Il est à la fois arbitre, juge de touche, joueur et cerise sur le bulletin de vote, financier de ses adversaires
« Atakokélé » qui signifie en malinké, l’une des langues du nord ivoirien : « un coup KO » ou ne pas rater son coup. « Un coup KO » c’est le slogan d’Alassane Ouattara pour la campagne présidentielle de 2015 qui a débuté le vendredi 9 octobre dernier dans une Côte d’Ivoire non réconciliée et en proie aux démons facteurs de la crise militaro-politique que traverse ce pays depuis 1999.
L’actuel homme fort des lagunes veut gagner absolument au premier tour qui aura lieu le 25 octobre prochain. Coup de projecteur sur une présidentielle obscure qui ne restera pas dans les annales.
Le pays peine à sortir de la crise post-électorale de 2010 qui a exacerbé les tensions et divisé profondément l’ancien havre de paix ouest africain dont la cohésion se conjugue désormais dans les profondeurs de l’incertitude… voire de l’inconnu. Arrivé au pouvoir dans les chars de l’ONU et des soldats français agissant sur les ordres de Nicolas Sarkozy, Ouattara est toujours en quête d’une légitimité que lui refuse obstinément un grand nombre de leaders politiques et citoyens ivoiriens. L’engorgement des prisons par ses opposants, le chantage, la violence et même les meurtres n’ont réussi à faire de l’ancien élève du lycée Zinda Kaboré de Ouagadougou, le président de tous les ivoiriens. Le vainqueur de la guerre post-électorale de fin 2010 peine à se tailler un costume de démocrate malgré l’organisation de cette présidentielle.
Voici un scrutin pour lequel il a placé des garde-fous pour ne pas perdre. Il est à la fois arbitre, juge de touche, joueur et cerise sur le bulletin de vote, financier de ses adversaires. En effet en dehors de toute procédure légale, il a fait décaisser par le Trésor ivoirien environ 150 000 euros (100 millions de francs CFA) pour chaque candidat retenu. Des sources bien informées affirment que Ouattara a une cagnotte de 15 millions d’euros (10 milliards de FCFA) pour convaincre les ivoiriens à voter pour lui. Tous les panneaux publicitaires du pays sont entre ses mains, ainsi que les médias d’Etat.
Enfreignant à nouveau les règles constitutionnelles, il a installé un conseil constitutionnel à ses ordres avant la fin du mandat du désormais célèbre Yao Ndré. Il a maintenu dans ses fonctions de président de la commission électorale, celui qui fut l’un des artisans du déclenchement de la crise post-électorale de 2010, Youssouf Bakayoko qui avait choisi (on s’en souvient) le QG de campagne d’Alassane Ouattara pour annoncer les résultats de la présidentielle de 2010.
Ouattara est donc en campagne avec pour unique challenger sérieux…Alassane Ouattara. Les jeux sont faits et le résultat semble connu d’avance. Ce qui a irrité et poussé l’ancien président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly ainsi que l’ex-ministre des Affaires Etrangères puis premier président de la commission de l’union africaine, Essy Amara à retirer leurs candidatures. Le premier a interpellé la communauté internationale en poussant un véritable cri du cœur : « qu’est-ce que Ouattara vous a donné pour fermer les yeux sur la souffrance de la population, votre capacité à punir les régimes dictatoriaux diminue lorsqu’il s’agit de Ouattara ». A-t-il martelé au dernier meeting de la coalition nationale pour le changement (Cnc-opposition véritable) à Yopougon dans la banlieue nord d’Abidjan, le mercredi 7 octobre 2015.
Assurément, Ouattara est le chouchou de la communauté internationale notamment l’ONU et de la France. A Abidjan, la représentante du secrétaire général de l’ONU, Aichatou Mindaoudou est une antiGbagbo viscérale qui lors de la crise post-électorale avait signé avec quelques intellectuels africains une déclaration incendiaire pour demander à Laurent Gbagbo de laisser le pouvoir à Ouattara. François Hollande quant à lui ferme les yeux sur les exactions et les atteintes multiples aux droits de l’Homme du régime Ouattara. Voulant sans doute préserver les énormes intérêts des entreprises françaises dans l’ex fleuron du pré-carré gaulois, l’Elysée évite de regarder de trop près la gouvernance Ouattara.
Curiosité intéressante de ce scrutin, de nombreux candidats y compris Alassane Ouattara lui-même mènent leur campagne au nom de Gbagbo. C’est à qui promettra aux populations la libération de l’ex-président détenu par la CPI, ou qui se pavanera en meeting avec des « gbagboistes » tombés sous son charme. Rappelons que c’est désormais huit candidats au total dont deux dames qui briguent les suffrages des électeurs dans une présidentielle dont le principal enjeu est le taux de participation.
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