Un report de quatre jours, ça ne suffit pas. La remise à jour du système électoral demande plus de temps. Multiplier ce chiffre par dix, c’est plus convenable si l’on veut dépoussiérer les premières vérités: quarante jours et quarante nuits de pourparler “gagnant-gagnant” avant toute élection. Là aussi, le pouvoir a beaucoup à prouver. La bonne foi n’est pas une incantation mais une attitude. On attend du RPT – la balle étant dans son camp – un début de sagesse qu’il peut amorcer par cette citation de Nelson Mandela: « Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté »
Pour sortir leur pays de l’ornière, les politiques togolais ont le devoir de s’attaquer aux causes profondes des défaillances du processus démocratique, des divergences profondes qui occasionnent les flambées de violence à chaque période électorale. On compte plus de mille morts depuis 2005. Le chef de l’état ne sait manifestement toujours pas comment mettre de l’ordre dans la maison et arrêter l’errance de la barque qu’il prétend diriger. Comment décrisper le climat politique pour le rendre supportable? C’est ce but que doit viser tout dialogue qui veut réellement placer l’intérêt général au centre du débat.
Si l’exécutif a lamentablement échoué, le Parlement précédent n’a pas été, lui non plus, capable d’adopter la moindre loi d’envergure qui apaise les esprits et favorise le retour de la confiance et de la sérénité. Bien au contraire, les députés du RPT, en meute acharnée contre l’opposition, ont, pendant cinq bonnes années de législature, ignoré pourquoi ils siègent à l’assemblée nationale alors que la situation du pays leur recommandait d’être à la hauteur des taches urgentes de la réconciliation. Ils ont passé le temps à invectiver, à ridiculiser ceux qui, par des plans de fausses alliances cultivés depuis la présidence de la république, ont vu leurs voix mises sous éteigroir dans l’hémicycle. Certains députés seront même purement et simplement renvoyés chez eux. Finalement, le pays que par ailleurs les milices et les brigades de torture ont aidé le RPT à mettre en coupe réglée, sera bloqué. Pour tenter d’y remédier, un dialogue plus élargi doit avoir lieu, porté par un ordre du jour sans restrictions qui va au-delà du seul calendrier des législatives. Il doit s’agir – la vox populi insiste – d’un dialogue différent de celui correspondant à l’entendement biaisé du tisserand des mensonges que tout le monde connaît, Gilbert Bawara. Au total, un dialogue visant, dans la conception des uns et des autres, à stabiliser la situation grâce à un esprit de vérité et de modération.
Depuis des années maintenant, un nombre important de citoyens manifestent pour réclamer des réformes et parfois la démission de Faure Gnassingbé et de son gouvernement. Mais surtout, ils demandent que les forces de l’ordre, l’armée et la Justice cessent de cibler certaines catégories de Togolais que ces institutions de l’Etat, abusivement, traitent en éternels suspects parce qu’ils appartiennent à l’opposition. La pratique du double standard par le pouvoir est en réalité le noeud du problème. Ces manifestants ont réussi à exploiter en leur faveur les échecs du pouvoir paralysie, gagnant ainsi la sympathie du plus grand nombre, de tous ceux qui se sentent laissés à l’abandon par un pouvoir incapable de régler les différends qui mettent à mal la cohésion sociale. Le gouvernement devrait en principe, sans qu’on ne lui force la main, prendre des mesures pour entamer des négociations sérieuses et crédibles avec ces mécontents qui se comptent désormais dans tous les coins et recoins du pays; même le Nord du pays naguère consideré comme le fief du RPT a basculé dans le camp de la contestation, sans oublier la nombreuse Diaspora, largement acquise à l’opposition. Ce sont tous ces mécontents qu’incarnent le CST, Arc-En-Ciel, le FRAC et les Associations de la Société Civile, la Centrale syndicale de la Synergie entre autres.
La collaboration et le dialogue sont sans aucun doute les moyens les plus probants de s’attaquer à la crise politique que le parti au pouvoir, le RPT, refuse abstinément de voir en face, trouvant toujours les moyens de faire croire à la communauté internationale que les fauteurs de trouble, ceux qui ne veulent pas aller aux élections par peur d’être battus, ce sont les opposants. Il y a un travail énorme à accomplir si la volonté de normaliser le Togo existe et, à vrai dire, la balle est dans le camp du pouvoir RPT, l’opposition ayant tout donné, vraiment tout, y compris des vies humaines, sans jamais obtenir une contre-partie humainement satisfaisante. Ce sont ces tas de frustrations qui ont conduit le pays à couver une explosion que les différents leaders religieux du pays, accompagnés par les Etat-Unis d’Amérique, s’efforcent de désamorcer avant que le pire ne se produise. Ces initiatives sont à féliciter. Seulemnent, lorsqu’on relit l’historique des multiples missions de médiation, toutes infructueuses, entreprises au Togo par des religieux pourtant de renommée internationale tels que Monseigneur Etchegaray (Vatican), l’Archevêque Desmond Tutu (Afrique du Sud), le scepticisme prend le dessus.
Pourquoi, depuis le début des mouvements de protestation, depuis les massacres de 2005, Faure Gnassingbé refuse-t-il de faire les réformes et les concessions nécessaires? On a vu un président se consacrer à plein temps à des actes d’accaparement de tous les pouvoirs, mu par une farouche volonté de s’incruster? Pourquoi la question plus subtile de partage du pouvoir au sein d’un gouvernement d’union nationale est restée aussi vaine que celle de la bonne gouvenance et la réduction de la misère qui frappe considérablement les populations? Ces questions n’ont pas été résolues, ou sont à peine effleurées pour certaines. S’il y a un accord politique basé sur la bonne foi des uns et des autres, les situations économique et sécuritaire iront en s’améliorant. Mais c’est tout le contraire pour le moment. C’est parce que le gouvernement ne prend pas l’initiative d’un accord politique franc, sincère et durable que la crise de confiance s’empire, que la colère grossit. Le Togo souffre d’un problème politique profond qu’un scrutin législatif organisé à la hâte, sur des bases litigeuses, sera loin de résoudre, contrairement à ce que soutiennent certains dont l’agenda consiste à gagner dans la confusion un siège à l’assemblée juste pour se faire une santé financière.
Reporter les législatives de seulement quelques jours et, par un semblant de dialogue, évacuer les points de litige en quelques heures, va maintenir le pays dans le statut quo. Il en faut plus si l’on veut que le Togo, au lendemain des élections, change de visage pour ne plus être le même pays que la veille et où les autorites se font copieusement conspuer dans la rue. Les élections, si elles sont justes et transparentes, pourraient être bien évidemment une partie de la solution mais la réalité est qu’il s’agit bel et bien d’un probleme politique pour une bonne partie délibérément conçu et executé par le RPT par souci d’écarter les autres de la gestion des affaires de la cité.
Le pouvoir n’y gagnera rien s’il continue de brandir les petits partis tels que l’UFC et la CPP comme étant des partis d’opposition avec qui il compte stabiliser le Togo. Ce sera un effort vain, une course effrénée dans l’inconnu. Le refus du RPT de comprendre ces réalités va continuellement l’exposer à toute sorte de railleries comme c’est le cas par exemple dans nos villages où ce parti commet l’odieuse vilenie de distribuer aux populations que lui-même a appauvries de chétifs pains de savon contre leur vote. Où se trouvent la popularité et la grandeur de ce parti? Un échange réciproque qui avantage tout le monde au cours d’un dialogue franc et sincère peut aider.
Kodjo Epou
Washington DC
USA