Comment vivent les togolais dans nos campagnes

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Cette étude a pour buts de voir comment les togolais vivent dans nos villages, hameaux et petites villes du pays. Nous avons choisi dix localités (deux par région économique) du Togo et dix enquêteurs, originaires de ces localités, pour mener cette étude. Ils ont chacun (e), observé le mode de vie des habitants de ces régions : alimentation, habitat, prise en charge médicale, éducation, les fêtes  et les deuils, les loisirs, les marchés etc…

Cette étude  a été conduite du 4 Mars au 2 Avril 2013. Chaque enquêteur a perçu 60.000 FCFA (Soixante mille francs CFA) sur la base de l’accord librement  signé entre eux et nous. Le financement de 600.000 (Six cent mille francs CFA) a été accordé par une ONG de la place, en plus des frais de transport accordé à chacun(e) selon les distances des localités par rapport à notre capitale

Les dix villages et localités sont les suivants :

1) Dans la Région Maritime : ALOKOEGBE et KOUVE

2) Dans la Région des Plateaux : BADOU et TCHOUBOUPOUE (à quelques kilomètres de Nangbéto)

3) Dans la Région Centrale : LANGABOU (vous partez de Langabou pour aller à Blitta ou à Pagala-Gare) et DANCHO (près de TCHAMBA)

4) Dans la Région de la KARA : LANDA-POZANDA (près de Kara) et GERINKOUKA

5) Dans la Région des Savanes : MANDOURI et NIOUKPOUMA (à quelques kilomètres de Dapaong)

Un des piliers du développement est l’Agro-pastoral, et on ne peut que féliciter toute initiative qui va dans le « boostage » de ce secteur. Un internaute m’avait interpelé, il y a quelques semaines, pour me demander si les projets BETHANIA et la Jeunesse Pionnière Agricole (JPA) me disaient quelque chose. Je connais bien ces projets et même mieux que Mr KOFI FOLIKPO, puisque le Projet Bethania a été financé, à hauteur de 100 millions FCFA, sur insistance et recommandation express du Général EYADEMA, pour aider le ministre-Pasteur HUNLEDE.  Mon beau-frère (le mari de ma sœur ainée) a été Directeur Général de la SNI (Société Nationale d’Investissement), pendant des années et trois de mes parents ont fait toute leur carrière dans la SNI, la banque d’Investissement qui avait débloqué les cent millions ! Je connais au bout des doigts les arcanes de BETHANIA et je sais des choses que Kofi  FOLIKPO ne sait certainement pas !

Comment vivent les togolais de ces dix localités, qui ne vivent vraiment que grâce à l’Agriculture et à l’Elevage ?  Nous ne faisons que résumer, en condensé, le rapport de nos enquêteurs.

La plus malchanceuse de ces localités est ALOKOEGBE. C’était l’un des rares villages du pays à posséder une industrie légère : huilerie d’ALOKOEGBE, que nous, nous connaissions. Production d’huile de palme de très bonne qualité, culture de plusieurs dizaines d’Hectares de palmiers à  huile, et comme corollaire, un emploi assuré pour 400 jeunes de la région et d’ailleurs. Aujourd’hui, il n’y a plus d’usines, les palmeraies sont en ruines, et le chômage est à son comble. Le problème récurent d’eau dans la région, n’a pas facilité les choses, et la culture des palmiers à huiles, qui était subventionnée par l’Etat, à travers l’usine d’huilerie, est presque au point mort. Les jeunes désœuvrés s’adonnent au premier sport national du Togo d’aujourd’hui : la conduite des taxis moto. Trajets TSEVIE-ALOKOEGBE, ALOKEGBE-BADJA, ALOKOEGBE-TOVEGAN-AMOUSSOU KOPE etc… cela leur permet de vivre (ou de survivre, selon …), mais les effets collatéraux de cette profession sont effroyables : accidents à répétition avec décès souvent, assurance inexistante par défaut de permis de conduire, traumatismes crâniens par défaut de port de casque obligatoire et surtout …l’éthylisme (alcoolisme) endémique. Les points de vente de Sodabi ou autres alcools frelatés de vins de palme, de tchoucoutou (breuvage à base de mil ou de sorgho) sont partout. Les conducteurs de motos sont « souls » à 16heures déjà ! Et les bras valides pour l’agriculture et l’élevage sont de plus en plus rares.

Plus de vastes champs d’haricot, de maïs, de manioc etc. , comme on en voyait avant dans la région, mais des propriétés agricoles de plus en plus squelettiques. Par contre, les lieux de fabrique d’alcool de vin de palme (sodabi) pullulent et les dégâts sanitaires grimpent. Quelques coopératives commencent à voir le jour et quelques initiatives du Ministère chargé du Développement à la Base commencent à prendre corps. Il serait vivement souhaitable que les palmeraies de toute la région soient réhabilitées et que l’usine d’ALOKOEGBE  renaisse de ses cendres, pour redonner vie à toute la région.

KOUVE  est une grosse bourgade qui a une notoriété ancienne avec le rayonnement du chef AYASSOU et la touche particulière de Me YAOVI AGBOYIBO, qui ont donné une notoriété à la région. Région rurale par excellence, maïs, haricot, palmier à huiles, fruits et légumes poussent sans problèmes. Mais la paupérisation a élu domicile dans la région, comme partout ailleurs. Production de vin de palme, de sodabi à gogo, alors que la production agricole stagne. Le sport national a pris comme une greffe  à KOUVE et les motos pétaradent à volonté, de jour comme de nuit. Les habitants mangent moins bien qu’il ya vingt ans, les marchés sont moins achalandés qu’auparavant, certains paysans aisés ont pu acheter des motos privées et se convertissent en Zemidjan souvent. Les champs sont toujours là, mais pas de grandes exploitations agricoles, ni d’élevage moderne. Ici aussi on note un recul général du niveau de vie des populations, malgré quelques maisons modernes construites par les cadres natifs de la localité. Mais à Kouvé comme à Alokoegbé, le déficit protidique dans l’alimentation est criard. Le fond des marmites ne connait pas beaucoup de visites de poissons ou de viande et rares sont les enfants  de trois à douze ans qui mangent un œuf par mois.

Pour aller aujourd’hui à BADOU, préfecture de WAWA, c’est la croix et la bannière. Il faut cinq heures de route en voiture pour 89 kilomètres. La route est dans un état plus que lamentable. Pourtant, la région de Badou (plutôt le tout le Litimé) est un des poumons économiques du Togo, puisqu’elle produit environ 50 % du Café et cacao du Togo, la moitié des bananes et bananes plantain consommés dans notre pays, ainsi que 50% d’avocats et fruits consommés par les togolais. Concombre, orange, cola, pamplemousse, taro, manioc, goyave, citron, tout y est !

Le triangle ATAKPAME-AGOU GADZEPE-SEREGBENE-ATAKPAME produit la quasi-totalité du café et du cacao du Togo. Ignames, coton, palmiers à huiles sont les produits dans ce triangle. Aujourd’hui les bananes, oranges, goyaves, avocats, pourrissent sur place, faute de moyens de transport et de route praticables. Après la destruction imprudente des caféiers et cacaoillers, la production du café  et du cacao a repris avec de nouveaux champs et de nouvelles cultures.

BADOU, un gros village n’est pas mort, mais c’est grâce à sa position stratégique, proche du GHANA et le commerce transfrontalier a empêché la décadence de cette cité. Les jeunes qui ne sont pas paresseux ont repris la culture du café et du cacao, mais la période de 20 ans d’hibernation a fait que les jeunes d’aujourd’hui préfèrent conduire des taxis moto plutôt que d’être producteurs de café et cacao, et être millionnaires, comme leurs pères et grand pères. Signes patents de vieillissement et d’appauvrissement des gros villages : les vielles maisons aux vielles tôles rouillées qui datent de 40 à 50 ans. Vivement que la route ATAKPAME-BADOU soit re-goudronnée, pour redonner vie à la localité. Le problème récurrent de l’alcoolisme chez les jeunes est aussi criard à Badou que dans les autres localités du pays.

TCHOUBOUPOUE est située à quelques kilomètres de Nangbéto. Personne ne vous croira si vous leur dites qu’il n’y a pas d’électricité ni d’eau courante dans cette localité située à quelques ailes d’oiseau du grand barrage de Nangbéto, construit par une entreprise allemande. Les activités dans ce village sont, à peu près, celles d’avant la construction du village. Cultures de maïs, d’igname, de manioc, de haricot, de coton etc… Tous les villages environnants comme ATOME, GLIVE, KPAKPO, LOGOSSA devaient être bien électrifiés et bénéficier d’un « boostage » agricole, grâce à l’irrigation, maïs rien n’est venu. Les villageois vivent comme dans tous les villages du Togo. Pas d’usines à grande consommation de main d’œuvre, pas de microprojets particuliers. Taxi-moto, sodabi, tchoucoutou et farniente rivalisent dans la grisaille de la paupérisation.

Connaissez-vous LANGABOU ? De ce village, vous allez à BLITTA vers le Nord et à PAGALA vers l’Ouest. Ce nœud routier devait être une localité bruyante d’activités de toutes sortes : commerciale, agropastorale, industrielle, touristique. En réalité, c’est une bourgade comme les autres, qui grouille avec les inévitables taxis motos, l es jeunes désœuvrés, les gosses au ventre tonique bourrés de vers intestinaux et ses éternels problèmes d’eau courante et d’électricité. On cultive dans la région du maïs, du haricot, du manioc, du mil, de l’arachide ; les maisons sont aussi rudimentaires qu’ailleurs avec, pour certaines, des tôles rouillées qui témoignent de leur âge avancé. La naissance de coopératives agro-pastorales peut aider à améliorer le sort des populations de la zone, de même que l’implantation d’une industrie légère.

DANTCHO est une petite bourgade, au Sud-est de Tchamba, à quelques kilomètres de cette ville. Quelques moto-taxis stationnent à l’entrée de la bourgade, attendant les passagers pour Tchamba, Satodé, Kouloumi, Koutione ou Dangma. Cultures de mil, maïs, ignames, arachide… Elevage traditionnel de pintades, poulets, moutons, chèvres, bœufs. Pas  d’eau, ni d’électricité, aucune industrie légère, aucune activité génératrice de revenus organisée ou de groupe. Bref, un village comme des milliers d’autres dans le pays. Les perspectives d’avenir sont sombres, à moins qu’une industrie ne se mette en place rapidement à Tchamba et ses environs, ou que le Ministère du Développement à la Base s’active positivement dans la région.

Dans la région  de la Kara, LANDA POZANDA et GUERINKOUKA ont été explorées par les enquêteurs originaires de la région.

LANDA POZANDA étant dans la zone qui ceinture la ville de Kara, cette localité bénéficie un peu de la « couverture » de la ville de Kara. La vie y est relativement « citadine », avec la tournée inévitable des taxi-motos. La culture du mil, du sorgho, de l’arachide, de manioc, d’igname est appréciable. Le trafic de motos et de taxis est dense entre Kara, LANDA POZANDA, Tchitchao, Awandjélo, Waya, Djambé, Sarakawa etc… La fermeture de l’usine textile de Kara, et le peu d’employés utilisés par la Brasserie du Benin de Kara (100 employés environ) font que l’emploi est une denrée un peu rare dans la région. Ici, comme ailleurs, le développement d’une localité passe par l’industrialisation (même légère) et l’Agriculture.

GUERINKOUKA. Le rectangle KANTE –KADOGOU-BENATA-BAKOULE-DOUKORODE-KANTE est un rectangle d’or, grenier de la région de la Kara et du Togo tout entier. On y cultive de tout : igname, maïs, mil, sorgho, fruits, et légumes etc… mais toujours de façon artisanale. Le gros handicap de cette région est l’état des routes. Le goudron a refusé de garnir la route KABOU-BASSAR pendant les décennies, puis finalement, sont entrepris récemment les travaux de bitumage de ce tronçon. Le tronçon KABOU-GUERINKOUKA,  goudronnée, et la boucle sera bouclée et la région sera entièrement désenclavée. La grande observation dans cette région est que, comme partout ailleurs sur le territoire national, les vrais agriculteurs sont de plus en plus âgés, les jeunes s’adonnent de moins en moins à l’agriculture. La vie à Guerinkouka est moins dure qu’auparavant ; il y a 20 ans, c’était un enfer de vivre à Guerinkouka. Pour rallier KARA  à Guerinkouka, les 60 km de Kabou à Guerinkouka étaient la croix et la bannière. Aujourd’hui, il faut vite goudronner ce tronçon et installer une industrie légère à Guerinkouka. Les coopératives agricoles peuvent booster l’agriculture, car la terre est fertile et le climat n’est pas si mauvais.

La région des Savanes est la plus pauvre du Togo et c’est paradoxal, car de l’autre coté de la frontière, les burkinabè viennent nous vendre des tomates, du choux, des poissons, des fruits, même des poulets et des pintades ! C’est exactement le même climat, la même nature, et ils nous vendent même des poissons pêchés dans les retenues d’eau ! Le fleuve OTI fait une belle incursion dans la région des Savanes et irrigue, avec ses affluents, les régions de BANDALI, MANDOURI, TUANDI, YALOUANDENI, TANGUIKOU, MANGO, TCHANAGA, BORGOU, etc… De petits barrages et des retenues d’eau peuvent aisément se faire pour l’irrigation, la pisciculture et autres. Mais la vie à MANDOURI ressemble à une « non-vie ». La paresse, le désœuvrement et le manque d’ingéniosité ont transformé la région en ghetto à ciel ouvert.

Nioukpouma est célèbre pour avoir abrité le camp militaire qui porte son nom. La vie y est légèrement moins rude que MANDOURI, à cause de sa proximité avec DAPAONG. Sinon , rien de particulier ! Dans les deux régions on cultive du mil, du sorgho, de l’arachide, du niéré, de l’anacarde etc. mais, pas de grandes exploitations agricoles. L’élevage y est plus développé que dans les 4 autres régions du Togo. Mais les éleveurs peulhs viennent plus du Mali et du Burkina Faso. Comment peut-on encore voir des enfants malnutris dans la région ? Œufs, viandes, légumes, devaient inonder abondamment  les marchés des Savanes. Il faut dire que les habitudes alimentaires rétrogrades ont plombé la région, sinon, chaque enfant des Savanes pourrait manger un œuf par jour et du poisson à volonté.

Nos campagnes se meurent et nous crevons de faim, bien que 80% de nos terres sont encore vierges. C’est la faute à notre paresse légendaire, à nos politiciens, et aux populations de nos cinq régions.

Dr David IHOU

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