Leur nombre ? Entre une cinquantaine et une soixantaine, selon les sources. Leur tort ? Avoir..,
Les autorités ivoiriennes ont arrêté une cinquantaine d’opposants depuis la mi-septembre. Des ONG de défense de droits de l’homme s’inquiètent de leur sort.
« Les autorités politiques et policières se crispent à la veille de l’élection présidentielle (le dimanche 25 octobre, NDLR), elles se durcissent contre une partie de l’opposition », juge, inquiet, Hervey Kokou Delmas, le directeur exécutif du bureau d’Amnesty International en Côte d’Ivoire. Selon lui, depuis la mi-septembre, les forces de l’ordre ont procédé à des dizaines d’arrestations d’Ivoiriens issus de l’opposition.
Leur nombre ? Entre une cinquantaine et une soixantaine, selon les sources. Leur tort ? Avoir participé à des marches contre le processus électoral, organisées par la Coalition nationale pour le changement, une plate-forme issue de l’opposition.
Suspicion contre le régime d’Alassane Ouattara
Ces rassemblements non autorisés par le pouvoir ont parfois dégénéré en violences intercommunautaires, comme dans les villes de Bayota (centre-est) et Gagnoa (centre-ouest), faisant au moins deux morts. Mais, note David (pseusodyme), un acteur de premier plan d’une organisation internationale de défense des droits de l’homme, ces arrestations n’ont touché que des opposants au régime.
« Or, constate-t-il, navré, des violences ont été commises des deux côtés. À Bayota, les pro-Ouattara ont même monté une expédition punitive d’une brutalité féroce dans un quartier jugé pro-Gbagbo. Mais aucun n’a été arrêté. »
Dans les rangs de l’opposition, ces arrestations nourrissent la colère et la suspicion contre le régime du président sortant, qui se représente à l’élection présidentielle du 25 octobre. « Nous voulons exercer notre droit de manifester, mais le régime s’y oppose car il n’est pas démocratique », juge ainsi Agenor Youan Bi, l’un des organisateurs de ces manifestations.
Des prisons pleines de prisonniers politiques
Proche de Charles Blé Goudé, le chef de la branche jeunesse du parti de Laurent Gbagbo aujourd’hui détenu lui aussi à la prison de La Haye, Agenor Youan Bi est connu pour être un ultra de la mouvance pro-Gbagbo. « Au nom de la sûreté de l’État, du trouble à l’ordre public, les autorités n’ont autorisé que deux des cinq manifestations que nous avions prévues depuis la mi-septembre. Depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara, les prisons sont pleines de prisonniers politiques qui n’ont toujours pas été jugés », s’indigne-t-il.
« Il est vrai que l’attitude intransigeante des autorités n’est pas de nature à apaiser les esprits. D’autant que, lorsqu’elles sont autorisées, ces manifestations se déroulent pacifiquement », souligne David.
Mais il y a plus grave. « Pendant les arrestations, certains ont subi des coups. Quelques-uns ont été enfermés au secret pendant plusieurs semaines, sans avoir accès à un avocat ou à des soins médicaux », affirme Hervey Kokou Delmas.
La sinistre Direction de la surveillance du territoire (DST)
Agenor Youan Bi confirme ces accusations. Il n’est pas le seul. Nahounou Daliba, le coordinateur des Indignés, une plate-forme connue pour être pro-Gbagbo qui lutte contre les disparités sociales et contre la vie chère, dénonce le sort réservé à l’un d’entre eux, Semba David.
Arrêté après avoir appelé à manifester le 10 septembre, il est, depuis, détenu dans un lieu « secret ». Jugé le 30 septembre dans un procès expéditif, aux dires même des ONG de défense des droits de l’homme, il a été condamné à six mois de prison ferme.
Où serait-il détenu au secret ? Dans la sinistre Direction de la surveillance du territoire (DST), un lieu où en principe, on interroge les suspects avant de les envoyer à la maison d’arrêt de la Maca. Mais la DST a la réputation de garder au secret certains détenus et de pratiquer la torture. Ce que récusent certains observateurs. « Personne de sérieux ne peut le dire », souligne l’un d’entre eux.
Des détenus enfermés dans des conteneurs
Ce n’est pas l’avis du bureau ivoirien d’Amnesty International. « La DST fait partie de ces lieux où le régime détient des prisonniers en dehors de tout cadre légal, affirme sa présidente, Nathalie Kouakou. Ils sont enfermés dans des conteneurs, en plein soleil. Personne ne peut les visiter, les soigner et les défendre », accuse-t-elle.
Semba David n’aurait pas été le seul. « Nous savons qu’il y a eu au moins deux autres personnes enfermées à la DST, ajoute David. Deux jeunes, Richmond Kouamé Akpalé et Glidas Douadé Gildas, ont été arrêtés le 9 septembre à leur domicile de Yopougon, enfermés à la DST dans ces fameux conteneurs jusqu’à leur jugement, le 30 septembre. Relaxés par le tribunal, ils sont aujourd’hui incarcérés sans raison à la Maca. »
LAURENT LARCHER (à Abidjan)
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