ce qu’il est important de retenir de l’homme est qu’il ne recule jamais devant ses droits. Il s’inscrit dans la lignée de Wade et de Gbagbo qui ont su transcender leur peur pour aller chercher non leur victoire, mais le pouvoir qui leur avait été injustement refusé.

Agbéyomé a eu le courage de dénoncer le système alors qu’il était au sommet. Il a eu un passage a vide, a reconnu ses erreurs quand il était aux affaires, et s’est publiquement repenti. Que celui là qui n’a jamais péché lui jette la première pierre.

A l’analyse de la situation politique du Togo, le choix aujourd’hui est entre un renégat et un repenti. Faut il choisir entre celui qui a goûté aux délices du pouvoir et qui y a renoncé librement en soutenant au péril de sa vie un ami en difficultés à cause de ses opinions et celui qui veut goûter aux mêmes délices en foulant au pied les valeurs défendues par son parti et en usant d’artifices et de moyens lâches pour écarter de la course le candidat investi, son ami d’hier. Face a ce dilemme, Monsieur Olympio doit parler et surtout designer le roi.

Faure Gnassingbé prétend appeler le peuple à l’union et a la paix. Il a créé une commission Vérité et Réconciliation et il a promis des élections apaisées et transparentes. Le voila encore qui sème les germes de la discorde et de l’injustice en écartant par des moyens peu orthodoxes d’éventuels ou supposés concurrents. Un climat social apaise appelle à la participation de tous les candidats dont les dossiers sont en conformité avec le code électoral. A tirer à hue et à dia, Faure ne laisse à l’opposition d’autre alternative que le rapport de force.

L’opposition doit se préparer à aller vers la confrontation si c’est ce que lui propose le pouvoir et pour ce faire, il faut un leader qui tienne la dragée haute au RPT. Nos leaders traditionnels ont tous lamentablement échoué face à cette stratégie du pouvoir. Mieux, en 2003 et en 2005, alors qu’ils avaient les renseignements que le RPT avait commandé des urnes supplémentaires qu’il avait bourrées, que le vote avancé de l’armée et des forces de sécurité était un moyen de tricher, que le RPT allait interrompre le réseau de communication téléphonique et internet, et qu’il y aurait des agressions et des voies de fait pour décourager d’éventuels audacieux, les leaders de l’opposition n’ont pu trouver la parade.

L’opposition sait qu’il y a une pratique au RPT qui veut qu’a chaque élection présidentielle on mette a la disposition des observateurs de l’argent, des chambres, des voitures et surtout des femmes payées pour les occuper dans leurs chambres, les détournant donc de leur mission. Ces observateurs pour la plupart ne visitent les bureaux de vote que depuis leurs chambres, rédigent des rapports pour déclarer que globalement tout s’est bien passé a part quelques incidents mineurs qui ne sont pas d’ordre à remettre en cause les résultats des élections.

Pour dénoncer toutes ces pratiques il faut un homme nouveau, un homme qui n’a pas sa langue dans la poche et qui n’a pas peur d’avancer. C’est en avançant que le pouvoir reculera.

Si Jean Pierre Fabre a pu trahir Gilchrist, cela va de soi, qu’il pourra trahir le RPT demain et plus tard, le Togo.

L’œil de Cain.
     

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