Cette « Côte d’Ivoire » ne ressemble pas à la CÔTE D’IVOIRE

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Les années se sont écoulées sur la chaîne du temps ;  la République de Côte d’Ivoire a connu dans l’entre-temps quatre présidents avec des fortunes et des histoires diverses; mais un mot est  resté intact, indélébile dans nos pensées  : sous l’ère Houphouët-Boigny, les différentes d’ethnies que compte le pays vivaient en parfaite harmonie.  Le régime d’accumulation faisait de l’Etat le pivot de l’accumulation et de la régulation socio-économique. On a parlé d’une gestion neopatrimoniale de l’économie. Toutes les ethnies du pays vivaient non côte à côte mais ensemble, regardant dans la même direction. Les différends entre les différentes parties du pays étaient réglés de façon pacifique. Des slogans tels que «la Paix n’est paix un mot, c’est un comportement» ; «le Dialogue est l’arme des forts» ont fini par être intégrés dans le vécu et le comportement des ivoiriens qui sont, somme toute, un peuple profondément épris de paix.

Nous comprenons, à l’évocation de ce titre, que la Côte d’Ivoire actuelle reste très éloignée d’un pays à la recherche de son unité. Il convient d’examiner la « Côte d’Ivoire d’Houphouët Boigny » pour saisir la pratique de l’exclusion actuelle dans ce pays.

1. LA CÔTE D’IVOIRE SOUS FÉLIX HOUPHOUET BOIGNY

On peut reprocher à Félix Houphouët-Boigny, une gestion opaque et peu rigoureuse de l’argent public. Mais Feu Félix Houphouët-Boigny, avait dès l’accession à l’indépendance, créé les conditions de la stabilité politique du pays, alors que la plupart des voisins étaient secoués par des coups d’Etat à répétition. Il avait en effet mis en place le cadre d’une concertation politique et sociale pour discuter des affaires de l’Etat. Il s’agissait du «Conseil National», une instance de dialogue qui permettait d’anticiper et de désamorcer les situations pouvant conduire à des crises majeures ou à des conflits.

En effet, ce pays composé, d’une soixantaine d’ethnies était une mosaïque de tribus, de peuples, et d’étrangers. Le président Houphouët, avec sagesse, a su rassembler tout ce monde pour former un État , relativement prospère, forte, une et indivisible. L’hospitalité et la paix étaient des notions presque sacrées dans ce pays.

Ce qu’il convient de noter également, c’est la priorité accordée à l’éducation nationale, à l’enseignement technique et professionnel, à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique. D’énormes sacrifices budgétaires ont été consentis pour ce secteur qui a fait le bonheur et la satisfaction de tous : des cadres ivoiriens ont été formés, dans les meilleures conditions, dans les plus prestigieuses écoles et universités, tant en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur. Le président Félix Houphouët Boigny formait des gouvernements de méritants. N’était pas ministre qui voulait mais qui pouvait.

Pour résumer la gouvernance sous Félix Houphouët Boigny, c’était simplement  la période de l’« houphouëtisme » pour  emprunter le terme sacré à Feu  Balla Keita.  Ce dernier  avait défini le contenu de cette doctrine politique comme « la pensée, l’action et les actes du président Félix Houphouët-Boigny au service de la Côte d’Ivoire, de la paix, du progrès et de l’unité dans la construction de la nation ivoirienne. L’houphoutisme est aussi un humanisme soutenu par le dialogue fraternel et la tolérance au cœur de l’action politique au service du développement de la Côte d’ivoire et de l’Afrique »

2. LA GOUVERNANCE SOUS BÉDIÉ ET GBAGBO

Sous ses deux hommes, le pays était gouverné avec les ethnies du nord.

Le candidat du FPI en octobre 2000  appréciait avec un certain intérêt la paix et la stabilité. « Les défis auxquels est confronté notre pays et les enjeux de ce nouveau millénaire, exigent une démarche politique appropriée, fondée sur l’ouverture, la tolérance et le dialogue. Pour relever le défi de la refondation du pays, je crois nécessaire d’associer à la gestion du pouvoir, toutes les forces vives de la nation qui soutiendront mon programme et qui le feront triompher. Car le développement ne peut prendre racine et prospérer dans un contexte socio-culturel défavorable et un environnement politique malsain », dixit Laurent Gbagbo.  Il avait l’habitude de dire que le fondateur du PDCI-RDA, Felix Houphouët Boigny, prônait le dialogue comme solution à tous les problèmes de société. Il a indiqué que pour bien gérer le pays, avec les diversités ethniques et culturelles, le président Houphouët a développé le concept de géopolitique. Aussi, il faisait des gouvernements, dans lesquelles se retrouvaient toutes les sensibilités. Pour Laurent GBAGBO, « Dans les gouvernements Houphouët, il y avait à la fois des Bété, des Baoulé ; des Agni… Il n’y avait pas que des Baoulé de son ethnie».

Quant à Henri Konan BEDIE, fidèle aux idéaux de Felix Houphouët Boigny, pratiquait lui aussi la géopolitique. Toutes les régions du pays se retrouvaient dans ses gouvernements. Pour s’en convaincre, il suffit  de regarder le choix des ministres « PDCI » du « gouvernement ADO ».

Selon des sources  crédibles, les choix des ministres PDCI ont été opérés, personnellement par le président Henri Konan Bédié, qui se serait montré « inflexible », tant sur les portefeuilles que sur les personnes qui doivent les occuper. Tout comme il a tenu à la géopolitique. C’est ainsi que Dagobert Banzio dans le Moyen-Cavaly, Daniel Kablan Duncan au sud, Patrick Achi dans le sud-est, Thérèse Aya N’Dri-Yoman dans le sud, et Mme Raymonde Goudou Coffie dans le centre, ainsi que Remi Kouadio Allah, Adjoumani dans l’Est etc.

Le Président Alassane OUATTARA a lui des pratiques étranges et différentes.

3. LA CÔTE D’IVOIRE SOUS LE PRÉSIDENT ALASSANE OUATTARA

Rien n’est plus arbitraire, que de vouloir différencier la Côte d’Ivoire de « OUATTARA » de la CÔTE D’IVOIRE.  Même si l’on parle d’un même espace, des nuances se précisent quelque peu lorsque les pratiques sont abordées. Si l’on s’accorde à reconnaître que la cohésion sociale et la recherche de l’unité nationale sont les fondamentaux des précédents gouvernants, on peut affirmer sans hésitation que le Président Alassane OUATTARA a des pratiques étrangères à la CÔTE D’IVOIRE. La Côte d’Ivoire du Président Alassane OUATTARA est caractérisée par quatre insécurités : insécurité tout court, insécurité politique, insécurité sociale, insécurité judiciaire.

En premier lieu, l’insécurité tout court. C’est tout simplement le manque ou l’absence se sécurité. cette insécurité détruit petit à petit la Côte d’Ivoire. Les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), la nouvelle armée du Président Alassane OUATTARA tue les ivoiriens. Cette armée a tué à Vavoua, à Arrah, à Abobo, à Sikensi, à Duékoué etc.  Officiellement cette violence meurtrière a fait 11 morts selon le gouvernement ivoirien mais le Front populaire ivoirien (FPI) a affirmé que 211 personnes ont trouvé la mort dans l’attaque du camp de Nahibly à Duékoué. A Duékoué, les habitants côtoient au quotidien meurtres, vols, et agressions sexuelles. Si les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire  ne tuent pas les populations civiles, les éléments de cette armée s’affrontent entre eux. L’exemple le plus éloquent remonte au mardi 24 juillet 2012 où à Anonkoua Kouté à Abobo, les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire se battaient avec des ex-combattants.

Les évasions sont légions dans les prisons ivoiriennes. Les bandits de grands chemins s’évadent quand il décident de le faire et sans crainte. Les casques bleus ne sont pas épargnés. Une attaque commise par des inconnus, a causé officiellement la mort de 7 casques bleus du contingent nigérien de l’Onuci, de 2 FRCI et 8 civils. Les exactions perdurent dans l’ouest et partout ailleurs, les ivoiriens vivent dans la peur.

En second lieu, l’insécurité politique. En raison de sa culture de l’arbitraire et de l’impunité, le régime du Président Alassane OUATTARA maintient chaque ivoirien  dans la hantise d’être à tout moment tabassé en pleine rue, ou convoqué, enlevé manu militari sans aucun mandat, pour se voir arbitrairement gardé en détention dans un centre de police, de gendarmerie ou ailleurs et subir toutes les formes de violence qui vont de la simple intimidation à l’exécution sommaire.

En troisième lieu, l’insécurité sociale. Être dans l’insécurité sociale, c’est être à la merci du moindre aléa de l’existence. Par exemple, une maladie, un accident ou une interruption de travail, peuvent rompre le cours de la vie et faire basculer un individu dans l’assistance, voire dans la déchéance sociale. Le fait de « vivre au jour la journée », c’est-à-dire de ne pas avoir un minimum de réserve pour assurer un peu son avenir, est une situation très répandue actuellement en Côte d’Ivoire. Les licenciements abusifs et la cherté de la vie rendent la vie des ivoiriens très pénible. Il existe également un point qui ne fait pas débat aujourd’hui vu que c’est le Président Alassane OUATTARA lui-même qui l’a popularisé : le rattrapage ethnique. Cette réelle volonté d’exclure les autres ethnies de la Côte d’Ivoire, de la gestion des affaires de l’Etat, a accentué cette insécurité sociale. C’est bien à ce niveau que la Côte d’Ivoire actuelle diffère de la vraie CÔTE D’IVOIRE. Sur les nombreux ministres du gouvernement actuel, issus du Rassemblement des Républicains (RDR), seuls quatre ou cinq sont des non-nordistes. En plus, Tené Birahima Ouattara, le petit-frère du Président, précédemment directeur financier de la présidence, est officiellement au gouvernement comme ministre chargé des Affaires Présidentielles. C’est la première fois en Côte d’Ivoire qu’un chef de l’Etat nomme à des postes civils et militaires des membres de sa famille. Son épouse Dominique Ouattara a  aussi été nommée à un poste officiel. Le Président Alassane Ouattara lui-même s’arroge le poste de ministre de la Défense, lequel ministère est rattaché à la présidence.

C’est finalement le « clan OUATTARA » qui dirige la Côte d’Ivoire. C’est ce tribalisme primaire qui fait que cette Côte d’Ivoire ne ressemble pas à la CÔTE D’IVOIRE.

En quatrième lieu, l’insécurité judiciaire. En Côte d’Ivoire, la justice est simplement en danger. Non seulement la justice n’est pas indépendante mais elle est à charge. Beaucoup y voient le symbole d’une justice à deux vitesses dans laquelle les puissants seraient épargnés. Ces puissants sont ceux qui ont la bonne religion, le bon faciès, la bonne région, le bon patronyme, le bon Parti politique. En Côte d’Ivoire, lorsque vous n’êtes pas du côté du Président Alassane OUATTARA, à la moindre faute, vous êtes arrêtés et jugés coupables avant de vous défendre. La Côte d’Ivoire du Président Alassane OUATTARA est un pays de non-droit où les arrestations sont arbitraires. La justice n’est pas équitable pour tous en Côte d’Ivoire. Pour la Lidho, « des crimes graves » ont été commis par les deux camps. Et tous les responsables doivent être traduits en justice sans considération d’obédience politique ni de niveau de responsabilité politique. Un premier pas indispensable pour la réconciliation nationale ». Aujourd’hui le processus de réconciliation est en panne en Côte d’Ivoire. Cet état de fait ne saurait être imputé au refus des « autres » d’aller à la réconciliation mais le rejet prononcé des nouvelles autorités de respecter la diversité dans notre pays.

Le Président Alassane OUATTARA doit méditer sur la citation du Président Felix Houphouët Boigny :  » Je rêve d’une société libre et démocratique où tous les hommes auraient des chances égales et vivraient ensemble en harmonie. C’est un idéal pour lequel je continuerai à me battre, et que je souhaite voir se réaliser un jour. Mais c’est également un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. « 

Dr. PRAO Yao Séraphin

Délégué national au système monétaire et financier à LIDER

 

 

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