Côte-d’Ivoire Wodié formel « Le référendum seul peut modifier l’article 35 de la Constitution

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Les jours passent, et la défaite du président ivoirien sortant à la présidentielle de 2015 se profile à l’horizon. Une raison toute simple parmi plusieurs autres sociopolitiques sur lesquelles nous reviendrons au fur et à mesure, permet au stade actuel d’affirmer que monsieur Ouattara ne bénéficiera pas de la majorité des voix en 2015. Cette raison, c’est sa peur du Référendum sur son projet de modification de la Constitution de la deuxième République de Côte-d’Ivoire en son article 35. En effet, pour un président sortant sûr de son affaire, il n’y avait pas meilleur moyen de tester la force de sa coalition en soumettant cette modification aux Ivoiriens et Ivoiriennes par referendum. L’article tiré de l’Eléphant déchainé que nous vous proposons, vient donc corroborer cette volonté de Ouattara et de son parti le RDR, de faire modifier la Constitution ivoirienne par voie parlementaire. Une voie totalement illégale.

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Voie référendaire ou parlementaire ?

Le Président de la République avait pris l’engagement de modifier la Constitution, du moins, certains de ses articles, dont celui sur lequel Tia Koné, ancien président du Conseil Constitutionnel s’était appuyé pour déclarer Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et autres candidats, «inéligibles à l’élection présidentielle de 2000». L’article 35. Mais par quel processus fallait-il passer pour arriver à modifier ce fameux article qui continue de donner l’autorité de la chose jugée à l’arrêt de Tia Koné dont le fameux décret de Laurent Gbagbo n’a fait que mettre les effets entre parenthèses le temps de l’élection présidentielle et seulement l’élection présidentielle de 2010 ? Par voie référendaire ou par voie parlementaire comme on le souhaite au RDR ?

Pour régler la question, après le pavé jeté dans la marre par Affi N’Guessan, le chef de l’Etat, via le Ministre de la Justice, avait, le 7 février 2014, soit le jour-même où Affi N’Guessan avait déclaré qu’il n’était pas éligible pour 2015 – étrange coïncidence – adressé un courrier à l’ex-président du Conseil Constitutionnel, Francis Wodié. Objet : solliciter l’avis du Conseil sur la procédure à adopter pour modifier l’article 35 de la Constitution. Voie parlementaire ou voie référendaire ?

Eh bien «L’Eléphant Déchaîné» vient de se procurer une copie de la réponse adressée par Francis Wodié au chef de l’Etat au sujet de la procédure de modification de l’article 35 de la Constitution. Et cette réponse est sans appel…

«Obligatoirement par voie référendaire»

Dans sa réponse, Francis Wodié a été particulièrement clair. Jugez-en vous-même : «Avis relatif à la procédure de révision de la Constitution :

1/ Par courrier en date du 7 février 2014 (pourquoi avoir attendu tout ce temps alors qu’on s’est empressé pour faire voter des lois sur l’apatridie et la simplification de l’acquisition de la nationalité ivoirienne par une certaine catégorie d’étranger ? ndlr), le ministre de la Justice, des droits de l’homme et des libertés publiques, s’appuyant sur les stipulations de l’accord de Linas-Marcoussis, qui prévoient, entre autres, la révision de l’article 35 de la Constitution dans des termes convenus par les signataires, a saisi le Président du Conseil Constitutionnel pour recueillir l’avis de la haute juridiction sur la procédure à suivre pour y parvenir. Le ministre a justifié sa requête par la nécessité d’avoir « l’avis éclairé » du Conseil Constitutionnel sur une question à propos de laquelle, affirme-t-il, les avis sont « partagés », les uns soutenant que le parlement est compétent, en la matière, les autres soulignant la nécessité de recourir au référendum.

2/ Après avoir souligné l’intérêt et l’actualité de la question touchant à la révision de la Constitution, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur deux questions préalables : la compétence et la recevabilité.

a) Sur la compétence, le Conseil Constitutionnel a observé qu’il ne rentre pas dans ses attributions, expressément prévues par la constitution en matière consultative, de se prononcer sur la procédure de révision de l’article 35 de la Constitution. Mais, le Conseil Constitutionnel ne s’est pas arrêté à la lettre de la Constitution ; s’appuyant sur l’idée que l’avis, au contraire de la décision, est, simplement, destiné à éclairer les pouvoirs publics, le Conseil Constitutionnel a cru devoir en assouplir le régime juridique en se reconnaissant compétent pour donner l’avis sollicité.

b) Relativement à la recevabilité, la question était de savoir si le ministre de la Justice avait qualité pour agir.

Au regard de la Constitution, le ministre de la Justice n’a pas qualité pour saisir le Conseil Constitutionnel. Mais, s’est demandé la haute juridiction, « comment, dans le cadre du régime politique, qui est le nôtre, un ministre, quel qu’il soit, pourrait-il, de son propre chef, entreprendre une telle action à l’insu ou contre la volonté du Président de la République, détenteur exclusif du pouvoir exécutif » ? Aussi, le Conseil Constitutionnel s’est-il cru fondé à « affirmer que la demande d’avis émane du Président de la République » et que, par suite, elle « doit être reçue et traitée comme telle ».

c) En ce qui concerne l’avis proprement parler, le Conseil Constitutionnel ne l’a donné qu’en ayant rappelé l’obligation qu’il a, en sa qualité d’«organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics », « de fournir du texte de la Constitution l’interprétation, authentique, en cas de difficulté ou lorsque des interprétations divergentes de la part des pouvoirs publics sont susceptibles de se produire, comme le laisse entendre le courrier du ministre. »
Ainsi, en tant qu’« interprète désigné de la Constitution », le Conseil Constitutionnel a restitué, à travers l’avis donné, les trois temps que prévoit la Constitution relativement à la procédure de révision.

c-1- En tout premier lieu, il y a l’initiative ; celle-ci peut être prise par le Président de la République ou les membres de l’Assemblée nationale, agissant, non pas conjointement, mais concurremment sous la forme d’un projet ou d’une proposition de révision ; elle est assortie de limites : d’une part, elle ne peut avoir pour objet ni la forme républicaine du gouvernement ni la laïcité de l’Etat ; d’autre part, l’initiative ne peut intervenir ni être poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire national.

c-2- En deuxième lieu, la prise en compte de l’initiative : celle-ci doit intervenir à la majorité des 2/3 des membres de l’Assemblée nationale effectivement en fonction.

c-3- Enfin, il y a l’adoption, qui relève du peuple, aux termes de l’article 126, alinéa 1er, de la Constitution, qui dispose : « La révision de la Constitution n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Ce principe vaut en toutes circonstances, c’est-à-dire quel que soit l’objet du projet ou de la proposition de révision.

Toutefois l’article 126 de la Constitution apporte un assouplissement en distinguant entre les projets et propositions de révision qui doivent être obligatoirement soumis au peuple et ceux pour lesquels le Président de la République peut soumettre l’adoption du texte à l’Assemblée nationale, décidant à la « majorité des 4/5 des membres de l’Assemblée nationale effectivement en fonction ».

Rentrent dans la première catégorie les projets ou propositions de révision « ayant pour objet l’élection du Président de la République, l’exercice du mandat présidentiel, la vacance de la présidence de la République et la procédure de révision de la présente Constitution » (article 126, alinéa 2, de la Constitution).

Bien évidemment, les projets ou propositions de révision intervenant dans les autres matières sont, eux, susceptibles d’être adoptés par l’Assemblée nationale, sur décision du Président de la République (article 126, alinéa 3, de la Constitution).

Il y a ainsi les dispositions qui peuvent faire l’objet d’une révision soit par la voie référendaire soit par la voie parlementaire ; il y a les dispositions, telles que celles de l’article 35 de la Constitution, qui ne peuvent faire l’objet d’une révision que par la voie référendaire.

Il suit de ce qui précède que la révision de l’article 35 de la Constitution, relatif à l’élection du président de la République, doit, obligatoirement, être soumise au peuple par la voie du référendum, selon l’esprit et la lettre de la Constitution ».

La grave erreur politique de Ouattara

Voilà donc l’avis sans appel que Francis Wodié et ses conseillers avaient donné au chef de l’Etat, via le ministre de la Justice, sur la question du processus de révision de l’article 35 de la Constitution ivoirienne. Article sur lequel, le même Conseil Constitutionnel, alors présidé par Tia Koné, s’était fondé pour le déclarer inéligible pour «s’être – paraît-il – prévalu d’une autre nationalité».

A l’époque, après l’accord de Linas-Marcoussis » qui avait expressément recommandé la révision de cet article 35 bourré d’aspects confligènes, était né le débat de savoir quelle formule adopter pour cette révision. Le RDR et les ex-forces nouvelles qui n’étaient pas au parlement avaient exigé de Gbagbo qu’il soumette cette révision telle qu’écrite par les rédacteurs (voir notre encadré 1), au parlement pour son adoption afin de régler définitivement la question. Mais Gbagbo et le FPI s’y étaient farouchement opposés, exigeant eux, que le texte soit soumis à référendum. Or, le pays étant divisé, il était bien évidemment impossible d’organiser ce référendum. Finalement, la question n’a pas été tranchée et il a fallu laisser de côté l’article 35 et prendre un décret exceptionnel sur la base du dictatorial article 48 de la Constitution pour faire de tous les signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis, des candidats à l’élection présidentielle. Bédié, frappé par la limite d’âge et Ouattara, exclu par l’arrêt de Tia Koné ont ainsi pu se présenter à titre « exceptionnel » selon les termes du fameux décret de Gbagbo. En attendant, après les élections, la modification de cet article 35 reconnu par tous y compris Gbagbo lui-même, comme posant des problèmes.

Mais une fois élu et installé dans le fauteuil présidentiel, le pays réunifié, on ne sait trop pourquoi, malgré un contexte particulièrement favorable, le RDR, ébloui par les plaisirs du pouvoir et engagé dans la course à l’occupation des postes les plus « viandés » – pour utiliser l’expression de «Notre Voie» après la formation du gouvernement de l’ex-putschiste Guéi Robert en 2000 – ne s’est plus préoccupé de cette promesse du président de faire modifier la Constitution, même par voie référendaire. Toutes les élections (députations, municipales, conseils régionaux) n’ont-elles pas été organisées? Pourquoi n’avoir pas profité pour faire ce référendum et solder définitivement cette question qui divise les Ivoiriens jusque parfois au délire? Pourquoi avoir fait comme si le problème avait été résolu alors que chacun sait qu’il demeure entier ?

Francis Wodié qui avait prévenu qu’il démissionnerait si l’on lui demandait de violer le droit, pouvait-il, sans la modification de l’article 35, valider la candidature d’Alassane Ouattara à la prochaine élection présidentielle ? Pouvait-il également accepter que ledit article soit révisé par les députés sans qu’il ne soit soumis pour adoption au peuple ? Assurément non ! «J’ai échoué en tant que politicien. Mais je n’accepterai jamais d’échouer en tant qu’intellectuel ». A-t-il dit quelques jours avant sa démission comme «L’Eléphant » l’a rapporté.

Le chef de l’Etat qui avait pris l’engagement de faire en sorte que la Constitution soit un instrument de rassemblement des Ivoiriens, assurément, a commis une grave faute politique en négligeant la question de la révision de cette Constitution pendant quatre ans, malgré un environnement favorable. Comme Laurent Gbagbo, il vient de nommer un cadre du RDR à la tête du Conseil Constitutionnel. Nous voilà, quatre ans après la guerre, revenus à la case « PROBLEMES ». Car, la question de fond demeure. Et il ne s’agit pas d’épiloguer sur l’inéligibilité ou pas du chef de l’Etat, il est déjà président et la Côte d’Ivoire n’a pas disparu. Chacun s’en est aperçu y compris les «aveugles», comme on le dit au RDR. Il s’agit surtout de se demander pendant combien de temps encore devrions-nous attendre que les dirigeants politiques réalisent que ce qui fait la grandeur d’un pays, ce sont ses institutions et les textes qui régissent le fonctionnement de ces institutions ? Combien de temps encore faut-il à cette classe politique infernale pour qu’elle comprenne qu’on ne peut pas continuer avec des arrangements politiques médiocres à l’infini, qu’on ne peut pas continuellement jouer avec la vie de plus de 22 millions d’habitants et que tout ça pourrait finir un matin par une révolte qui balayera tout sur son passage ? Ils crient «démocratie» en public et agissent en petit comité comme à l’époque de la pierre taillée.

Quand le président américain a dit que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes », il s’en est trouvé des gens comme Blaise Compaoré, pour lui répondre sur le sol américain, que « l’Afrique a besoin d’hommes forts ». On espère qu’avec le congé forcé qu’il vient de prendre en Côte d’Ivoire, il a le temps de méditer mieux le sens profond des propos de Barack Obama.

L’impression qu’on a est que les dirigeants de ce pays ne tirent jamais les leçons de l’histoire. Au PDCI, le président Bédié a organisé un Congrès qui a adopté des résolutions claires et lui-même, sur la base de ces résolutions, a déclaré qu’« en tant que parti politique, il est impossible que le PDCI n’ait pas de candidat à l’élection présidentielle de 2015». Une affirmation qui a déclenché au Palais des Sports de Treichville, un tonnerre furieux d’applaudissements et une grande joie dans le cœur des militants de son parti.

Moins d’un an plus tard, voilà le même Bédié en train de préparer un Congrès extraordinaire pour faire annuler les résolutions concernant le candidat du PDCI à cette élection. Quelques mois plus tôt, frappé par la limite d’âge sur la base de textes qu’il avait lui-même fait adopter, il s’est arrangé pour faire sauter tous les verrous liés à la limite d’âge pour se maintenir à la tête du vieux parti devenu aujourd’hui la monture du RDR pourtant sorti de ses entrailles. Alors que si Bédié avait respecté cette clause de limitation d’âge, il aurait, définitivement, fait des statuts du PDCI, un document sacré que jamais, plus personne au PDCI, n’oserait manipuler pour ses intérêts personnels. Mais il a préféré être l’homme fort, au lieu de faire du PDCI, un parti fort. C’est le même jeu que le chef de l’Etat joue avec la Constitution qu’il avait la latitude de faire modifier aisément pour que plus jamais, personne n’attaque cette Constitution parce qu’elle divise les Ivoiriens. Il ne l’a pas fait, sans doute par calculs ou par peur, tout simplement, du «qu’en dira-t-on» sur sa nationalité, une question qui n’intéresse plus personne? Le chef de l’Etat sera sans doute déclaré éligible, modification de la Constitution ou pas (Wodié l’aurait déclaré inéligible, cela ne fait l’ombre d’aucun doute), on attend Koné Mamadou et son futur arrêt. Mais Venance Konan, patron du journal gouvernemental, dans son éditorial du mercredi 18 février, a sans doute trouvé la solution à laquelle aucun juriste n’avait pensé depuis 15 ans (lire encadré 2).

Ouattara aura construit des routes, des ponts, mais il n’aura construit aucune institution forte. Aucune. La Justice ivoirienne demeure dans un «état lamentable tant dans ses infrastructures que dans ses ressources humaines». Il n’a pas osé mettre en place la Haute Cour de Justice et les Ivoiriens demeurent sur un même territoire, inégaux devant les lois faites pour tous. Les médias d’Etat demeurent des médias d’Etat et n’ont connu aucune espèce d’évolution vers un statut de médias publics appartenant à tous les Ivoiriens.

Et la démission de Francis Wodié restera comme un furoncle sur le visage de son régime. Le chef de l’Etat a pris l’engagement de rassembler les Ivoiriens autour de leur constitution ; c’était sans doute son plus bel engagement. Il ne le tiendra sans doute pas. Et la démission de Francis Wodié dont on sait à présent que l’argument officiel avancé pour l’expliquer est de la pure fiction, fragilise en quelque sorte l’Institution qu’il dirigeait et entache la confiance des citoyens dans les décisions qui y seront rendues dans le cadre des futures élections. Le souvenir des exploits de Paul Yao N’dré étant encore vivace dans les esprits des Ivoiriens.

Quant à l’encore président du FPI Affi N’Guessan qui, le premier, a soulevé la question de l’inéligibilité de notre président pour la prochaine élection, il ne peut plus en parler, par simple calculs politiciens voire par compromissions… Ensemble avec le RHDP, ils vont continuer à laisser aux Ivoiriens, une constitution contenant des textes malicieusement introduits pour éliminer, à une époque, un candidat mais qui ne préoccupent plus personne parce que chacun y tire à présent son compte. Sur le dos du peuple. Le peuple, la seule victime de toutes les errances de cette classe politique infernale qui a beaucoup changé, il est vrai. Mais en pire.

Mais heureusement, Venance Konan vient de nous indiquer la voie pour nous en sortir – ignorer simplement l’article 35 – sans nous dire sur la base de quel autre article les candidatures à l’élection présidentielle prochaine devront être analysées et validées. Surtout que selon lui, notre Constitution actuelle n’a « aucune valeur ». Bravo! Et c’est pourtant cette Constitution «sans aucune valeur» qui maintient au pouvoir tous ces gens qui nous gouvernent depuis quatre ans. Pauvres Ivoiriens ! Et dire qu’ils ont été 86,97% à dire «oui» à cette Constitution, y compris notre actuel président. Voilà qui pousse à la réflexion…surtout que c’est écrit dans le journal gouvernemental…

Alors c’est pour quand cette déclaration «d’illégalité » de l’article 35 telle que décrétée par le patron du journal gouvernemental? Le suspense est inhumain !

Par Assalé Tiémoko in L’Eléphant déchaîné N°326

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