CDPA-BT : Un recommencement perpétuel de l’histoire ?

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Ce pourquoi il faut plus que jamais se battre n’est donc pas un « équilibre » illusoire, mais une franche modification du rapport des forces en faveur de l’opposition démocratique. Cet objectif n’est pas utopique. Mais elle passe par une véritable implication de la masse des opposants dans le processus politique.

La CENI a finalement proclamé les résultats officiels du recensement électoral : 3 100 000 électeurs se seraient fait inscrire sur les listes. Que penser de ce chiffre compte tenu des conditions de la mise en place de la CENI et du mépris dans lequel le pouvoir tient les revendications du CST et de la coalition Arc-en-ciel ?

Le pouvoir avait appelé les électeurs à aller s’inscrire massivement sur les listes électorales pour faire croire à l’opinion que tous les Togolais approuvent les conditions dans lesquelles le régime a commencé à organiser les élections. Le président de la CENI s’était même empressé d’affirmer qu’aucun parti ne conteste le processus. Une affirmation évidemment un peu rapide.

Dans ces conditions, que penser du chiffre établi par le Comité de suivi en l’absence des partis d’opposition ? Gonflé ou pas gonflé ? Mais vrai ou faux, manipulé pour la fraude ou non, le chiffre importe peu dans la conjoncture politique où le pays se trouve actuellement. Il est donc inutile d’en faire un cheval de bataille ou de perdre du temps là dessus.

La proclamation des résultats du recensement électoral engage le pays dans la dernière ligne droite de l’organisation des élections en vue. 3 100 000 électeurs sont sensés aller voter  dans la dernière semaine de juin ou dans la première semaine de juillet 2013, comme la CENI l’a annoncé le 14 mai 2013, sans précision de date.

Dans ce processus chaotique de démocratisation engagé au Togo depuis plus de 20 ans, l’histoire des élections n’est pas un déroulement, mais bien un perpétuel recommencement. Les modalités de la mise en place de la CENI et le climat de tensions politiques avivées dans lequel le processus électoral est engagé depuis 2012 laissent voir clairement que ce scrutin aussi, comme les précédents, ne sera ni transparent, ni équitable.

Lors des élections passées, l’opposition participait au moins à l’organisation du scrutin jusqu’à un certain degré. Elle participait aux dialogues ; elle suivait de près la conduite des recensements électoraux ; elle était représentée dans la CENI… L’état du rapport des forces obligeait le régime à  donner au moins le sentiment de vouloir l’associer à la mise en place des structures et à la conduite des opérations.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est la toute première fois que l’opposition n’est pas du tout associée à la préparation du scrutin. Le régime a tout fait pour l’en écarter dans les faits. A l’heure actuelle, c’est le CST et la Coalition Arc-en-ciel qui occupent les devants de la scène politique de l’opposition. Le pouvoir à tout fait pour les mettre en situation de ne pas participer à la mise en place de la CENI, à la désignation du Président de la commission, à l’organisation et au déroulement du recensement électoral… Et ils continuent de demander en vain un dialogue pour lequel le régime fait la sourde oreille jusqu’à présent.

Vont-ils pouvoir participer à l’organisation du scrutin lui-même dans ces conditions ? La doctrine du régime est plus que jamais claire : Passer en force pour organiser les urnes en mettant l’opposition au pied du mur à chaque étape du processus électoral.

Les conditions d’organisation des élections n’ont pas bougé depuis 1993. Le rapport des forces non plus. Ils sont restés toujours défavorables à l’opposition. Ils se sont maintenus pendant ces longues années et ils le sont encore plus aujourd’hui qu’hier. Et les conditions d’organisation du scrutin se sont aggravées.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est donc évident que le changement politique n’aura pas lieu après les élections en vue, si elles sont organisées dans ces mêmes conditions et dans ce même rapport des forces. Et il n’aura pas lieu même si l’opposition venait à avoir plus de députés à l’Assemblée nationale qu’en 2007.

Le CST et la Coalition vont-ils, à eux seuls, arriver à imposer de nouvelles conditions d’organisation des élections avant la tenue du scrutin ? Vont-ils pouvoir créer un nouveau rapport des forces plus favorables à l’opposition avant cette date ? La politique d’opposition qu’ils conduisent pourra-t-elle permettre à l’opposition démocratique de prendre le dessus ?

Ce sont là des interrogations incontournables. Elles montrent bien que la réalisation du changement politique est moins simple qu’elle n’est souvent présentée, et qu’il ne faut donc pas continuer de faire n’importe quoi en guise de politique d’opposition.

L’exorcisme verbal ne suffira  pas pour « expulser les démons ». Pas plus que les prédications de prophètes de tout acabit. L’un et l’autre ne feront guère mieux que de contribuer à entretenir la masse des opposants dans de fausses espérances et dans des illusions dangereuses pour la poursuite de la lutte pour la démocratie.

Par ailleurs, orienter la lutte vers la recherche d’un « équilibre des forces » comme les dirigeants du CST le soutiennent, ne fera pas avancer le processus de démocratisation. Dans la situation politique présente, un simple équilibre des forces Opposition/Régime conduira tout au plus à établir un statu quo où le régime continuera de confisquer tous les leviers du pouvoir pour continuer de se pérenniser. On en arrivera tout au plus à un nouvel « accord de partage du pouvoir », où le régime fera encore quelques concessions mineures, juste pour élargir un peu plus le cercle de la trahison et de la collaboration. On a bien vu le cas de Gilchrist Olympio et ses AGO en 2010. Si c’est ce que l’on veut faire, la grande masse des opposants a déjà montré que ce n’est pas ce qu’elle veut.

La lutte pour la démocratie doit viser plus haut que le simple « équilibre » des forces. Son objectif doit rester ce que l’opposition démocratique s’est fixé depuis 1990, à savoir une franche modification du rapport des forces en faveur de l’opposition. C’est la seule condition pour réaliser une franche alternance politique sans laquelle il n’ y a aucune chance de créer les institutions indispensables au fonctionnement d’une société démocratique.

Cet objectif n’est pas utopique. Mais sa réalisation passe de façon incontournable par une véritable implication de la masse des opposants dans le processus politique, comme la CDPA-BT continue de le préconiser. Une implication dont l’objectif premier doit être, non pas d’amuser ou d’obtenir l’aide de la diaspora, mais bien de faire émerger de cette masse des opposants une force politique capable de peser réellement dans la balance pour changer le rapport des forces afin de pouvoir réaliser le changement politique.

Comment parvenir  à cette implication de la masse des opposants dans le processus politique ? Quelles formes d’organisation inventer pour y arriver ? Quels types d’actions concevoir et mener avec cohérence pour réussir ? Est-il encore possible de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur pour voir si des propositions ne sont pas déjà faites dans ce sens ? Ces questions pourraient revenir en force au lendemain des prochaines législatives.

Dans tous les cas, une seule proposition qui se trouve dans le rétroviseur en ce moment. C’est celle relative au Mouvement de la Force Alternative d’Opposition (MFAO). Elle est faite depuis des années déjà par la CDPA-BT. Notre Parti a invité à maintes reprises les autre partis et organisations associatives de l’opposition à accepter que nous mettions les forces ensemble pour le construire.

L’opposition démocratique a pour tâche, non pas d’utiliser le peuple pour accéder au pouvoir mais de mettre le peuple en mesure de prendre le pouvoir pour réorganiser le pays.

Fait à Lomé le 21 Mai 2013.

Pour la CDPA-BT

Le Premier Secrétaire

E. GU-KONU

 

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